L’équipe de France, n’est pas la France

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L’équipe de France, n’est pas la France

Depuis la victoire des Bleus face à la Croatie, l’équipe championne du monde fait l’objet de toutes les attentions. Des interprétations politiques plus ou moins inspirées ont également suivi, au centre des préoccupations, la couleur des joueurs plutôt que celle de leur maillot.

Le football, la sélection nationale et la politique

Il est toujours tentant pour passer un message politique de mobiliser des références populaires. Il est en effet bien plus simple d’utiliser une culture commune et la distordre pour y faire passer son message que d’imposer sa propre culture politique. Le football est un sujet de choix. C’est une référence extrêmement populaire, socialement acceptée, à l’inverse du rap par exemple. Il n’y a pas un maire qui ne soutient pas l’équipe locale de football, pas un politique n’a pas réagi à la victoire de l’équipe de France au Mondial.

Cette utilisation du football pour passer des messages politiques est d’autant plus important que ce sport est régulièrement associé à des moments de liesses et d’unité. Chose  que le jeu politique habituel peine à susciter dans la population. Le football représente tant parmi la population qu’il est lui même devenu sujet politique. Les stades sont souvent une des plus grandes infrastructure de la ville, et celle qui peut accueillir le plus de monde. Les associations sur lesquelles repose la pratique du football sont très souvent courtisées par les élus locaux.

Le football est donc sujet, acteur et support politique. La sélection nationale, logiquement, fait l’objet des mêmes jeux de façon démultipliés.

Pourtant, en France un tournant fut marquant dans cette construction, la coupe du monde 2010. Si la défaite en soi et la révolte des joueurs n’est finalement qu’une petite histoire, son importation dans la vie politique du pays jusqu’aux bancs de l’assemblée nationale à laisser des traces. Et depuis 2010, les choses ne se sont pas dissipées comme en témoignent les prises de position de François Hollande ou encore de Manuel Valls concernant Karim Benzema. De fait, l’équipe nationale de football se constitue désormais sur un matelas comprenant, entre autres, une couche de choix politiques.

La sélection nationale et la question identitaire

La sélection nationale de football est un objet politique particulier. A l’inverse d’une équipe de club dont il est aujourd’hui bien intégré qu’elle accueille des joueurs venus de partout dans le monde, la sélection nationale pose nécessairement en filigrane la question de la nation. Il faut pouvoir justifier de la nationalité française pour jouer en équipe de France. Le football est même plus rigide que les nations, puisque la Fifa ne reconnaît pas la multinationalité. Pire, elle se donne même le droit de ne pas reconnaître une naturalisation !

Cette conception très restrictive de la nationalité par la FIFA vient finalement donner du grain à moudre aux réactionnaires de tous poils. Les règles de la FIFA imposent aux joueurs des sélections nationales d’être la représentation footballistique de leur pays mais au-delà une expression patriotique, nécessairement exacerbée par l’aspect compétitif.

L’équipe de France de football, n’est ainsi pas uniquement un effectif de 23 joueurs de nationalité française, mais une représentation de la nation dans le cadre du football. C’est ce deuxième aspect qui sert de point d’accroche à certains politiques pour faire une lecture identitaire de l’équipe nationale. Celle-ci peut ainsi au choix “ne pas représenter la France”, ou à l’inverse être “l’expression de la diversité de la France”, selon le message souhaité.

L’équipe de France, une sélection sportive

Cette volonté de vouloir trouver dans 23 joueurs la quelconque expression de la France, que ce soit pour juger qu’elle le fait bien ou ne le fait pas, est profondément absurde. L’équipe de France de football, comme toutes les sélections nationales tous sports et toute nationalité confondus ne sont que des sélections sportives. Si les critères retenus font toujours l’objet d’importants débats, de soupçons, de discriminations également, il n’en reste pas moins que le résultat final est celui d’un sélectionneur sportif.

Il apparaît également impossible de vouloir réduire la diversité d’un pays, d’une nation à 23 hommes. Il est bien évidemment encore plus imbécile de voir dans la composition d’une équipe sportive l’expression d’une identité nationale fantasmée. L’équipe de France, n’est pas l’expression de la France, c’est une équipe de football composée de français qui affrontent des équipes composées de joueurs de d’autres nationalités.

Une équipe nationale n’est finalement pas autant à distinguer d’une équipe de club en terme de représentation. Si les règles de compositions des effectifs sont différents, en revanche il en va de même pour le rôle d’identification. Nul besoin d’habiter Marseille pour soutenir l’OM, nul besoin pour l’OM d’être la représentation des habitants de Marseille. La même distinction doit être faite pour l’équipe nationale.

Nationaux, immigrés et “origines”

Comme si la conception unique de la nationalité par la FIFA n’était pas suffisamment problématique, de nombreux commentateurs, ont jugé utile d’ajouter à la notion de “nationale”, celles “d’immigré” et “origine”. Par définition, tous les joueurs de l’équipe nationale sont des nationaux français. Immigrés, donc venus de l’étranger, ça ne concerne que deux joueurs, arrivés à l’âge de deux ans… Un seul joueur a grandit à l’étranger mais il était né en France, et personne aujourd’hui ne remet en cause le fait qu’une très large partie des joueurs évoluent dans des clubs à l’étranger.

Quand à la notion d’origine, elle est bien trop floue pour qu’elle est le moindre sens comme l’a magnifiquement illustré cet échange de tweet :


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