État des LGBTphobie

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État des LGBTphobie

Le terme « homophobie » ou de façon plus générale de « LGBTphobie » ne couvre pas l’ensemble des phénomènes de discrimination et de domination envers les LGBT. En effet, de même qu’un homme peut « aimer » les femmes tout en ayant en les dominant, on peut avoir un comportement oppressif envers les LGBT+ sans pour autant les craindre ou les détester. L’homophobie n’est pas un défaut personnel que l’on possède ou non, mais bien, à l’image du sexisme, un phénomène structurant, qu’on retrouve dans la société toute entière.

Si l’individu montre une sexualité ou une identité de genre non-conformes à son identité sexuelle, il est victime de toutes une série de discriminations, pouvant aller du rejet à la violence. L’homosexualité ou la bisexualité sont perçues comme une transgression du genre, du rôle qui est attendu de l’homme ou de la femme, et ainsi une remise en cause du patriarcat. En effet, l’homme homo ne confirme pas les hommes dans leurs rôles de dominants sur les femmes, et la femme lesbienne échappe à son rôle de dominée et d’individu dont la mission première se doit d’être la maternité et la famille. Cependant même lorsque le coming-out est effectué, le sujet reste confronté à ce qu’on pourrait appelé le « diktat du coming out permanent », du moins en ce qui concerne les homosexuels « invisibles », puisqu’il souffrira toujours d’être un présumé hétéro et sera donc contraint à une justification constante. Ces individus doivent alors juger dans lequel de leurs cercles ils doivent ou non déclarer leur sexualité.

Selon les études du sociologue Vetler en 2004, notons que seulement un tiers des homosexuels hommes de moins de 20 ans ont avoué leur homosexualité à leur père. Si la proportion augmente avec l’âge, seulement 58% chez les homosexuels hommes ayant entre 35 et 44 ans se sont déclarés à leur père.

Des phénomènes de domination différenciés

Si chaque LGBT+ vit immanquablement des discriminations au cours de sa vie, les phénomènes de domination sont très différents entre les gays, lesbiennes ou bisexuels. Les insultes comme « pd », tarlouse », « tapette », « enculé » etc sont très courantes, et ne désignent que l’homosexualité masculine. Ainsi, être gay signifie dans le langage familier être un homme sans virilité. Ces propos entraînent une dynamique de la honte. Le sujet étant façonné dans un monde inégalitaire, où l’homosexualité est méprisée voire condamnée, le propos homophobe, même anodin, blesse généralement beaucoup. En effet, la domination est intériorisée par le dominé, qui connait au fond de lui un doute sur l’égale dignité entre sa sexualité et la sexualité hétéro, un sentiment de faiblesse, que le propos homophobe active et stimule.

S’il existe peu d’insultes qui attaquent l’homosexualité féminine, les lesbiennes sont également victimes de préjugés et d’oppression. En effet, de façon mainstream, la figure de la lesbienne est soit celle d’une femme hypersexualisée, un fantasme à destination des hommes hétérosexuels (ainsi dans le porno, lorsqu’il y a deux actrices femmes, on reste dans la catégorie « hétéro »), soit  celle de la « camionneuse »,  c’est-à-dire celle d’une femme trop masculine, laide et peu attirante. Ces deux clichés conduisent à une très forte violence sur les lesbiennes, avec de nombreux cas de harcèlements sexuels ou de viols, qui s’expliquent par le sentiment d’impunité des agresseurs. En effet, dans le premier cas où l’agresseur considère sa victime comme hypersexualisée, alors l’acte n’aura que révélé sa « vraie nature ». Dans le deuxième cas le où la femme lesbienne est perçue comme quelqu’un qui se refuse à la sexualité, le viol devient assimilé une punition pour son indisponibilité sexuelle. Les deux exemples en date médiatisés de viols « correctifs » sont celui en avril de l’activiste lesbienne sud-africaine Nogwaza, violée puis assassinée, ainsi que celui d’une fille de 13 ans violée en mai dernier en Afrique du Sud afin, selon son agresseur, de la « guérir de son homosexualité ».

Lors d’une étude révélatrice en Espagne, 13 % des garçons de 14 ans affirmaient que même si une de leur camarade était lesbienne, ils tenteraient de la séduire. Lorsque la même question fût posée à des garçons de 19 ans, la réponse positive grimpa à 31%. Les femmes lesbiennes ont de plus tendance à juger leur sexualité comme davantage illégitime que leurs homologues masculins et à la cacher, le désir sexuel étant socialement bien plus accepté chez les hommes que chez les femmes. Ainsi, s’il existe aujourd’hui dans chaque grande ville occidentale des bars et des boites gays, les lieux de sociabilité lesbiens sont beaucoup plus rares. A Paris, 97% des commerces, bars, boîtes homosexuels sont gays, et seulement 3% sont lesbiens.

Lire aussi : Histoire de la lutte LGBT+

Un manque de reconnaissance sociale

Les oppressions que vivent les LGBT+, ou la difficulté pour certain à s’accepter dans leur milieu, amène à un taux de suicide très important. Selon l’INPES (institut national de prévention et d’éducation de la santé) en 2005, 10,8% homo-bi ont eu des pensées suicidaires, contre 5,6% chez les hétéros. En 2011, 10,1% des homo-bi ont effectué au moins une tentative de suicide contre 3,8% des hétéros. Selon l’enquête nationale sur les violences faites aux femmes : parmi les femmes qui ont effectué au moins une tentative de suicide, plus d’un tiers ont soit eu des attirances homo soit des relations homo (25% ont eu un rapport homosexuel, 13,9% ont une attirance homosexuelle sans rapport). L’homophobie est aujourd’hui considérée comme la première cause de suicide chez les jeunes.

L’espérance de vie des homosexuels baisse également du fait de la forte proportion de victimes du sida. Si le nombre de séropositifs et de morts à cause du sida a fortement baissé en France depuis les années 90, aujourd’hui encore 1 homosexuel sur 5 en région parisienne est porteur du VIH.

Contrairement à certaines idées reçues, les homosexuels connaissent une plus grande précarité dans le marché du travail : le taux de chômage chez les homosexuels est de 20% supérieur. La prostitution gay est très importante (à peu près 20% de la prostitution française actuelle est homosexuelle), en particulier quand on la ramène aux proportions de la population gay. Les clients de cette prostitution sont en majorité des hommes mûrs, relativement aisés, et mariés.

Les homosexuels sont victimes d’un isolement particulier, et, en particulier dans le cas des lesbiennes, d’une invisibilisation. Bien que les homosexuels représentent 6,5% de la population française (source : CEVIPOF),  les lieux de rencontre restent rares, et mener une vie sexuelle et sentimentale reste plus complexe que chez les hétéros. Cependant internet a profondément changé cet état de fait, et on considère qu’en proportion les homosexuels sont 10 fois plus sur les sites de rencontres comme tinder que les hétérosexuels.

Au-delà des apports technologiques qui participent à casser l’isolement, de nombreux pays ont connu des avancées dans leurs législations notamment sur le mariage gay et l’homoparentalité. Cependant, si un peu plus d’une vingtaine d’Etats ont légalisé le mariage des couples homosexuels dans le monde, 72 Etats pénalisent les LGBT+ par la prison, la torture, la peine de mort ou les travaux forcés. Dans 10 pays l’homosexualité est passible de peine de mort. La situation est notamment particulièrement en retard pour les personnes transgenres. La transgenralité n’a en France était retirée de la liste des maladies mentales qu’en 2010.  Elle figure encore dans la liste des maladies mentales de l’OMS, l’organisation mondiale de la santé (celle-ci n’avait retiré l’homosexualité de sa liste qu’en 1990). De plus, pour les transsexuels, le coût des opérations et des traitements hormonaux sont colossaux ce qui conduit beaucoup à la pauvreté, et nombreux sont contraints à la prostitution.

Ainsi, notons que les progrès à faire pour les droits LGBT+ restent très importants aussi bien sur le plan légal, que sur le plan de la reconnaissance sociale.


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