Andrea Hornung (SDAJ) : “La colère légitime des jeunes est utilisée pour alimenter la conformité au système”

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Andrea Hornung (SDAJ) : “La colère légitime des jeunes est utilisée pour alimenter la conformité au système”

Suite aux élections législatives allemandes de septembre dernier, nous nous sommes entretenu avec Andrea Hornung, dirigeante du SDAJ, l’organisation de jeunesse communiste d’Allemagne.

Beaucoup de membres du SDAJ étaient candidats sur la liste présentée par le Parti Communiste (DKP), quelles priorités pour la jeunesse ont-ils mises en avant durant la campagne ? 

Tout d’abord, il était important pour nous de démontrer que les autres partis en lice aux élections – y compris le Parti « Die Linke »- ne représentent pas une alternative en ce qui concerne la défense des intérêts des jeunes travailleurs ou en formation. 

La colère existante et légitime des jeunes a été et continue à être utilisée par les partis bourgeois pour alimenter la conformité au système – la situation dramatique dans laquelle se trouve la jeunesse, qui s’exprime dans l’absence absolue de perspectives due à la crise du Coronavirus, ne peut pas être résolue au sein du cadre posé par le système capitaliste. 

En nous appuyant sur notre évaluation de l’intérêt croissant pour notre organisation dans le contexte de la pandémie du COVID-19, nous avons souhaité nous servir des élections pour appuyer nos enjeux en ce qui concerne, en particulier, les sujets liés au désarmement, à l’éducation, à la protection de l’environnement et à l’anti-fascisme, en nous fondant sur une claire base anticapitaliste. 

Depuis lors, il a été clair pour nous que cette campagne électorale n’aurait pas pour but «d’arriver au parlement – au Bundestag» mais plutôt d’asseoir le slogan «choisissez la voie de la résistance», qui doit exprimer clairement le fait que voter tous les cinq ans ne constitue pas la clé du changement mais que nous devons nous battre et nous organiser. 

Le Parti Communiste était sous menace de dissolution à peine quelques semaines avant l’élection. Quel était le contexte de cette campagne pour les communistes et quelle en est l’issue du point de vue organisationnel ? 

Il est important de souligner que le DKP devait être dissous pour des raisons formelles – le Ministère de l’Intérieur conjointement au Commissaire aux élections fédérales souhaitait l’exclusion du DKP, sous allégation d’avoir manqué de produire des rapports de comptabilité. 

Mais cette allégation ne correspond pas aux faits : le DKP a en effet fourni des rapports incomplets, avec retard pour une part, mais ces faits ne sont en aucun cas suffisants pour motiver l’interdiction pure et simple d’un parti – c’est ce que confirme le jugement rendu par la Cour Administrative Fédérale qui a permis d’infirmer la décision initiale. 

Le DKP a ainsi pu se représenter aux élections législatives de 2021 et élever sa voix de résistance. L’attaque à l’encontre du DKP doit plutôt être interprétée dans le contexte d’autres attaques de l’Etat visant des structures de gauche ne bénéficiant pas de son approbation – le quotidien marxiste Junge Welt, mis quelques temps auparavant sous menace financière, l’association des persécutés du régime Nazi et le mouvement altermondialiste Attac, se sont vus privés de leurs statuts d’organisations à but non lucratif. 

Malgré le poids des procédures légales et les incertitudes quant à la suite, le DKP a maintenu le cap de la campagne électorale. Il a organisé des points d’information, des rassemblements et des manifestations, pris part à des alliances et a suscité de l’attention concernant sa propre situation. Pour résumer, il est possible de d’affirmer qu’après la victoire légale, le DKP a émergé de l’adversité, renforcé. Les camarades étaient présents en force dans les rues, la solidarité internationale était énorme et l’attention médiatique a atteint des niveaux sans précédent. 

D’un autre côté, il faut également tenir compte du fait que le DKP en tant que parti n’est pas encore suffisamment fermement ancré dans les consciences et les structures de la classe laborieuse allemande, en particulier dans les syndicats, pour pouvoir faire face à une telle attaque par ses propres moyens.

Comment résumerais-tu ces seize années de gouvernement dirigé par Angela Merkel ? 

Tout d’abord, ces seize années du gouvernement d’Angela Merkel représentent l’expansion des ambitions impérialistes de l’Etat allemand. 

Durant les deux dernières années, comme dans les années suivant la crise financière mondiale de 2017, c’est aux populations travailleuses qu’il a été échu d’endosser le fardeau de la crise, notamment à travers l’extension de l’exploitation de la périphérie européenne dans la construction de l’euro. A cela s’ajoute la détérioration massive des conditions générales de vie en lien avec un démantèlement croissant de la démocratie par l’impérialisme. Dans la pratique, cela s’est traduit par un durcissement massif des lois sécuritaires, des droits d’assemblée et par une perte aiguë de salaires réels. 

Cependant, il faut dire clairement qu’un changement de personnel de la classe dirigeante peut tout à fait survenir sans que le gouvernement ne cesse de poursuivre des politiques préjudiciables à la classe laborieuse. 

Angela Merkel peut être décrite comme le fleuron de la classe dirigeante. Une femme à la tête de cet Etat se voit accorder un certain nombre d’attributs. Merkel a réussi avec succès à se mettre en scène comme la « Mère de la Nation » et à rallier la société derrière les intérêts des monopoles et des corporations avec sa campagne bien-connue, conduite sous le slogan « Nous pouvons le faire », qui s’est par ailleurs déroulée dans le contexte de la mise en place de sa politique migratoire. 

Dans le même temps, sous son gouvernement, le chemin du démantèlement croissant de la démocratie, que nous avons décrit, se poursuit en lien avec une politique étrangère à la tournure agressive – ainsi, l’ère Merkel représente une phase agressive, impérialiste et anti-sociale de la politique allemande. 

Comment analysez-vous les résultats des élections ? La population allemande peut-elle encore avoir confiance dans le SPD ? 

Selon notre analyse, les Verts sortent vainqueurs de ces élections en ayant réussi notamment à rassembler les électeurs derrière leur “politique environnementale” affichée et leur combat supposé contre le changement climatique. 

Le FDP et les Verts sont les faiseurs de rois du moment. Des négociations sont actuellement en cours entre le FDP, les Verts, le SPD, l’ancienne formation social-démocrate, et le Parti principal du capitalisme monopolistique – la CDU. 

Pour nous, cependant, une chose demeure claire dans tous les cas : peu importe la constellation politique qui endosse le rôle de gouverneur de la bourgeoisie allemande puisque toutes ces formations politiques visent finalement à défendre les intérêts des monopoles en œuvrant pour le démantèlement de la démocratie et  l’exploitation, avec une agressivité croissante dans sa politique étrangère vis à vis de la Russie et de la Chine. 

Il faut souligner également que le SPD et, particulièrement, les Verts, ne sont pas des partis sociaux. Le SPD s’est ainsi débarrassé de toutes les maigres barrières sociales de sa politique en y introduisant des transformations libérales (législation Hartz IV) et en se lançant dans une guerre d’agression contre la Yougoslavie. Les Verts, qui formaient un parti d’opposition, ont muté pour devenir un parti d’appui pro-capitaliste. 

De plus, au sein de la “grande coalition” avec la CDU, le  SPD dirige le gouvernement sous Angela Merkel ces dernières années. Suite à la hausse significative dans l’élection des “petits” partis, le pourcentage du score électoral du Parti “Die Linke” a changé. “Die Linke” doit être nettement identifié comme le perdant de ces élections. Die Linke s’est ainsi lancé sur la voie du rejet de tout principe socialiste, même minimal, sur sa trajectoire de participation gouvernementale. 

Globalement, cependant, il est important de souligner que ces élections représentent une claire défaite des forces de gauche. C’est d’ailleurs  uniquement en raison de la faiblesse des forces révolutionnaires que le parti réformiste “Die Linke” réussit à se présenter comme l’opposition de gauche. Malgré toutes ses lacunes de contenu politique, la défaite électorale de Die Linke révèle néanmoins la faiblesse de l’ensemble de la gauche sociale à l’heure actuelle. 

De quelle façon les communistes prennent-ils part à la bataille actuelle contre l’implantation locale de l’AfD ? 

Tout d’abord, nous voudrions souligner que l’AfD seul n’est pas à l’origine du  développement de l’extrême droite au sein de la RFA. 

Cela a été initié par les gouvernements au pouvoir et au sein du système impérialiste. Ainsi, les répressions internes et l’agression croissante dans les affaires étrangères viennent s’ajouter aux coups de couperet dans les politiques sociales. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD) ne saurait jamais porter une réelle alternative pour le pays, malgré tous ses efforts pour se présenter comme le parti des “petites gens”, son programme démontre sa nature de parti  néolibéral acquis au règne du Capital. 

On peut facilement exposer ce mensonge en pointant son souci constant de porter une politique en faveur des riches, à travers notamment son refus de l’impôt sur la fortune. Cependant, la montée en force de l’AfD est aussi due à l’absence de représentation d’un Parti de gauche anticapitaliste. L’AfD canalise ainsi un potentiel protestataire existant et justifié dans des canaux  conformes au système. Nous travaillons à contrecarrer l’agitation raciste et l’influence du programme de l’AfD au moyen de meetings publics, d’initiatives de blocus et d’un effort continu de formation marxiste. 

La montée en force de l’AfD s’accompagne par ailleurs par une poussée réactionnaire croissante dans la restructuration de l’État qui se manifeste dans le durcissement des lois mentionnées précédemment. 

Quelles sont les perspectives de conquête sociale pour le peuple allemand ? 

Après les élections, nous nous attendons à des attaques violentes du Capital sur les droits et les conquis pour lesquels nous avons lutté. 

Les récentes évolutions dans les domaines de la santé, des hôpitaux et de l’environnement ont ainsi occasionné des sujets de deuil majeurs au mouvement révolutionnaire. Il nous faut d’abord créer des perspectives. Le manque considérable de places en apprentissage, la pression à la performance dans les écoles et les réductions constantes sur le marché de l’emploi s’ajoutent au contexte d’une gestion inhumaine de la pandémie et produisent un taux de chômage massif et des carences dans les niveaux de formation. 

A cela s’ajoute encore la montée exponentielle des loyers qui produit un contexte défavorable pour la vie en indépendance pour la majorité des jeunes et des adultes dans notre société. La situation est dramatique à l’heure de la crise et de la pandémie, au vu notamment du transfert du coût de la crise à la charge des travailleurs. Mais nous avons également noté un intérêt croissant pour notre organisation au cours de l’année écoulée. 

Et nous avons prouvé l’an dernier que nous sommes une force avec laquelle il faut compter ! Nous allons mener les luttes de front et tenter d’abattre les obstacles sur le chemin des forces révolutionnaires. 


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