Chronique sociale : santé au travail, syndicats patronaux et temps de travail

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Chronique sociale : santé au travail, syndicats patronaux et temps de travail

Je vous propose de revenir régulièrement vous présenter les dernières actualités sociales. Un moyen de rapidement s’informer des évolutions en cours ou à venir.

Lettre de « précadrage » sur la réforme de la santé au travail

Suite au rapport Lecocq, que nous évoquions lors du lancement de cette chronique, et qui mettait en joue le document unique d’évaluation des risques, l’obligation de sécurité de l’employeur et les services de médecine interentreprises (la médecine du travail dans les petites et moyennes entreprises), le processus de contre réforme de la santé au travail est lancé. Avant l’élaboration du projet de loi, les organisations syndicales et patronales sont donc invitées à négocier jusqu’à la mi-juin.

Neuf questions ont été suggérées, parmi les premières, on trouve l’orientation générale de la contre-réforme qui se prépare :

  • Comment revoir le système de prévention et de santé au travail pour le rendre identifiable et accessible ?
  • Comment simplifier et adapter la réglementation ?
  • Quelle place pour la négociation collective dans ce cadre ?
  • Comment mieux protéger la santé des travailleurs en amont ?

La santé au travail dans ce projet est donc appelée à un objet de négociation comme les autres. En outre, on sait ce qu’implique la simplification du droit pour le Gouvernement : supprimer des pans entiers du code pour les livrer à la négociation donc à l’état du rapport de force dans les entreprises. Dès lors, on imagine mal que le rétablissement des prérogatives de la médecine et de l’inspection du travail, dotées des moyens nécessaires à leurs missions, soit une piste envisagée pour enrayer le flot d’accidents et de maladies qui se développent en raison de la modification des organisations du travail.

¼ d’entreprises adhérentes à un syndicat patronal, 70% de salariés concernés

Selon la DARES, 24,6% des entreprises en moyenne seraient adhérentes d’une organisation patronale. Ces entreprises couvrant 70,1% de salariés. Le MEDEF avait déjà insisté pour qu’apparaissent dans le code du travail les chiffres de la représentativité patronale avec le taux de couverture des salariés, voulant par là démontrer qu’il représentait en plus une large part du salariat. Le MEDEF réunissant ainsi 29,41% des entreprises adhérentes à une organisation patronale en 2014 et couvrant 70.72% des salariés. Ce faisant, le MEDEF démontre seulement qu’il est le représentant des grandes entreprises et des monopoles. Et les chiffres de la DARES tendent à le démontrer, quand un quart des entreprises couvrent 7 salariés sur 10, cela nous montre bien que ce sont les grands patrons qui sont organisés.

Autre élément avancé par la DARES, les branches où le taux de « couverture patronale » approche les 100% accorderaient des salaires supérieurs de 2% à celles où ce taux approche les 25%. A lire ainsi, on pourrait presque croire que quand notre patron est au MEDEF on a un meilleur salaire. Sans doute les salariés de ces branches n’ont pas de couverture syndicale leur assurant une capacité à défendre leurs intérêts et à négocier des augmentations de salaire…

Le conseil de l’Europe contre la pluri-annualisation du temps de travail

C’est une victoire pour la CGT qui avait saisit le comité européen des droits sociaux, organe garant du respect des droits sociaux fondamentaux édictés par le CEDH. La loi travail du 8 août 2016 créait la possibilité de mettre en place une modulation du temps de travail sur trois ans, ce qui avait motivé la saisine du comité par la CGT. Un accord pouvait donc prévoir que le temps de travail était pluri-annualisable, c’est-à-dire que l’on décomptait le temps de travail moyen sur plusieurs années, jusqu’à trois ans. En clair, on aurait regardé tous les trois ans si la durée moyenne du travail avait été de 35 heures ou plus pour calculer le paiement des heures supplémentaires. Concrètement, si l’on avait bossé 30 heures hebdomadaires la première année, 35 la suivante et 40 la dernière, la moyenne aurait été de 35 et le ou la salariée concernée n’aurait pas pu bénéficier du paiement des heures supplémentaires pour la dernière année.

Le comité européen des droits sociaux a considéré que cette mesure était déraisonnable. « Il estime (…) qu’une période de référence d’une durée supérieure à douze mois et pouvant atteindre trois ans a pour effet de priver les travailleurs du droit à un taux de rémunération majorée pour les heures de travail supplémentaires étant donné que la durée de travail hebdomadaire peut être augmentée durant une longue période sans majoration de la rémunération pour les heures supplémentaires. En pareil cas, l’effort accru des salariés ne serait pas compensé par une majoration de salaire et l’on ne saurait considérer que le temps de repos accordé constitue une compensation adéquate, vu la durée potentielle des heures supplémentaires. Cela pourrait aussi avoir des effets négatifs sur la santé et la sécurité ainsi que sur l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des salariés. »

C’est donc ainsi qu’il faut interpréter la Charte européenne des droits sociaux, texte directement invocable devant le juge français, qui devra donc l’appliquer et ordonner le paiement des heures supplémentaires même en cas d’accord de modulation du temps de travail sur trois ans. Nos condoléances à FO métaux qui avait signé un tel accord avec l’UIMM avant même la publication du décret d’application.


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