La cotisation sociale, l’ennemi du capital

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La cotisation sociale, l’ennemi du capital

Alors que la réforme des retraites représente une des plus fortes attaques contre la Sécurité sociale, la cotisation sociale représente toujours une épine dans le pied des capitalistes. Retour sur ce système qui permet de directement mobiliser la valeur au service des besoins des populations.

Défendre les conquis de la Sécurité Sociale

Après la défaite du nazisme, obtenue de haute lutte par les mouvements de résistances d’Europe de l’Ouest, et surtout par la lutte héroïque du peuple soviétique, la classe ouvrière française a su s’appuyer sur un Parti Communiste fort pour imposer à ses capitalistes nationaux le système de la Sécurité Sociale.

Grâce à ce système arraché aux capitalistes, la classe laborieuse française prenait le contrôle d’une large partie de la valeur ajoutée (environ 11,5 % du PIB en 1965 d’après l’OCDE) et proclamait qu’elle était non seulement hors de contrôle de l’État, mais entièrement dédiée aux besoins sociaux des travailleurs : retraite, maladie, chômage, famille, etc. Les cotisations devaient couvrir l’ensemble des risques de la vie et permettre de détruire ce grand fléau auquel étaient soumis tous les travailleurs jusqu’alors : la peur du lendemain. C’était assurément le plus grand projet du programme du CNR, un projet toujours d’actualité, alors que les études du Secours Populaire montrent que plus de la moitié des enfants ont peur de l’avenir !

Cette conquête est aujourd’hui largement remise en cause. Dès son apparition, la couverture sociale des travailleurs a connu des attaques du patronat, mais les dernières années ont vu une offensive généralisée du capital sur ces conquis de la classe ouvrière. Les exonérations de cotisations patronales ont été multipliées depuis les années 1990 (exonération famille en 1993 puis 1994, ristourne Juppé en 1995, 1996 et 1998, allègement Robien en 1996, allègement Aubry en 1998 et 2000, réduction Fillon en 2003, 2004 et 2006, élargie par le gouvernement Hollande par la loi du 8 août 2014, exonération de cotisations URSSAF en 2015, dont le seuil a été augmenté en 2016, allègement sur les cotisations retraites complémentaires dans le PLFSS 2018, etc.). Aujourd’hui, ce sont les indemnisations chômage et les retraites qui sont dans le viseur du gouvernement.

La question du contrôle des cotisations sociales et donc du budget de la sécurité sociale est également l’objet de nombreuses attaques. D’abord par un renforcement continu du pouvoir des représentants du patronat dans les caisses de sécurité sociale, puis par un éloignement de ces institutions vis-à-vis des travailleurs, par la suppression des élections des administrateurs salariés. Cependant, la forme du financement par cotisation sociale pose des limites aux ambitions du capital pour l’accaparement de la valeur. La fiscalisation du financement de la sécurité sociale, c’est-à-dire le remplacement des cotisations sociales par des impôts, est une stratégie majeure visant à priver les travailleurs du contrôle sur la sécurité sociale. Le principal impôt ainsi utilisé est la CSG, créée en 1990, et assise, non sur les salaires comme les cotisations sociales, mais sur tous les revenus des ménages. Le financement de la sécurité sociale repose alors sur les ménages, sort par conséquent de l’enceinte de l’entreprise et perd ainsi de son potentiel révolutionnaire : celui de faire entrer dans les entreprises, lieux de l’exploitation capitaliste, le pouvoir des travailleurs et la nécessité de répondre aux besoins sociaux. La CSG a connu une certaine réussite et représente aujourd’hui 24 % des recettes de la Sécurité Sociale. 

Prendre le contrôle sur le capital par une cotisation révolutionnaire

Les objectifs de la lutte actuelle ne peuvent se résumer à un retour à ce qui avait été obtenu après 1945. Bien sûr, le retour des élections des administrateurs des caisses de Sécurité Sociale est une priorité démocratique ; mais il faut aller plus loin. L’institution de la cotisation sociale se « contentait » de priver le capital du contrôle sur une large portion des richesses créées, représentant environ 16,8 % du PIB aujourd’hui, sans porter atteinte au pouvoir absolu du capital sur l’utilisation des richesses dans l’entreprise. Aujourd’hui, le PCF propose d’instaurer une modulation des cotisations sociales selon les politiques sociales des entreprises. Il s’agit d’abord de remettre les cotisations sociales sous contrôle des salariés, puis d’utiliser ce contrôle des cotisations pour imposer des logiques contraires à la seule rentabilité des capitaux dans les entreprises. Si nous laissons faire le capital, la seule logique présidant aux décisions sera le profit des capitalistes. Nous pouvons utiliser les cotisations sociales pour porter une logique contraire. Il faut pour cela que les cotisations soit modulées selon les politiques sociales des entreprises. Ainsi, une entreprise qui utilise massivement les contrats précaires, les faibles rémunérations, ou les écarts salariaux entre les femmes et les hommes sera soumise à un taux de cotisations patronales plus élevé que la normale. Par un rapport de force suffisant et en utilisant l’outil de la cotisation sociale, nous pouvons contraindre les entreprises à adopter des normes sociales plus protectrices pour les salariés.

Évidemment, ces mesures doivent aller de pair avec une prise de contrôle populaire sur le système de crédit et de nombreux pouvoirs nouveaux des salariés dans les entreprises, mais la méthode consistant à s’appuyer sur la conquête historique que constitue la cotisation sociale ne doit pas être négligée.

C’est le sens de ce qu’a annoncé Fabien Roussel dans son discours à la Fête de l’Humanité. La « cotisation révolutionnaire », c’est bien cette cotisation qui est enfin utilisée par les travailleurs pour prendre le contrôle sur la gestion des entreprises !


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