Le Pen : une école des inégalités et des discriminations

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Le Pen : une école des inégalités et des discriminations

Les annonces d’Emmanuel Macron sur l’éducation ont suscité une légitime inquiétude de la part de tous les acteurs du système éducatif : mise en concurrence et autonomie des établissements, renforcement de Parcoursup, orientation toujours plus précoce…

Ce programme, somme toute assez classique pour un libéral, en ferait presque oublier celui de destruction de l’école qu’entend mener Marine Le Pen en cas d’élection. Loin de revenir sur les réformes de Macron et de ses prédécesseurs, la candidate frontiste entend achever l’entreprise de démantèlement de l’école publique. Exit l’école pour toutes et tous, et place à une école à deux vitesses, excluante et discriminatoire.

Négation des causes sociales de l’échec scolaire

Fidèle à la pensée conservatrice, Marine Le Pen ne voit les difficultés scolaires que comme le résultat de facteurs extérieurs à l’organisation sociale de la société. Refusant le consensus scientifique établissant une corrélation entre résultats scolaires et origines sociales, la candidate explique les difficultés des élèves par le « pédagogisme » qui règnerait dans les écoles. Terme jamais vraiment défini. Sont également accusées la baisse de l’autorité des professeurs, la mise en place d’enseignements « ineptes » comme les enseignements des langues et culture d’origine…

Elle ne dit rien sur les inégalités sociales préexistantes à l’entrée à l’école, les inégalités de ressources économiques et scolaires entre les familles. Rien non plus sur Parcoursup qui agit aujourd’hui comme une machine à tri social. D’ailleurs, la candidate frontiste ne propose pas de revenir sur ce dispositif. Pire, elle souhaite aller plus loin et propose de mettre en place une sélection à la fin de la troisième, transformant le Diplôme national du brevet en un concours d’entrée au lycée. Les élèves obtenant les meilleurs résultats iront en lycée général, tandis que les autres iront dans les lycées professionnels. L’objectif affiché fera sauter de joie le patronat, puisqu’il s’agit de mettre le système scolaire « en adéquation avec les besoins de l’économie ». 

Plutôt que de permettre à chaque élève de réussir et de construire son avenir, Marine Le Pen propose d’entériner les inégalités, en triant les élèves dès le collège, et de manière irréversible, enterrant de fait l’ambition républicaine d’une éducation pour toutes et tous. On retrouve là les réflexes d’une candidate bourgeoisie qui tente de se faire passer pour populaire : aux fils de pauvres la filière professionnelle, aux familles aisées le lycée général. 

Une école discriminante

Mais c’est dans les détails que se cache le diable chez Marine Le Pen. De manière très discrète, son programme propose de supprimer purement et simplement l’enseignement prioritaire, perçu comme une mesure de « discrimination positive ». Concrètement, la candidate d’extrême droite propose de supprimer des financements supplémentaires pour 20 % des élèves du pays, dans les zones les plus en difficultés scolaires. Les classes populaires que Marine Le Pen prétend défendre en seront alors les premières victimes. 

Autre volet important du programme, le prétendu « laxisme » du système scolaire est l’occasion pour la candidate de dérouler pêle-mêle nombre de mesures discriminatoires et de criminalisation des délits scolaires. 

Plutôt que de chercher des réponses aux problèmes – réels – posés par l’absentéisme des élèves ou encore le harcèlement scolaire, Marine Le Pen n’a pour réponse que des mesures répressives, cherchant à calquer sa vision d’une société sécuritaire sur les établissements scolaires. Vieille lune des réactionnaires, la suspension des allocations familiales et des bourses scolaires pour les élèves absentéistes ou aux « comportements anti scolaires » figure en bonne place dans le programme frontiste. Inefficace sur le fond, cette mesure apparaît discriminatoire, faisant corréler le niveau de certaines prestations sociales des familles aux comportements des enfants. Vient s’y ajouter la proposition de « peines planchers » pour les élèves, transformant les conseils de discipline, dont la vocation pédagogique est importante, en des tribunaux d’exception et en machines à exclure les élèves. 

Clou du spectacle, la généralisation de la vidéosurveillance dans tous les établissements du secondaire apparaît comme une mesure symbolique, dont on peine à identifier l’usage concret qui pourrait en être fait, mais qui représente dans tous les cas une menace pour les libertés individuelles et collectives des élèves et des professeurs. 

La préférence idéologique

Toujours dans sa volonté de fracturer les acteurs du système éducatif, Marine Le Pen remet sur le devant de la scène l’interdiction du port du voile pour les accompagnantes des sorties scolaires. Au-delà de son caractère « obsolète » — le RN souhaitant supprimer le port du voile de tout le champ public —, cette mesure exclut de la sphère éducative des milliers de mères d’élèves, impliquées dans la vie des écoles du pays. Derrière l’argument de la laïcité, c’est une fois de plus la volonté de discriminer une partie de la population en raison de sa religion que l’on retrouve ici. L’argument de la laïcité sur ce sujet tombe particulièrement mal lorsque plus tard, la candidate d’extrême droite défend la « liberté d’enseignement et notamment de l’enseignement en famille », entendez par là l’enseignement privé et celui à la maison, souvent à vocation confessionnelle. 

En aggravant les inégalités sociales dans les établissements et en opposant les élèves et les familles entre eux, le RN entend pousser à son paroxysme la construction d’une école élitiste et la concurrence, complètement à rebours de la nécessité de former l’ensemble de la jeunesse du pays. Mais c’est concernant l’emprise idéologique imposée à l’école que le programme éducation de Marine Le Pen apparaît encore plus glaçant.


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