La dette grise de l’abandon des infrastructures de transport

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La dette grise de l’abandon des infrastructures de transport

La catastrophe de Gênes a été l’occasion de s’interroger sur l’état des infrastructures en France. Derrière l’entretien des infrastructures se cachent en réalité les questions budgétaires, et les politiques d’austérité.

Les infrastructures de transport face à l’austérité

Les politiques d’austérité ne sont pas logiques. La réduction de la dépense publique, posée en dogme n’a pas beaucoup de sens. A l’inverse du budget d’un travailleur qui n’est pas maître de sa rémunération, l’Etat dispose des marges relativement conséquentes pour déterminer son budget. La réduction de la dépense publique ne vient donc pas contrairement à ce qui est souvent raconté du besoin de mettre en adéquation les dépenses avec les moyens, puisqu’il est relativement aisé d’augmenter ces derniers.

La réduction de la dépense publique se fait donc par la poursuite de dépenses jugées inefficaces à l’action publique ou qui ne relèvent pas de la puissance publique. Dans le cas des infrastructures de transport, l’inefficacité est compliquée à défendre. Encore que certains n’hésitent pas à critiquer les moyens de déplacement les plus rapides et les plus coûteux, comme n’étant pas des besoins prioritaires. Les lignes à grandes vitesse, et les aéroports peuvent ainsi être contestés par les partisans de l’austérité.

Il est également compliqué de défendre que les infrastructures de transport ne relèvent pas de la puissance publique. La concurrence est difficilement théorisable sur une route, un pont ou un canal fluvial. Les contraintes géographiques et le moyen de transport déterminent l’infrastructure utilisée. La privatisation des aéroports est ainsi particulièrement absurde. Si on souhaite aller à Paris, on ne va pas atterrir à Toulouse parce que ce serait moins cher. L’infrastructure de transport est quasiment systématiquement en situation de monopôle.

Des infrastructures routières dégradées

Les politiques d’austérité ont tout de même touché les infrastructures de transports. D’une part l’Etat a repoussé des travaux d’entretien sur les infrastructures dont il a la charge, d’autre part il s’est déchargé de d’autres. Ainsi la privatisation des autoroutes en plus de constituer une situation de rente à des acteurs privés, exonère l’État de leur entretien. La même chose a été faite avec le transfert de la compétence des routes nationales vers les régions.

Un rapport sorti en juillet dernier pointe en conséquence que l’état du réseau routier non concédé (hors autoroutes privatisées) est “vieillissant et dégradé”. Le délégué interministériel à la Sécurité Routière a dit qu’il s’agissait d’un “problème relatif” puisque “quand les routes sont en mauvais état les gens roulent doucement”. Affirmation qui suppose le non effondrement de la chaussée.

Le mise sous concession n’est pas non plus une solution face au désinvestissement, les profits des actionnaires des sociétés d’autoroutes passant avant l’entretien. Un rapport sénatorial de 2017 notait ainsi qu’entre 2011 et 2013 la proportion d’autoroute à l’état jugé dégradé était passé de 5% à 16%. Ce même rapport pointe également les difficultés rencontrées par les départements dans l’entretien de leur propre réseau routier avec des financements globalement en baisse dûs notamment à la suppression d’une taxe sur les poids lourds, car derrière l’état des routes, c’est aussi le tout-routier qui est posé.

La dette grise du non-investissement

Au-delà des conséquences accidentogènes et des tragédies comme à Gênes qui restent heureusement rares, les conséquences sont également une accumulation de dépenses non faites. Non seulement à tous travaux d’entretien repoussés s’ajoute une facture future, mais il est également fréquent que repousser un petit entretien impose d’en réaliser un gros plus tard et plus coûteux.

A l’heure de la réduction des dépenses publiques, l’austérité est souvent invoquée comme solution face à la dette étatique, c’est une autre forme de dette qui est généré ici. Une dette grise de tous les entretiens et investissements non faits. C’est vrai pour les infrastructures de transports mais aussi plus généralement pour l’ensemble des infrastructures.

Alors que la ministre des Transports planche sur un projet de loi de programmation des infrastructures, le gouvernement a par ailleurs montré son mépris pour la question. Il a ainsi, à travers sa réforme de la SNCF et l’ouverture à la concurrence du rail, affaibli les possibilités de développement des infrastructures de chemins de fers. Il a également annoncé la privatisation des aéroports parisiens par pure idéologie sans explication rationnelle.

Autant de renoncements que les générations futures subiront. Une dette par déficit d’investissement bien plus inquiétante que la dette publique.


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