« Aucune hésitation contre l’extrême droite »

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« Aucune hésitation contre l’extrême droite »

« La peste ou le choléra ». Voilà comment certains résument le second tour de l’élection présidentielle. Pourtant, l’extrême droite est au plus haut (un tiers des électeurs), et le mot d’ordre « ni Macron ni Le Pen » semble plus que jamais erroné. Et cela à plusieurs titres.

Entre 2017 et 2022, l’extrême droite a progressé de 5 points. De 9,7 millions de voix en 2017 à 11,3 millions aujourd’hui. Quasiment 2,5 millions d’électeurs supplémentaires malgré la hausse de l’abstention. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette progression. Rejet de la politique d’Emmanuel Macron, crise sociale, faiblesse de la gauche, écroulement de la droite traditionnelle, choix éditoriaux des chaînes télévisées privées… Mais c’est aussi la banalisation à grande vitesse de l’extrême droite qui est fatale à la République.

L’amalgame des droites contribue à la banalisation

La banalisation de l’extrême droite vient en premier lieu de la droite. Certaines têtes de proues de la droitisation des Républicains, comme l’ancien numéro Guillaume Peltier, ont rejoint la campagne de Zemmour. Le « syndicat de droite » étudiant UNI a également été un tremplin de proches des LR vers l’extrême droite, à l’image de Stanislas Rigault. C’est aussi l’itinéraire d’un Thierry Mariani, ancien LR devenu député européen Rassemblement national. Déjà en 2019, la participation de cadres de LR à la « convention de la droite » avait mis la lumière sur Zemmour. La banalisation de l’extrême droite dans les rangs de la droite a culminé au Congrès Les Républicains. La candidature d’Éric Ciotti y reprenait les mots d’ordre du polémiste. Au lendemain du premier tour, les rats continuent à quitter le navire chez Les Républicains. Eric Ciotti n’exclut pas aujourd’hui de voter Le Pen.

De plus, la désertion d’une partie des cadres du Rassemblement national, partis chez Zemmour, a eu pour effet de repousser les limites de l’extrême droite. C’est le cas de Stéphane Ravier. Même les proches du président Macron ont joué ce jeu dangereux à un point du quinquennat. La moquerie de Gérald Darmanin à Marine Le Pen, « je vous trouve un peu molle », est restée dans les mémoires.

Une banalisation de gauche

De son côté, la gauche n’a rien à gagner à banaliser l’extrême droite. Le libéralisme et le fascisme sont de nature différentes. Amalgamer Macron à l’extrême droite, dire que la France est déjà une dictature ou que ses lois sont racistes, participe à relativiser la dangerosité du fascisme. Si une présidence Macron et une présidence Le Pen sont la même chose, pourquoi empêcher l’extrême droite de parvenir au pouvoir ? 

Cette manière de mettre les deux sur le même plan ne fait qu’aider la dédiabolisation du Rassemblement national. Les fascistes ont joué là-dessus en se faisant passer pour les garants des libertés face à Macron. En début de campagne, Le Pen s’affichait avec le slogan « Libertés chéries ! ». Elle se fait désormais passer pour une démocrate en proposant le Référendum d’initiative citoyenne et le scrutin proportionnel. S’il est entièrement légitime de dénoncer la monarchie présidentielle et les passages en force des macronistes, la gauche doit faire attention à l’instrumentalisation de son discours au service de celui de Le Pen.

L’anti-Macron au service de Le Pen ?

Par colère, après un quinquennat marqué par les reculs sociaux et la contestation populaire, certains électeurs de gauche refusent de choisir entre Macron et Le Pen. « Les deux sont des ennemis de la classe ouvrière », a affirmé Nathalie Arthaud dimanche soir. Cette affirmation est vraie dans l’absolu. Mais elle ne tient pas compte du contexte de possibilité d’accession au pouvoir de l’extrême droite.

Surtout, Marine Le Pen elle-même a pour stratégie le référendum anti-Macron. Elle cherche à capitaliser sur le rejet de la politique du président sortant. Tous ses éléments de langage vont dans ce sens : justice sociale, services publics, référendum d’initiative citoyenne. Elle drague clairement les électeurs de gauche, et cette drague est très insistante. Ainsi, se contenter de dire que Le Pen est « aussi antisociale » que Macron risque de ne pas suffire à convaincre ceux et celles qui se tournent vers elle par rejet du libéralisme.

Mélenchon n’a pas donné de consigne de vote pour le 24 avril, se bornant à demander de ne pas voter Le Pen. Certains de ses porte-parole expliquent même qu’il n’y a rien à demander à Macron. Pourtant, si ce dernier ne renonce pas à une partie de son projet néolibéral, le risque est fort que l’abstention à gauche permette à Le Pen de l’emporter. Le mot d’ordre « rien à attendre d’Emmanuel Macron », s’il se distingue du « ni ni », passe à côté de la responsabilité du président sortant à rassembler contre l’extrême droite. Cela ne peut se faire qu’au prix de concessions importantes de sa part sur les réformes antipopulaires.

« Macron doit renoncer à une nouvelle cure de souffrances »

Autre son de cloches du côté de Fabien Roussel. Depuis le siège du Parti communiste, le député du Nord a prévenu Emmanuel Macron du repoussoir que constituent son bilan et son programme.

« Il doit renoncer à infliger à nos compatriotes une nouvelle cure de souffrances et, d’ores et déjà, retirer son projet d’allongement d’âge de ­départ à la retraite, de casse de l’hôpital, de privatisation de l’école publique », a-t-il déclaré.

Le secrétaire national du PCF a appelé toutes les formations politiques de gauche à prendre des initiatives pour battre l’extrême droite. Se faisant, il a appelé clairement à utiliser le seul bulletin disponible pour empêcher Marine Le Pen d’être au pouvoir.

Dans quel contexte reconstruire la gauche ?

Enfin, la gauche doit se poser la question du contexte dans lequel elle sera capable d’être majoritaire et revenir au pouvoir. Est-ce qu’un pays dirigé par Le Pen permettra de mener des luttes dans la rue, de faire grève, de se syndiquer, de s’exprimer librement dans la presse et les médias ? Est-ce que la gauche pourra porter des contre-propositions au parlement et y faire entendre son opposition à la politique mise en place ? Quels seraient la teneur et les thèmes du débat public dans un tel scénario ? Est-il plus facile de se battre contre le libéralisme ou contre le fascisme ?

Pour les jeunes communistes, c’est clair :

« La construction d’une gauche capable de prendre le pouvoir ne pourra se faire dans un pays dirigé par ces gens.

Nous ne tirons pas de traits d’égalité entre la candidate Le Pen et le président sortant Emmanuel Macron. Nous ne mettons pas sur le même pied l’ultralibéralisme et le fascisme. »

Alors, le 24 avril, aucune hésitation : on vote contre l’extrême droite.


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