Allocations familiales : de la protection à l’assistance

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Allocations familiales : de la protection à l’assistance

La loi de finance de la sécurité sociale, adoptée aujourd’hui, prévoit une réorientation des aides vers les parents isolés. Cette logique redistributive est à l’opposé de la philosophie de la sécurité sociale et n’a pas vraiment une finalité progressiste.

Petite histoire des allocations familiales

Depuis l’élection de François Hollande en 2012, on observe une tendance à faire des différentes allocations familiales un outil de redistribution. Alors que ces aides sont historiquement calculées en fonction de la situation familiale indépendamment des ressources.

Des premières caisses, liées à une corporation et un département, au système national mis en place en 1939, il cible les travailleurs et a une visée nataliste, puisque les montants augmentent fortement avec le nombre d’enfants. En 1945, la caisse des allocations familiales est créée au sein de la sécurité sociale.

Un relatif consensus fait que les prestations demeurent universelles jusqu’en 1998, où le gouvernement Jospin tente une première fois de mettre en place un plafond de revenu, au-delà duquel les allocations ne seraient plus versées. Il doit finalement reculer.

La droite, toujours pressée d’attaquer la sécurité social, n’y touchera pas. La partie la plus conservatrice de son électorat y est fortement attachée pour son aspect nataliste et y voit une subvention d’une “famille traditionnelle” dans laquelle la femme ne travaille pas.

Hollande réussira finalement là où Jospin avait échoué en mettant fin à l’universalité des allocations familiales pour en faire un outil de redistribution.

Deux visions des allocations familiales

Sur le papier, il est plutôt séduisant et logique de considérer que les plus aisés n’ont pas besoin des aides qui leur étaient versées et qu’il faut renforcer celles versées aux plus pauvres. Cependant un tel renversement opère un changement de philosophie qui fragilise l’apport des allocations familiales.

D’un système de protection qui vient finalement reconnaître comme une solidarité nationale à la subsistance des enfants, on passe à un système d’assistance aux plus démunis pour subvenir aux besoins de leurs enfants.

Il est vrai que l’enfant n’est pas une maladie ou un accident, et qu’à l’inverse de ces derniers la branche famille ne vient pas couvrir un risque de la vie. Cependant la vieillesse n’est pas plus un risque et sa couverture par la sécurité sociale et le système de retraite est largement accepté.

Il est tout à fait possible de considérer que les allocations familiales viennent protéger l’enfant et non le parent qui l’a à charge. En transformant les allocations familiales en système redistributif on les affaiblit. Leur acceptation sociale s’en trouve bouleversée et donc ainsi leur légitimité.

De plus on introduit un effet de seuil qui affaiblit l’efficacité du dispositif à couvrir les besoins. Enfin on réduit le dispositif à un dispositif d’assistance qui n’ouvre aucun possible de conquêtes nouvelles.

L’universalisme des allocations familiales pour de nouvelles conquêtes

Un système d’assistance est quelque chose de nécessairement épisodique dans la vie. Les dispositifs de luttes contre la pauvreté ne visent normalement pas à y maintenir. Une aide aux parents pauvres, cesse nécessairement dès que l’enfant n’est plus perçu comme légitimement à la charge de ses parents.

A l’inverse, avec une conception universaliste de l’allocation familiale, qui ne vient non pas aider le parent nécessiteux mais assurer la solidarité nationale à l’enfant, d’autres perspectives sont possibles.

Ainsi, à l’heure où nombre de lycéens et d’étudiants sont contraints au salariat, il serait possible de réfléchir une solidarité nationale qui assure leurs conditions de vie tout en favorisant leur émancipation du cercle familial.

Loin de ces objectifs, le gouvernement de Philippe en abaissant le seuil de revenus annuels  pour obtenir la prestation à l’accueil de jeunes enfants, diminue de 10% le nombre de bénéficiaires. Cette diminution est loin de concerner des couples riches puisque le seuil passe par exemple de 38 000€ annuels à 34 000€ pour un couple où les deux parents travaillent.


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