Le PCF s’organise sur les bureaux de poste

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Le PCF s’organise sur les bureaux de poste

Entretien avec Francis Fournier, responsable national du réseau des postiers communistes.

Comment est né le réseau des postiers communistes ?

Il y a eu une première tentative il y a vingt ans. À l’époque, la section des postiers communistes des Bouches-du-Rhône avait constaté la nécessité d’une structuration nationale pour mener la lutte dans l’entreprise. La section des Bouches-du-Rhône a voulu donner la main à une coordination nationale pour animer le réseau, ce qui n’a pas fonctionné et a provoqué la disparition du réseau. 

La section des postiers s’est maintenue dans les Bouches-du-Rhône, et il y a trois ans, j’ai eu la volonté de remonter ce réseau. J’ai donc pris mon téléphone et réussi via les fédérations du PCF à réunir environ 130 camarades dans ce réseau, même si en réalité les postiers sont bien plus nombreux dans le PCF. Aujourd’hui, le réseau a des camarades dans plus de 70 départements et tient une page Facebook « Le Timbre Rouge ». Nous sommes structurés avec un responsable par région. Le réseau en tant que tel a été créé officiellement l’an dernier à la fête de l’Humanité et fêtera donc son premier anniversaire dans quelques jours ! 

Nous avons tenu une réunion place du Colonel Fabien au printemps, mais il reste difficile d’organiser une assemblée générale pouvant réunir le maximum de camarades, notamment pour des raisons financières. À ma connaissance, nous restons tout de même le seul parti politique structuré sur la Poste.

Francis Fournier

Quels sont les objectifs de ce réseau ?

 Il y en a trois principaux. D’abord relier les postiers communistes entre eux. Deuxièmement, réfléchir à un projet communiste pour La Poste, et là-dessus nous avons besoin de travailler avec l’ensemble des secteurs du Parti. Enfin, mener le travail de repolitisation dans l’entreprise et dans les syndicats, recréer la conscience politique pour être en condition de mener la lutte.

Quelles sont ses actions ?

Je fais beaucoup de déplacements pour faire connaître le réseau et soutenir les luttes locales. Nous étions par exemple présent en Seine et Marne avec plusieurs camarades postiers communistes pour apporter une solidarité financière à la grève et rencontrer nos collègues grévistes. J’étais début août à Montauban où j’ai rencontré 15 postiers, dont seulement deux communistes, qui viennent de gagner une lutte après 49 jours de grève. Nous apportons une solidarité financière, et nous échangeons sur les perspectives de lutte. En Bretagne et dans les Ardennes, j’ai pu animer une réunion entre postiers et élus locaux. J’ai rencontré les camarades dans le Gard, la Drôme, le Vaucluse. À chaque fois, je suis bien accueilli. Pendant la campagne des Européennes, nous avons été efficaces, avec un tract à destination des postiers diffusés sur plus de 30 sites postaux. 

À la fête de Fabregoules [NdlR : fête départementale du PCF des Bouches-du-Rhône], nous tenons un stand commun avec la section des cheminots, et dans l’idéal il faudrait que nous tenions un stand à la fête de l’Humanité. C’est un objectif, à la fois pour faire connaître le réseau et pour nous donner les moyens financiers d’agir et de lutter dans l’entreprise. L’objectif à terme est d’arriver à une structuration plus forte du réseau, avec des unités géographiques, des assemblées générales régulières (comme c’était le cas il y a 20 ans), et un bureau national capable d’impulser et de coordonner les actions. Le dernier congrès a donné lieu à quelques gestes positifs, nous avons eu une réunion à Paris, au cours de laquelle nous avons pu échanger avec Fabien Roussel. 

Quelle est la stratégie de la Poste et en quoi menace-t-elle le service public postal ?

La direction a commencé par faire passer les bureaux de poste sous forme de bureau communal, c’est-à-dire avec des employés payés par les communes. Puis elle est passée aux points contact : les activités postales sont transférées dans des magasins. Cette année, pour la première fois, les bureaux de poste représentent moins de la moitié des lieux d’activité postale. À force de réduire leurs horaires, les usagers préfèrent aller chercher leurs colis dans des magasins. C’est là que le lien entre les postiers et la population sera primordial dans la lutte.

Comment lutter pour la défense du service public postal ?

D’abord, il faut formuler un projet politique, savoir quel service public nous voulons, et le faire connaître auprès des postiers et des usagers. Ensuite, il faut se donner les moyens d’obtenir nos revendications, avec un rapport de force très dégradé aujourd’hui. 

Par exemple, nous impulsons localement, avec le PCF et d’autres organisations syndicales et politiques, des comités de vigilance contre les fermetures de bureaux de Poste. Rien que dans les Bouches-du-Rhône, 60 bureaux vont fermer ou voir leurs horaires d’ouverture réduits cette année. Ces comités de vigilance doivent avoir une activité continue et considérer que la direction va tout faire pour démanteler le service public, il ne s’agit pas de se battre seulement une fois que le bureau de Poste est annoncé comme menacé. Malheureusement, c’est souvent déjà trop tard. Nous avons besoin de gagner des batailles, et pour cela il faut anticiper, pour ne pas entamer la lutte alors que le bureau est déjà condamné. Le réseau doit aussi permettre de mener la lutte politique nationalement, et de faire comprendre aux syndicalistes que la lutte syndicale ne suffira pas. Nous devons articuler la lutte politique et les luttes syndicales.

Par exemple, tous les deux ans un contrat est signé entre l’État, la Poste et l’Association des Maires de France (AMF). L’État doit proposer une somme aux communes pour assurer l’égalité des usagers devant le service public postal. Il est donc primordial de mobiliser les élus locaux sur cette question, d’une manière coordonnée au niveau national, pour peser dans le rapport de force et refuser que l’AMF signe le contrat dans les conditions proposées. Le prochain contrat doit être signé en 2020, ce sera une bataille difficile et le réseau des postiers communistes va essayer de connecter les luttes des travailleurs de la Poste et les réseaux d’élus, notamment à travers l’ANECR [NdlR : Association Nationale des Élus Communistes et Républicains]. La structure Convergences regroupe le PCF, des associations, des syndicats, des partis politiques pour mener cette bataille. Elle doit être renforcée. Le rôle du PCF consiste également à fournir une solution de repli aux maires qui voient leur bureau de Poste fermer. Que propose-t-on aux élus et aux habitants une fois qu’une première bataille a été perdue ?

Quelles sont les spécificités du militantisme dans l’entreprise ?

Pour un Parti Communiste, l’entreprise est un lieu de militantisme primordial. 

La rigueur militante s’acquiert dans l’entreprise, car tous les matins, les collègues t’attendent et comptent sur toi. Si le travail militant n’est pas fait, on se fait rattraper tout de suite. Le monde du travail est le lieu de l’exploitation capitaliste, et donc le premier endroit où le PCF doit agir. Son absence entraîne systématiquement un manque de conscience politique. 

La démarche consiste à expliquer aux collègues, et notamment aux syndicalistes que le combat syndical ne suffira pas. C’est une conviction qui s’est perdue. Nous avons des camarades communistes, y compris avec des responsabilités à la CGT FAPT, qui ont du mal à assumer la double casquette et considèrent que leur mandat syndical est suffisant. Je leur pose toujours la même question : « si ce n’est pas avec vous que l’on avance, alors avec qui ? ». Quand j’ai commencé, nous étions formés politiquement par d’anciens résistants, c’est avec la génération suivante que la transmission ne s’est pas faite, mais le PCF doit retrouver un rôle dans la formation des travailleurs à la lutte dans l’entreprise. Ce faisant, il faut garder à l’esprit que le rapport de force a changé. Aujourd’hui, il n’est plus question de distribuer des tracts directement dans les bureaux. 

Dans la section des postiers des Bouches-du-Rhône, des camarades quittent la Poste face à la répression politique et syndicale. À la fin de nos 136 jours de grève dans les Bouches du Rhône, la direction m’a payé six mois à rester chez moi pour ne plus me voir dans les bureaux avant ma retraite !

Malgré les difficultés de toutes sortes, ce militant forgé aux luttes qui ont marqué sa vie compte bien réussir cette exaltante entreprise : refaire entrer le Parti dans cette Poste à laquelle il est tant attaché.


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