Chronique sociale, les barèmes à la peine et découverte du plafond de verre

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Chronique sociale, les barèmes à la peine et découverte du plafond de verre

Je vous propose de revenir régulièrement vous présenter les dernières actualités sociales. Un moyen de rapidement s’informer des évolutions en cours ou à venir.

Le ministère de la justice à la peine pour soutenir les barèmes

Nous sommes actuellement à sept décisions de Conseils de Prud’homme rejetant l’application des barèmes d’indemnité contre trois décisions les appliquant. On ne rappellera jamais assez que nous parlons d’un encadrement, donc d’une limitation, d’une indemnité pour licenciement illégal. Ce que l’on cherche à diminuer ainsi c’est le coût que subit l’employeur du fait du préjudice qu’il cause au salarié du fait de sa perte d’emploi et du fait de son acte de délinquance.

Le mouvement de résistance s’amplifie, emportant avec lui des juges professionnels en plus des conseillers prud’hommaux employeurs opposés à l’application de ces barèmes (NdlR : un conseil de prud’homme est une juridiction composée d’autant d’élus salariés qu’employeurs, il faut donc avoir la voix d’au moins un patron pour rejeter l’application des barèmes).

Face à cela, patronat et Gouvernement réagissent. D’abord le Gouvernement qui avait répondu de manière insultante aux premières décisions car les conseillers n’étant pas des magistrats professionnels, ils manqueraient de formation pour saisir toute la subtilité du caractère « adéquate » d’une indemnité de dix mois de salaire quand on est illégalement licencié après dix ans d’ancienneté. Puis c’est le syndicat AvoSial, organisation des avocats pro-employeurs, qui attaque la décision du Conseil de Prud’hommes de Troyes par voie de presse, en annonçant par la même la diffusion à ses membres d’un contre-argumentaire favorable à l’application des barèmes. Le nombre de Conseils rejoignant la fronde allant croissant, c’est au tour de la chancellerie d’émettre une circulaire à destination des magistrats des différentes Cour d’Appel.

L’objectif est de pousser les Cours d’Appel à infirmer les jugements qui rejettent l’application des barèmes en fournissant des arguments juridiques à celles-ci.

Pour ce faire, elle invoque deux décisions : l’une du Conseil constitutionnel et l’autre du Conseil d’Etat qui écarterait « explicitement » les arguments développés par les Conseils de Prud’homme. Le ministère du travail avait moqué le manque de formation des magistrats élus, mais la chancellerie n’a pas l’air mieux formée visiblement. En effet, il semble que plusieurs éléments aient échappé à la garde des sceaux :

Les juridictions sociales se sont fondées sur des traités internationaux, et non sur la Constitution, pour rejeter l’application des barèmes. La décision du Conseil constitutionnel a donc un intérêt nul dans cette histoire. Et quand bien même, il y aurait bien des choses à dire sur cette décision qui, on ne manquera pas de le relever, n’a pas été rendue par des juges professionnels, ni même par des gens formés au droit.

Concernant l’arrêt du Conseil d’Etat du 7 décembre 2017, il s’agissait d’une saisine en référé de la CGT demandant la suspension du barème qui a été rejetée. Cet arrêt rejette donc les demandes de la CGT considérant qu’il n’y avait pas de caractère urgent ni de doute sérieux sur la légalité du barème. A aucun moment le Conseil d’Etat ne tranche au fond la question de la validité des barèmes au regard des traités signés par la France. Il précise même dans son communiqué que « le rejet de ces demandes ne préjuge pas de l’appréciation que portera le Conseil d’Etat sur la légalité des deux ordonnances ».

On attend donc la décision au fond du Conseil d’Etat mais aussi que des premiers arrêts d’appel soient rendus. En attendant le rapport de force grandit du côté des opposants aux ordonnances.

Scoop : « le plafond de verre existe » selon Muriel Pénicaud

Dans la précédente chronique, nous parlions de l’index de l’égalité salariale et du tableur Excel mis à disposition des entreprises pour calculer l’écart salarial entre les femmes et les hommes. Muriel Pénicaud a ainsi pu tirer quatre grands enseignements de cet index :

La moitié des 1460 entreprises concernées par l’obligation de publicité des informations contenues dans cet index ont répondu. Certaines seraient en train de le faire. Ce qui ne semble pas émouvoir plus que ça la ministre qui est plus véhémente à réclamer des sanctions contre les chômeurs que contre les employeurs en infraction.

37 entreprises sur 40 respecteraient le principe « à travail égal, salaire égal ». Les problèmes n’émanant pas des grosses sociétés elles-mêmes mais plus souvent des filiales. Espérons que cette expérience aura permis au Gouvernement de comprendre, certes avec un léger retard, que les grandes sociétés ont une forte tendance à sous-traiter ou filialiser toute activité qui nuirait à leurs images et à leurs résultats, comme des activités où les écarts salariaux sont plus fort ou les risques d’accidents plus élevés par exemple.

118 entreprises sont en alerte rouge, c’est-à-dire ont une note inférieure à 75 sur 100 comme nous l’expliquions dans la précédente chronique, et 210 sont dans l’illégalité concernant l’augmentation des femmes en retour de congé maternité.

114 entreprises sur 732 comptent parmi les 10 plus hautes rémunérations de leur entreprise 4 femmes et la moitié des entreprises comptent moins de 2 femmes dans les plus 10 hautes rémunérations de l’entreprise. Au-delà de la différence de rémunération à poste égal, on peut donc constater que les postes les mieux payés restent réservés aux hommes. Muriel Pénicaud nous livre ainsi un scoop auquel on ne s’attendait franchement pas : « le plafond de verre existe ».

Le Gouvernement affiche pourtant une certaine satisfaction face à ces résultats. La CGT alerte cependant sur le caractère parfois trompeur de ces données, lié aux pondérations effectuées dans les calculs et à un abattement de 5% sur les écarts salariaux permis par décret. Ainsi la société Capgemini qui affiche une note de 94/100 aurait un écart de salaires allant de 5 à 10% ou encore HSBC qui avait un écart de salaires de 59% en 2018 d’après une enquête de Reuters affiche une note de 87/100. Peut-être que les DRH et employeurs manquent aussi de formation…


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