Le secteur du nucléaire face à la pénurie de main-d’œuvre

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Le secteur du nucléaire face à la pénurie de main-d’œuvre

Avec plus de la moitié de son parc nucléaire à l’arrêt, la France se retrouve face à des interrogations majeures au sujet de notre principal mode de production électrique. 

Quand certains accablent la prétendue intermittence de l’énergie atomique, « chère et incontrôlable », d’autres y voient une conséquence directe du manque d’investissement dans le service public. Clarifications au sujet de l’intermittence.

Les annonces gouvernementales : un jour blanc, un jour noir

Jean-Bernard Lévy, le futur ex-PDG d’EDF, le mentionnait aux journées d’été du Medef : jusqu’à récemment, tous les signaux étaient au rouge pour l’avenir de la filière nucléaire. En cause, les nombreuses annonces de Macron au début de son premier quinquennat, qui se sont traduites dans la loi « Climat et Résilience ». Cette dernière, encore en vigueur, prévoit la fermeture de quatorze réacteurs pour 2035. Deux sont pour l’instant en voie de démantèlement : ceux de la centrale de Fessenheim.

Mais en février, avec les risques de guerre en Ukraine et la crise énergétique qui s’annonçait déjà, le président de la République a effectué un revirement total. Il a exposé un grand plan de construction de six EPR, avec des espoirs de mise en service dès 2035, et la suspension de la fermeture des douze réacteurs visée par la loi Climat. Ces beaux projets vont néanmoins rapidement tomber sur un os de taille : le manque cruel de personnel formé dans le secteur nucléaire.

Le manque accablant de main-d’œuvre dans nos centrales

Le cœur du propos de M. Lévy concerne le manque cruel d’énergéticiens chez EDF. Il faut dire que les pouvoirs publics cultivent depuis quelques années un désamour pour le nucléaire : les fermetures annoncées de réacteurs ont eu pour effet de suspendre les embauches de personnel formé dans les centrales. Ce sont autant de soudeurs, d’ingénieurs, de tuyauteurs, qu’il manque pour assurer la maintenance effective des installations atomiques.

L’Autorité de sûreté nucléaire alerte depuis cinq ans au sujet du manque de main-d’œuvre. Et c’est précisément pour cette raison que la moitié seulement de nos centrales sont en état de produire aujourd’hui. Entre les arrêts prévus pour maintenance et les arrêts imprévus dus à la corrosion de conduits, un retard phénoménal a été accumulé dans la remise en route des réacteurs. Retard qui commence à coûter cher à EDF et aux Français, obligés de se reposer sur l’importation d’énergies polluantes, et même sur la réouverture d’une centrale à charbon

Nucléaire : intermittent ou pas ?

D’emblée, disons-le franchement : l’intermittence est un mensonge destiné à agiter la peur et l’hostilité contre le nucléaire. Les rapports d’EDF, de RTE et de l’ASN sont catégoriques, les réacteurs permettent d’obtenir une production d’électricité stable, modulable, et largement compatible avec l’éolien. L’intermittence ne résulte pas en soi dans la capacité de l’atome à fournir son énergie, contrairement au vent pour l’éolien et au soleil pour le photovoltaïque.

Comme souvent, les travailleurs sont le nerf de la guerre. Sans main-d’œuvre suffisante et qualifiée, il n’y a aucune chance que le parc nucléaire puisse fonctionner de façon régulière. 

En réaction aux besoins croissants et aux maintenances ralenties, EDF et ses sous-traitants ont d’ores et déjà annoncé la création de 200 000 postes à l’horizon 2030. Mais les formations dans le domaine de l’énergie durent en moyenne deux à trois ans : de quoi nous laisser du temps pour réfléchir aux erreurs stratégiques faites dans une optique de rendement capitaliste.


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