Je danserai si je veux, une ode à la sororité

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Je danserai si je veux, une ode à la sororité

Je danserai si je veux est un film palestinien, israélien et français réalisé par Maysaloun Hamoud en 2016. Dans les salles françaises depuis quelques semaines, sa trame féministe a attisé notre curiosité. Nous sommes allés le voir pour vous !

Synopsis

Leila, Selma et Nour sont trois jeunes femmes palestinienne installées à Tel-Aviv, dans le quartier de Jaffa. Elles ont chacune des occupations et des modes de vie différents. Respectivement avocate, travailleuse précaire et étudiante, bien qu’éloignées de leurs villages d’origine, leurs conditions de femmes les rattrapent vite.

C’est ensemble qu’elles subissent et affrontent des oppressions diverses, l’hypocrisie d’une société où les femmes, malgré un libre arbitre apparent et protégé, restent contraintes de se conformer aux traditions et aux injonctions patriarcales.

Trois parcours pour une aspiration commune : la liberté

Dès le début, l’attention du spectateur est portée sur Nour, cette jeune femme musulmane, pratiquante, voilée et toute juste fiancée. Elle rejoint et découvre donc Leila et Selma dans leur appartement pour une colocation. Un regard mal aguerri pourrait tomber dans le piège des raccourcis si Maysaloun Hamoud, la réalisatrice, n’avait justement pas multiplier les cas de figures, creuser le rôle de ses héroïnes et des personnages masculins.

En effet, Leila et Selma ont beau mener une vie beaucoup plus mouvementée et sans concessions, s’entourer de gens à leur image, elles ne sont pour autant pas plus libres : le poids des traditions pointant toujours le bout de son nez.

Le mariage et la famille, en l’occurrence, sont des thématiques constantes dans le film et semblent planer comme un orage dans l’air. Nour est déterminée à quitter son fiancé trop intrusif dans ses choix de vie. Selma, d’une famille chrétienne, en apparence moins conservatrice, cache son homosexualité à ses parents qui s’obstinent, malgré ses refus, à vouloir lui arranger un mariage.

Quant à Leila, qui fréquente un homme pourtant non pratiquant, elle comprend en rencontrant par hasard sa famille qu’elle serait, selon lui, peut-être bonne à fréquenter mais sans plus, pas digne d’être présentée à ses proches.

Il n’y a donc pas une femme arabe mais plusieurs de même que l’oppression n’a pas qu’une casquette mais plusieurs ; par une mise en scène et un scénario subtil, la réalisatrice déconstruit certains préjugés sur le monde arabe, à commencer par sa prétendue uniformité.

La sororité comme première des réponses au patriarcat

Puisque les sujets abordés parlent à chacune d’entre nous (le racisme, les discriminations, l’homophobie, l’harcèlement, les mariages arrangés et forcés – concernant 70 000 françaises chaque année – le viol conjugal etc.) Maysaloun Hamoud nous démontre que le patriarcat est bien universel.

Pour rappel, le patriarcat est une construction socio-culturelle qui défend les privilèges et la domination des hommes sur les femmes. Ces dernières s’organisent, selon leurs moyens, pour le combattre. Dès lors, le patriarcat recule mais à des rythmes différents selon les pays. En revanche, rien n’est jamais acquis : en Europe par exemple, le patriarcat – favorisé par des politiques libérales et/ou par des gouvernements réactionnaires – peut aussi avancer et nous faire perdre des libertés et des acquis.

Donc penser que l’ennemi des femmes est une religion ou une culture en particulier, c’est se fourvoyer dans des raccourcis dangereux révélant chez certain.e.s soit une forme de condescendance occidentale sur le reste du monde soit des relents simplement racistes ou islamophobes (cf. Le Pen qui, pour justifier sa xénophobie et son racisme, instrumentalise la lutte pour les droits des femmes).

C’est précisément montré dans le film, porter un voile ou porter une jupe revient à la même chose. Puisque le patriarcat est universel, il est nécessaire de répondre par une réelle solidarité entre opprimé.e.s, notamment entre femmes. Cette ode à la sororité, à l’heure où l’individualisme devient la norme, est à ne pas louper : Je danserai si je veux est en salle pour encore quelques jours, nous vous le recommandons !


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