Cinéma et audiovisuel, l’exception culturelle du CNC en question

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Cinéma et audiovisuel, l’exception culturelle du CNC en question

La présidence du CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée) sera renouvelée d’ici quelques semaines alors qu’un rapport parlementaire propose de réformer radicalement l’institution. Explication du fonctionnement d’une institution au cœur de “l’exception culturelle” française. 

Un financement particulier du cinéma français

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le marché européen est inondé des productions cinématographiques américaines. En France, la loi du 25 octobre 1946 crée le Centre national de la cinématographie. Ce dernier est un établissement public qui a la charge de fournir un soutien au secteur cinématographique d’abord dont la mission sera étendue à l’audiovisuel ensuite. 

Le principe de fonctionnement repose sur une taxation de la consommation de cinéma et d’audiovisuel pour financer la production. D’une part, cela permet d’assurer un réinvestissement d’une partie des bénéfices réalisés, d’autre part cela permet de taxer les productions étrangères pour financer les productions françaises. Le fonctionnement du CNC est souvent résumé par la formule “l’aval finance l’amont”. Dans les cas des soutiens sélectifs, le mécanisme d’avance sur recettes permet à de nouveaux cinéastes de se lancer et favorise un cinéma indépendant et original. Ce dispositif trouve son origine dans la création du ministère de la Culture et a été promu par le premier titulaire de ce ministère André Malraux. 

Ce fonctionnement a plutôt prouvé son efficacité, le cinéma français résistant plutôt bien au cinéma américain si on compare la situation en France à celle de pays similaires. Mieux, ce système a permis l’émergence de quelques succès français sur la scène internationale du cinéma.

Une dernière période mouvementée pour les finances du CNC

La taxation repose sur deux piliers, d’une part une taxe sur les ventes de tickets de cinéma dite “taxe spéciale additionnelle” (TSA) et d’autre part la “taxe sur les éditeurs et distributeurs télévisuels” (TST) qui porte sur les recettes publicitaires, les abonnements payants, les SMS et la redevance télé. À ces deux taxes s’ajoute la “taxe sur les éditeurs vidéos” (TSV) qui vise les ventes de vidéos physiques ou par Internet. Cette dernière couvre désormais les plateformes de vidéos internet comme Youtube ou Netflix. Pour 2018, le total de ces taxes a rapporté 680 millions d’euros au CNC sur un budget d’environ 800 millions d’euros.

Entre 2008 et 2011, la TST connaît une augmentation rapide, abondant de plusieurs dizaines de millions d’euros portant le total des taxes perçues par le CNC à 806 millions d’euros. Cet afflux de rentrées financières permet au CNC d’augmenter significativement ses subventions. Cependant, ce dynamisme était en partie dû à une stratégie d’optimisation fiscale des opérateurs téléphoniques et Internet sur leurs offres triple play. En 2011, la loi change et les opérateurs s’adaptent entrainant une chute rapide des rentrées financières pour le CNC. Ainsi, la TST rapporte 57 millions d’euros de moins en 2012 par rapport en 2011, et son rendement baissera encore de 42 millions en 2013. Une nouvelle modification de la taxe sera alors proposée permettant d’éviter les stratégies d’évitement fiscale des opérateurs. Le rendement de la taxe cesse alors sa chute et se stabilise à partir de 2014 à un niveau inférieur de 130 millions d’euros par rapport à son pic en 2011. 

Le soutien apporté par le CNC est de deux types. Le soutien dit automatique qui “rend” une partie de la taxe aux producteurs et distributeurs ayant générés la taxe. Pour la TSA, sur les entrée de cinéma, si le producteur est français, il perçoit 80 % de la taxe sur les entrées des films qu’il produit. Le CNC conserve lui 20 %. Des soutiens dits sélectifs existent par ailleurs. Les soutiens automatiques visent à concentrer le secteur cinématographique et audiovisuel, une minorité d’acteurs captent ainsi une majorité des aides. Ces sommes ont augmenté fortement avec l’augmentation des recettes. Cependant, elles n’ont pas pu être diminuées d’autant lors du recul des recettes. Le secteur cinématographique, notamment, est relativement fragile et doit faire face à des changements technologiques importants. 

Une originalité menacée ?

Au début du mois dernier, un rapport parlementaire propose de réformer le CNC. Il propose de plafonner les recettes perçus par le CNC. Autrement dit, en cas de hausse du rendement des taxes affectées au CNC, au-delà d’un certain seuil, ces taxes n’iraient plus au CNC. Une proposition qui n’a pour l’instant ni le soutien de la présidente du CNC, dont le mandat doit être renouvelé dans quelques jours, ni du ministre de la Culture. 

Pour la députée de Haute-Vienne Marie-Ange Magne, la mesure, combinée à d’autres, permettrait de redonner un caractère d’aide publique aux financements du CNC. L’auteure du rapport soutient que le système actuel, en échappant partiellement au contrôle du parlement et en ne définissant pas en amont le montant accordé aux versements des aides sort du cadre normal des finances publiques. À l’inverse, les défenseurs du système actuel soulignent qu’en cas de définition en amont d’un plafond, le risque est grand que l’Etat se serve dans le montant des taxes collectées. Pour ces derniers, il s’agirait d’une remise en cause de “l’exception culturelle” française. 

À ces débats, s’ajoute une autre concurrence. Celle entre les acteurs de l’audiovisuel et ceux du cinéma. L’engouement pour les séries télé et la stagnation des entrées en salle a conduit à ce que les premiers financent davantage que les seconds le CNC. Cependant la fragilité du secteur cinématographique, notamment du fait des mauvais résultats de Canal + , a conduit la CNC à davantage réduire ses aides au secteur audiovisuel qu’au secteur cinématographique. Ce dernier possède par ailleurs souvent davantage de levier dans l’opinion pour faire entendre sa voix. Il faut également noter qu’un complexe système encadre les relations entre les chaînes de télévisions et le cinéma, ces dernières ont notamment des obligations de financement et des contraintes de diffusion des films. 

Derrière ces affrontements, l’insuffisance de la protection du statut d’intermittents du spectacle persiste ainsi que les coupes budgétaires dans l’audiovisuel public. Autant d’éléments absents des réflexions et qui pourtant devraient être au coeur du financement public de l’audiovisuel et du cinéma en France. 


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