Les jeunes et la présidentielle, entretien avec Pierre Laurent (PCF) et Camille Lainé (MJCF)

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Les jeunes et la présidentielle, entretien avec Pierre Laurent (PCF) et Camille Lainé (MJCF)

A l’aube du 1er tour de l’élection présidentielle, nous avons interrogé Camille Lainé (Secrétaire Générale du Mouvement des Jeunes Communistes de France) et Pierre Laurent (Secrétaire National du Parti Communiste Français) pour avoir leurs impressions sur la campagne et parler de la place des jeunes.

Avant-Garde : Nous sommes à quelques heures maintenant du premier tour de l’élection présidentielle. Dans les dernières semaines, la campagne s’est accélérée laissant entrevoir l’espoir d’une qualification de Jean-Luc Mélenchon au second tour. Les jeunes ont fait une entrée fracassante dans la campagne, comment l’analysez-vous ?

Pierre Laurent

Pierre Laurent : Je pense qu’aujourd’hui la qualification de Jean-Luc Mélenchon est possible. Ce qui est très important c’est que le fait qu’elle devienne possible, créé un espoir et mobilise beaucoup de jeunes qui, jusque là, étaient méfiants ou en retrait par rapport au vote de dimanche. On est aujourd’hui face à un choix très clair. Il y a François Fillon qui est l’incarnation de la droite brutale et anti sociale. Marine Le Pen qui nous montre de jour en jour que le Front National n’a pas changé et reste ce parti xénophobe, raciste et dangereux pour la paix, qu’il a toujours été. Et puis Macron dont l’emballage médiatique de candidat neuf s’effrite pour montrer ce qu’il est réellement : le candidat du rassemblement de tous les libéraux,de droite comme de gauche.

Dans ces conditions, la seule candidature qui permet d’ouvrir un chemin d’espoir, c’est celle de Jean-Luc Mélenchon. Il y a beaucoup de gens qui se sont mis à l’écouter, le comprendre et le croire. Ce n’est pas pour rien si depuis quelques jours on assiste au déchaînement de la droite la plus bêtement anticommuniste. C’est bien parce qu’ils ont peur. Eux qui pensaient avoir verrouillé le scénario depuis le départ et s’être assuré que personne ne remettent en cause leurs privilèges se sentent désormais menacés.

Le temps qui s’ouvre à nous d’ici à dimanche est particulier.

Dans ces derniers jours la multiplication individuelle est décisive, en particulier dans la jeunesse qui s’est très fortement mobilisée dans les dernières semaines de campagne. Je le dis sincèrement, les jeunes ont entre leurs mains le résultat de dimanche.

 

Camille Lainé

Camille Lainé : Nous sommes dans une situation exceptionnellement inattendue mais qui ne part pas de rien. Alors qu’on nous promettait une campagne au scénario bien verrouillé, bien huilé, sur des thèmes de haine et de divisions, c’est l’inverse qui se produit. D’une part, notre génération qui a rejeté la déchéance de nationalité, qui s’est fortement mobilisée contre le racisme et les violences policières, a réussi à contrer le discours rampant de haine dans lequel pensaient s’engouffrer les candidats de la division que sont Fillon et Le Pen.

D’autre part, le mouvement social contre la Loi Travail continue de porter ses fruits. Les artisans de cette attaque sans précédent sur nos droits, tels que Hollande ou Valls,  ont été balayés. Macron est obligé de tomber le masque, victime de la colère des chauffeurs Uber, des salariés qui payent déjà le lourd tribu des effets de ses lois, et en panne de solution face à nos réalités, est obligé de révéler ses vrais soutiens, de montrer qu’il est le candidat du système.

Dans ce contexte Jean-Luc Mélenchon incarne quelque chose de fort pour notre génération. Il est le candidat qui veut abroger la Loi travail. Un an après Nuit Debout, il propose de revoir le fonctionnement démocratique du pays avec la VIème République. Il est le candidat de la paix alors que notre génération a grandi dans la guerre… Bref il donne un espace politique sans précédent de prolongement des luttes de notre génération. Cette percée bien qu’impressionnante est finalement logique et c’est encore une fois ceux qui refusent de nous entendre qui pourraient en faire les frais.

Nous avons bien sûr du débat avec certaines propositions du programme et nous continuons de porter avec les organisations de jeunesse nos 25 propositions d’urgence. Mais il faut désormais que les jeunes par leur mobilisation frappent un grand coup dimanche pour marquer une première étape importante d’un changement de société. Les Jeunes Communistes, mobilisés partout sur le territoire vont continuer de créer les conditions de cet évènement jusqu’à dimanche.

Avant-Garde : La campagne de Jean-Luc Mélenchon, par sa forme attire de nombreux jeunes. On peut penser aux hologrammes, à sa dimension numérique très forte ou encore aux mini-jeux vidéos, mais au-delà de la forme, l’attrait des jeunes pour cette candidature ne révèle-t-elle pas une dynamique bien plus profonde sur le fond ?

Pierre Laurent : Ce qui fait la dynamique de cette campagne c’est l’idée qu’un autre choix de société devient possible et palpable ! Si ces formes fonctionnent c’est qu’elles correspondent à des pratiques qui sont présentes dans la jeunesse mais aussi et surtout qu’elles sont articulées à une candidature qui ouvre un nouveau chemin d’espoir.

Mais vous mesurez bien que l’objectif est immense !

Il est important d’avoir en tête qu’une victoire complète, pour changer vraiment nos vies, doit combiner la mobilisation électorale pour cette présidentielle, une mobilisation très forte pour les élections législatives afin de changer les rapports au parlement, et une mobilisation sociale comme celle que nous avons connu pour la Loi Travail.

Je pense que si on ne veut pas que la dynamique actuelle reste sans lendemain, elle doit trouver dès dimanche un débouché. Mais elle doit continuer dans une grande mobilisation sociale. Ce n’est qu’en combinant tout ça que les jeunes pourront concrétiser cet espoir de nouveau projet politique pour le pays, gagner de nouveaux droits et créer les conditions pour aller encore plus loin.

Camille Lainé : Cette campagne est effectivement intéressante sur plein d’aspects et ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’elle connaît ce succès au delà même de la mobilisation que nous créons par toutes nos initiatives. Mais oui, je pense que l’implication des jeunes dans cette campagne nous révèle des choses profondes.

Nous avons grandi dans la crise, nous sommes condamnés pour beaucoup à être la « génération sacrifiée », et pourtant nous luttons sans relâche, chaque fois que l’occasion se présente.

Nous sommes la génération qui a connu les lois karcher de Sarkozy, les réformes des lycées et des universités, la casse des retraites avec Fillon comme premier ministre, les plus anciens ont mis en échec le CPE de Dominique de Villepin, aujourd’hui soutien de Macron… Nous sommes une génération de luttes ! Nous n’avons jamais accepté l’assignation à la précarité et nous l’avons encore démontré pendant la Loi Travail ! Nous refusons les divisions et vomissons le Front National. Notre mobilisation qui a conduit à la mise en échec de la déchéance de nationalité en fut un exemple. Nous sommes solidaires entre nous et à l’international comme en démontre les fortes mobilisations pour la Palestine notamment.

A l’heure où certains nous promettent du sang et des larmes, la précarité comme métier et la haine comme boussole, la candidature de Jean-Luc Mélenchon est un espace dont nous nous saisissons.

Nous nous en saisissons par les portes d’entrées qu’elle offre. Effectivement la forme de la campagne correspond à nombre de nos pratiques mais aussi, et surtout, elle se fait le catalyseur de ces mobilisations. Je pense que Pierre a raison lorsqu’il dit que pour changer vraiment nos vies, et s’offrir des perspectives révolutionnaires, il faut combiner la mobilisation électorale pour cette présidentielle, une mobilisation très forte pour les élections législatives et une mobilisation sociale. Je pense que beaucoup de jeunes ont compris que dimanche était une étape mais que nous devrons lutter quoiqu’il arrive. C’est cet esprit de lutte que l’on retrouve dans la campagne, avec ces manifestations, ces meetings en extérieur, ces « Résistance ! » scandés aux quatre coins de la France, qui répond aux aspirations de beaucoup de jeunes.

Avant-Garde : Dimanche, on peut retrouver ce scénario d’espoir que vous décrivez, mais on peut également être confrontés à la présence de Marine Le Pen et de l’extrême droite au second tour. Comment, selon vous, devra se mener la bataille ?

Pierre Laurent : Pour commencer et rester sur la campagne de Jean-Luc Mélenchon, l’enjeu de dimanche sera de donner des suites à l’espoir qui est né et qui a inondé la campagne.

Si Jean-Luc Mélenchon est qualifié pour le second tour, la mobilisation devra être totale et nous en serons les artisans.

S’il ratait la qualification de peu, et que Marine Le Pen y accédait, nous rentrerons dans un moment comprenant une double dimension. D’abord le danger évident de la présence de l’extrême droite au second tour mais aussi une très grosse déception de forces importantes qui se sont mobilisées durant cette campagne et au-delà, depuis cinq ans dans les luttes.

S’ouvrira alors une double bataille dans laquelle les communistes devront jouer un rôle primordial. D’abord, nous devrons mettre toutes ces forces au service d’une grande bataille pour battre Le Pen.

Le Front National au pouvoir est d’une dangerosité telle pour nos vies, pour la France et pour le monde que l’on ne peut pas se permettre de banaliser une telle perspective.

En même temps il nous faudra donner des prolongements à toutes nos luttes et rester debout pour ne rien lâcher. Nous savons que celui qui sera opposé à Le Pen, si ce n’est pas Jean-Luc Mélenchon, ne pourra en aucun cas répondre aux aspirations populaires et être un outil pour notre camp. Il faudra donc se donner des forces et pour battre Le Pen et pour les batailles futures. Ça passera bien sûr par les législatives et par  les mobilisations. Pour les jeunes, une fois débarrassés de Le Pen, il faudra toujours se battre pour refuser la précarité, la remise en cause du droit aux études, les attaques contre le service public etc… Une double bataille donc, qui demandera à tout le monde d’être à la hauteur.

Camille Lainé : Concernant les jeunes et étudiants communistes, il faut partir d’un principe simple : quoi qu’il arrive nous serons dans toutes les luttes et nous serons mobilisés pour défendre partout les droits des jeunes, pour en finir avec ce système et pour créer le rapport de force nécessaire dans le pays pour pouvoir changer de société.

Il y a dans notre génération un potentiel révolutionnaire immense. Nous sommes très formés, nous maîtrisons les nouvelles technologies, nous utilisons les réseaux sociaux. Nous avons démontré notre force de mobilisation contre la Loi Travail, pour la Vérité et la Justice pour Théo, Adama et les autres, nous nous sommes battus au point de faire en sorte que le parlement doive se prononcer pour la reconnaissance de l’Etat Palestinien…

Que cela soit clair, cette génération sera certes la première à vivre moins bien que ses parents mais cela ne va pas durer ! Aucun jeune de notre génération n’acceptera de vivre à genoux.

Partant de ce fait, il est sûr qu’une présence de Jean-Luc Mélenchon au second tour serait un outil exceptionnel pour avancer dans ce sens. Si ce n’était pas le cas, et pour répondre à votre question, si Marine Le Pen est au second tour nous prendrons nos responsabilités. Prendre nos responsabilités d’abord en faisant barrage dans la rue et dans les urnes, pour ne pas laisser les clés du pays aux fascistes, qui plus est sous État d’urgence. Prendre nos responsabilités pour aller à la rencontre de tous les jeunes qui auront pu se faire avoir par l’arnaque que représente le Front National. Mais aussi prendre nos responsabilités pour être à l’initiative de fronts les plus larges possibles pour en finir avec l’extrême droite et ses projets fascistes. Pour lutter dès maintenant pour nos droits, pour notre dignité, pour nos solidarités pour nos vies.

Quoi qu’il arrive nous ne transigerons pas avec l’extrême droite mais nous ne cesserons jamais non plus de poser des perspectives de conquêtes pour notre génération.

Mais espérons être dans la configuration où nous pourrions utiliser ce second tour comme une étape d’une grande mobilisation avec la qualification de Jean-Luc Mélenchon ! En tout cas jusqu’à dimanche nous serons mobilisés pour y arriver.


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