Pour la Compagnie jolie môme, le drapeau rouge se baisse

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Pour la Compagnie jolie môme, le drapeau rouge se baisse

Après 20 ans d’activité dans le quartier de La Plaine Saint-Denis, la Compagnie Jolie môme se voit privée de son outil de travail : le théâtre La belle étoile.

Une longe histoire de militantisme culturel

La Compagnie jolie môme est une troupe théâtrale unique en son genre.

Créée en 1983, elle a construit et fait vivre le théâtre La belle étoile, ancienne salle des fêtes dans le cœur de Saint-Denis, depuis 2004. Leur activisme culturel et politique transpire, touchant différentes formes artistiques : accompagnements musicaux des travailleurs en grève, fanfares dans les manifestations, ateliers de musique et de théâtre, représentations de leur répertoire (Bertolt Brecht, Dario Fo, Jacques Prévert, etc.). Autant d’évènements pour les habitants et les habitantes de La Plaine Saint-Denis qui permettent des moments de rencontre, de partage et de réflexion autour de notre société.

De plus, ils organisent tous les ans, au mois de juillet, leur festival la belle rouge, dans le petit village d’Auvergne Saint-Amant-Roche-Savin, qui réunit des centaines de spectateurs.

Un espace citoyen

C’est au 14 rue Saint-Just, dans le cœur du quartier de La Plaine Saint-Denis, que se trouve le théâtre La belle étoile. À l’entrée, le drapeau rouge est levé et accompagne nos yeux vers un emblématique tréteau en bois. Au-dessus est inscrit : Une seule patrie, l’humanité.

On y respire une atmosphère chargée d’énergies : la lutte, le partage et la convivialité. Mais aujourd’hui tout a changé. Après 20 ans de travail et de luttes, le drapeau rouge se baisse à La belle étoile à cause d’une décision controversée de la nouvelle municipalité socialiste, installée depuis 2020.

Mairie socialiste et Compagnie jolie môme : une coexistence compliquée

Les rapports entre la Compagnie et cette municipalité ont toujours été conflictuels.

La politique d’expulsion de locaux municipaux des associations socialement engagées avait déjà commencé avec l’expulsion de l’association MaMaMaa, fondée en 2020 par des bénévoles de l’APHP et de la Croix Rouge avec l’objectif d’aider les mères en situation de précarité sévère.

Pour la compagnie, la politique de favorisation de la compétitivité et la commercialisation de la culture mise en place par la mairie entre en collision avec leur vision de la solidarité et de la culture. Ils dénoncent la volonté municipale de faire de Saint-Denis une belle vitrine pour le monde entier lors des JO 2024, sans une vision pérenne pour les habitantes et les habitants.

La mairie socialiste rejette ces accusations et affirme que “L’ouverture du théâtre et la programmation de nombreux spectacles, c’est un élément clef de notre cahier des charges sur lequel la compagnie Jolie Môme n’a pas souhaité se positionner.”

Avant le renouvellement de l’appel à projet pour la gestion du lieu, la mairie avait proposé un changement dans les conditions, les obligeant désormais à payer les charges s’élevant à 40 000€ par an.

Enfin, la mairie décide de désigner un nouveau gestionnaire. La compagnie a plié bagage le 1ᵉʳ janvier dernier.

Souhaitant terminer sa saison culturelle, elle avait ouvert une pétition qui a atteint les 9 000 signatures. Le tout conclu par une « Manifestation artistique, intellectuelle et politique », Hypernova : un weekend de spectacles, débats, conférences et musique ayant compté plus de 1300 spectateurs en trois jours.

La colère liée à cet évènement se mélange à la prise de conscience que la logique capitaliste n’épargne aucun secteur et aucun travailleur. La Compagnie jolie môme représente une dizaine d’intermittents du spectacle vivant, privés de leur outil de travail et jetés dans la mer des intermittents précarisés (plus de 300 000 en 2022) qui font leur course au cachet en cherchant des bons plans pour s’en sortir.


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