Attentats de janvier 2015 : 7éme semaine du procès

publié le dans
Attentats de janvier 2015 : 7éme semaine du procès

Le procès des attentats de janvier 2015 a poursuivi l’audition des accusés. Les réponses de ceux-ci, et de certains témoins, restent floues et contradictoires, empêchant la manifestation de la vérité malgré le dossier d’accusation. La fin du procès est prévue au 13 novembre.

Mohamed Fares

L’homme se présente comme un trafiquant de drogues lillois. Il explique qu’il était à la tête d’un réseau de vente d’héroïne et de cocaïne dans la rue ainsi qu’occasionnellement de cannabis. Il est accusé de participation à une association de malfaiteurs terroristes ainsi que de l’acquisition et du transport d’armes de catégories A et B dans une perspective terroriste. Les enquêteurs pensent qu’il aurait récupéré les armes vendues par Claude Hermant par l’intermédiaire de Christophe qu’il connaît alors principalement comme client de sa cocaïne. Ce sont ces armes qu’Amar Ramdani et Saïd Malkouf auraient récupérées au profit d’Amedy Coulibaly. Son implication est arrivée tardivement dans l’enquête et s’est faite via une lettre anonyme envoyée à la juge d’instruction.

Comme ses voisins de box, Mohamed Fares ne s’est pas distingué par la constance de ses déclarations tout au long de la procédure. Dans un premier temps, il a reconnu avoir organisé la vente d’une kalachnikov avec Christophe D. en direction de la région parisienne. Il explique désormais que cette histoire était une invention de sa part pour protéger son beau-frère d’alors, Souliman B. Ce dernier a introduit chez sa sœur une arme sur laquelle cette dernière a laissé son ADN sur le chargeur. Il s’agissait cependant d’un pistolet Tokarev et non d’un fusil d’assaut.

À cette auto-incrimination, il faut ajouter les déclarations de son ex-femme Chahinaze B. et de son beau-frère Souliman B. qui l’accablent. Pour le trafiquant lillois, il s’agit de vengeance due au fait qu’il trompait et battait son ex-femme. La confusion est d’autant plus grande autour du rôle joué par Mohamed Fares que la plupart des témoins vont revenir lors de leurs auditions devant la cour sur les déclarations précédemment. L’avocat de Mohamed Fares en profitera pour faire décrire à Chahinaze B. — l’ex-femme de son client — les conditions difficiles de son interpellation et de sa garde à vue. Menaces, pressions, ou solidarité mal placée, les auditions des témoins apportent davantage de confusion qu’ils n’aident à la manifestation de la vérité.

Souliman B. ne s’est pas présenté, le président pense d’abord qu’il a fui en Espagne, puis annonce sa possible arrestation en Belgique — qui sera démentie —, avant qu’une de ses sœurs explique qu’il est chez ses parents. Finalement, il ne sera pas non plus trouvé chez ses parents.

Son oncle, Samir L. qui a été condamné avec Claude Hermant pour trafic d’armes a lui aussi été difficile à trouver. Il se présente de lui-même au tribunal en expliquant n’avoir jamais reçu de convocation. Son témoignage n’apporte pas grand-chose, il charge Claude Hermant expliquant que ce dernier l’a impliqué dans son trafic pour le faire condamner en l’appâtant avec la promesse de la vente d’une friterie. Il dit ne connaître aucun des accusés et n’avoir aucun lien avec le pistolet Tokarev passé entre les mains de son neveu et sa nièce.

Si les armes utilisées par Coulibaly sont passées par Claude Hermant, on ignore toujours le trajet qu’elles ont emprunté.

Ali Riza Polat

Il est le seul accusé à encourir une peine de prison à perpétuité pour complicité d’assassinats. Il est particulièrement nerveux depuis le début du procès et est intervenu à plusieurs reprises en dehors de ses temps de paroles. Il n’a pas encore été auditionné, mais une enquêtrice de la sous-direction antiterroriste est venue raconter les conditions de son arrestation en mars 2015 ainsi que ses déplacements supposés à la veille des attentats de janvier 2015.

Il est très proche d’Amedy Coulibaly et échange énormément avec lui par plusieurs lignes téléphoniques issues de flottes achetées par le tueur de l’hyper casher. Il est également beaucoup en lien d’après les relevés téléphoniques avec Metin Karasoular, un autre accusé. Il accompagne Amedy Coulibaly dans plusieurs déplacements dans les jours qui précèdent les attentats, il est avec lui en Belgique le 3 janvier pour récupérer de l’argent. Il l’accompagne au soir de ce même jour chez Pastor Alwatik dont l’ADN est retrouvé sur des armes de Coulibaly et un de ses gants. Ali Reza Polat explique ne pas être monté dans l’appartement et être resté dans la voiture à manger des Curly.

Le plus accablant est son comportement après les attentats. Il se rend d’abord en Belgique pour récupérer de l’argent, parvient à se rendre au Liban, où il est refoulé d’un poste frontière avec la Syrie. Sur une tablette lui appartenant, les enquêteurs trouveront, une photo de Coulibaly, une photo de l’exécution d’Ahmed Merabet exécuté par les frères Kouachi, une allégeance à Daesh, les salaires des combattants de l’organisation. Il rentre en Belgique le 19 janvier, tente de quitter la France le 20 janvier, mais s’aperçoit qu’il est interdit de quitter le territoire lorsqu’il est refoulé de l’aéroport. Il retourne en Belgique et parvient à prendre un vol pour la Thaïlande le 21. Il revient finalement en France le 25. L’intéressé explique aux enquêteurs qu’il a pris peur au lendemain des attentats à cause de sa proximité avec Amedy Coulibaly.

Sur les bancs l’accusé traite à plusieurs reprises l’enquêtrice de menteuse et se voit rappelé à l’ordre. Il finit même par exploser lorsque cette dernière mentionne sa pratique religieuse et dit qu’il qualifiait sa mère et sa sœur de « mécréante et perverses ». Il crie en direction de l’enquêtrice « tu vas me le payer ». Le président ne relève pas la menace alors que les parties civiles demandent à ce que ce soit noté. L’accusé réitère, déclenchant un rappel à l’ordre de l’avocat général, le président prend acte. La défense d’Ali Riza Polat tente d’excuser son client.

Metin Karasular

Metin Karasular est belge, d’origine turque, kurde. Il se dit proche du PKK — guérilla d’obédience marxiste qui s’est illustrée en affrontant Daesh en Syrie et en Irak, considérée comme une organisation terroriste par la Turquie, l’UE et les États-Unis —. À une question de l’avocat général sur son appartenance à cette organisation, il répond « j’aime le PKK ».

Il est soupçonné d’avoir fourni un premier arsenal à Coulibaly qui n’aurait finalement pas convenu, car composé d’armes « rouillées ». Il rencontre le terroriste par l’intermédiaire d’Ali Reza Polat qu’il appelle Ali Kemal. Celui-ci serait tombé en panne à proximité du garage de Karasular et les deux hommes, tous deux originaires de Turquie, auraient sympathisé. Suit l’achat d’une Mini Cooper par l’associé de Karasular, Epaminondas T. dit « le Grec ». Il semble que ce dernier n’ait jamais intégralement payé Coulibaly alors que Metin Karasular se serait porté garant de la transaction. En conséquence, les enquêteurs soupçonnent Karasular d’avoir fourni des armes pour éponger la dette de son associé. Plusieurs listes d’armes avec des prix ont été retrouvées dans le garage lors de la perquisition menée par la police belge. Karasular a finalement reconnu en être l’auteur d’une avant de se rétracter, une expertise a attribué une seconde à Ali Reza Polat.

Comme ses compagnons de box, Metin Karasular a également changé de versions de multiples fois. Sa prestation à la barre n’a pas été plus claire. Il est apparu incapable de répondre à certaines questions invoquant une mémoire défaillante liée à une importante consommation de cannabis. Les auditions des différents témoins associés à sa personne n’ont pas vraiment permis de dégager le brouillard construit par son récit décousu des événements. Il répète à l’envie qu’il n’a rien à voir avec le terrorisme et multiplie les déclarations hostiles contre les terroristes en dehors de toutes questions. Une volonté de démarcation de l’idéologie djihadiste qui ne parvient pourtant pas à faire oublier ses réponses incohérentes aux éléments avancés par l’accusation.  

Michel Catino

Son acolyte Michel Catino, qui a 68 ans est le doyen des accusés, n’éclairera pas davantage le tribunal. Il lui est notamment reproché d’avoir transporté un sac qui aurait contenu des armes. Il explique qu’il ignorait le contenu du sac, il gardait par ailleurs deux fusils chez lui qui appartenait à Metin Karasular. Il explique également avoir participé à un trafic d’héroïne. Ce qui intéresse Michel Catino dans ces escapades c’est le gain d’argent pour nourrir sa seule passion : le poker.

Il peine d’ailleurs à comprendre les questions des avocats qui lui demandent comment il est possible d’accepter de transporter un sac contre paiement en ignorant son contenu. Il répond sur l’interruption de son téléphone pendant une dizaine de jours qu’il avait laissé dans sa voiture pour jouer. Il peine à décrire ses liens avec Metin Karasular, expliquant qu’il lui donnait « des coups de main » dans son garage sans y être ni employé ni associé. La cour cesse assez rapidement ses questions à l’accusé qui retourne s’asseoir dans le box.

Jusqu’au 13 novembre

Les multiples versions des accusés, leurs mensonges, empêchent toujours la vérité de clairement ressortir de ce procès. Les rétractions des témoins n’aident pas. Les lectures des procès-verbaux des auditions et la projection des films réalisés lors des gardes à vue mettent les témoins face à leurs contradictions sans pour autant participer à la manifestation de la vérité qui reste cachée. Le dossier d’accusation est loin d’être vide, mais la complexité des approvisionnements mis en place par le terroriste semble encore échapper à la cour d’assises.

Il reste encore plusieurs semaines à ce procès historique. La fin est prévue pour le 13 novembre, date anniversaire d’une autre série d’attentats djihadistes.


Plusieurs avocats ont tenu à rendre hommage lundi à Samuel Paty, sauvagement assassiné par décapitation vendredi dernier pour avoir donné un cours sur la liberté d’expression devant une classe de collégiens. La brutalité de son assassinat a remis la question du terrorisme islamiste au centre du débat public, déclenchant une série d’annonces de la part du ministre de l’Intérieur pour lutter contre les discours islamistes.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques