L’Amérique latine de Gabriel Garcia Marquez

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L’Amérique latine de Gabriel Garcia Marquez

Depuis la parution de Cien Años de soledad (Cent Ans de solitude, 1967), l’œuvre de Gabriel Garcia Marquez a connu un succès international et touché une remarquable diversité de publics. D’abord journaliste, Gabriel Garcia Marquez débute en écrivant des nouvelles qui paraissent dans les journaux et périodiques. À dix-neuf ans, en lisant la Métamorphose de Franz Kafka, Garcia Marquez découvre l’ « autre versant du réalisme ». Cette lecture de jeunesse le marque durablement et le pousse à s’intéresser à la prose : 

 « J’avais dix-neuf ans lorsque j’ai lu la Métamorphose. Je me rappelle de la première phrase du roman : “En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte.”. Seigneur ! — me suis-je dit — mais c’est exactement ainsi que parlait ma grand-mère ! ». 

L’œuvre de Gabriel Garcia Marquez est marquée par la constante présence de l’humour, de l’imagination poétique, de surgissements du fantastique placés sur le même plan que le réel le plus quotidien. L’auteur puisera une grande partie du matériau poétique de son œuvre dans les souvenirs de son enfance passée à Aracataca, petit bourg du nord de la Colombie où il naît en 1928.  

Oubli et stagnation

Macondo, transposition poétisée de sa ville natale reprise dans plusieurs œuvres, est devenu un véritable « non-lieu mythique ». À travers l’histoire de cette ville imaginaire, l’auteur brosse un tableau métaphorique d’une Amérique latine enlisée dans la stagnation, minée par les fausses promesses de prospérité économique de la fièvre bananière. Réduits à l’oubli et l’impuissance, sans conscience de leur propre destin, les personnages vivent dans une « sorte de stupeur somnolente, ayant inutilement perdu dix ans de (leur) histoire » (Pas de lettre pour le colonel, 1961). 

  « Macondo n’est pas tant un lieu qu’un état d’esprit », dira l’auteur.

 Ce quotidien de stagnation décrit par Marquez est une conséquence des ravages perpétrés en Amérique latine par le capital nord-américain de la puissante United fruit Company. Au début du XXe siècle, la firme américaine fait main basse sur les ressources naturelles du continent en semant de fausses promesses de prospérité économique.

Au début du siècle, la région natale de l’auteur traverse une brève, mais intense période d’ébullition. Près de vingt-cinq mille personnes travaillaient dans les plantations de United Fruit en 1927, avec des journées de douze heures minimum, dans des conditions dignes de l’époque coloniale. Par le prisme du souvenir, Gabriel Garcia Marquez observe l’arrivée et le départ des colons de la firme américaine venus peupler la colonie bananière de sa bourgade natale. 

Prélude à l’Amérique du Maccarthysme 

Dans la Colombie des années 20, à la faveur aussi du vent de changement qui souffle sur le monde depuis la Révolution d’octobre, les organisations politiques et syndicales se structure et s’organisent. Réclamant des droits, les ouvriers des compagnies américaines conquièrent du terrain grâce à des grèves et des mobilisations d’ampleur. Le gouvernement conservateur craint la « subversion bolchevique ». 

La défiance entraîne la répression. Cent ans de solitude, l’œuvre maîtresse de Gabriel Garcia Marquez se fait l’écho du massacre d’environ mille cinq cents ouvriers, perpétré le 6 décembre 1928 dans les plantations bananières de la United Fruit Company sur la côte colombienne. Aux yeux du gouvernement colombien, le communisme est déjà cet « ennemi intérieur » que craindra l’Amérique du Maccarthysme.

Littérature et politique 

En 1959, Gabriel Garcia Marquez s’engage dans la révolution cubaine comme correspondant étranger de l’agence Prensa latina. L’engagement politique, une constante de la vie de Marquez, transparaît dans l’ensemble de son œuvre. 

« Il me semble, dira Gabriel Garcia Marquez, que la littérature, le journalisme et la politique, dans la mesure où ils se tiennent à égale distance de la vie réelle, se complètent. Avec cet avantage pour la littérature qu’elle permet l’expression naturelle de sentiments vitaux comme, par exemple, la pitié, la tendresse, la nostalgie et qu’elle nous aide mieux à surmonter cette dose de scepticisme qui nous est donnée avec la vie… »


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