“L’ONU viole la Charte.” entretien avec Roland Weyl

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“L’ONU viole la Charte.” entretien avec Roland Weyl

Alors que nous célébrons aujourd’hui la journée internationale de la paix, déclarée par l’Assemblée Générale des Nations Unis, nous nous sommes entretenus avec Roland Weyl, avocat spécialiste de la Charte des Nations Unis.

AG : Alors que l’on assiste à une multiplication des conflits dans le monde, on n’entend peu parler de l’ONU, que fait-elle ?

Roland Weyl  : L’ONU viole la Charte. Par exemple pour le cas de la Libye, la Charte interdit d’intervenir dans les affaires intérieures alors que l’ONU essaye de descendre Kadhafi. Il y a donc violation de la Charte.

D’autant plus que quand le conseil de sécurité  intervient il doit le faire sous un commandement international auquel on fournit des troupes or, là, le conseil de sécurité a simplement autorisé des membres à intervenir. Le conseil de sécurité doit, selon la Charte, planifier son action or rien n’a été planifié. La résolution prise autorise les membres à “prendre les mesures nécessaires” c’est à dire à violer la Charte.

Mais dès le début, dès 1950 l’ONU a violé la Charte. Elle prévoit que le recours à la force suppose la majorité des membres du conseil de sécurité dont l’unanimité des cinq membres permanents. Or pour le cas de l’intervention Corée, l’Union Soviétique refusait de voter avec les occidentaux et les chinois, ils ont décidé de ne pas y aller pour qu’il n’y ai pas les cinq votes.

Les américains ont alors obtenu de la cour internationale de justice qu’elle dise que dès lors que l’Union Soviétique n’était pas présente cela signifiait qu’elle était pour que la décision soit prise. Ils ont donc créé comme cela le droit de véto qui n’existe pas dans la Charte. Ils ont inversé la portée de l’abstention. Ils l’ont transformé en acceptation alors que c’était un refus de décision.

Tout ça n’arrive que parce que les Etats, qui devraient être les instruments des peuples pour faire respecter la Charte, sont confisqués par les puissances financières qui en font leurs instruments de gouvernance à leur compte.

On voit que dans tout ce qui se passe actuellement, tout se résume à des rapports de force entre les puissances et il n’est plus question du droit international. Israël peut impunément violer le droit international contre les Palestiniens, les sahraouis devraient voir leurs droits reconnus mais ce sont les marocains qui l’emportent, les bases militaires étrangères devraient, selon la Charte, être interdites mais il y en a partout.

D’une façon générale tout se passe comme s’il n’y avait pas de droit international.

AG : Quelle analyse faites-vous du phénomène de morcellement des États auquel on assiste depuis quelques années avec la Yougoslavie, le Soudan et bientôt la Syrie ?

RW : Il y a un double phénomène qui toujours nous renvoie à la domination mondiale contre les peuples.

La domination des puissances financières et d’un capitalisme mondialisé de plus en plus concentré entraîne la mise en place d’une tactique qui à la fois revient à nier la souveraineté des peuples par leurs Etats au niveau national, par exemple contester le droit du peuple français à être maître de ses affaires pour lui imposer l’Union Européenne, et en même temps à disloquer des Etats en “mini-Etats” pour les rendre plus facilement dominables.

AG : Pensez vous que les organisations interétatiques, et en particulier l’UE, éclipsent parfois l’ONU ou pensez vous que finalement les deux servent les mêmes intérêts ?

RW : Par elle-même, l’UE, parce qu’elle crée un super-Etat européen est contraire à la Charte. Mais par exemple l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN) devrait être dissoute. Il ne s’agit pas seulement de s’en retirer parce que sinon ils pourraient s’en servir contre nous.

Il faut dissoudre l’OTAN parce que si la Charte de l’ONU admet les organisations régionales, elle le fait à la condition que ces organisations visent à organiser les rapports pacifiques et de coopération entre les peuples de la région et pas pour être un gendarme dans le monde.

L’OTAN n’est déjà pas une région parce qu’il n’y a pas de région Atlantique Nord ça n’existe pas, ou alors la capitale serait Saint Pierre et Miquelon ! Et d’autre part il y a dans cette organisation les Italiens et les Turques qui sont méditerranéens. Comme seul le Conseil de Sécurité a le droit d’utiliser la force, le fait de créer une organisation de police internationale entre quelques groupes d’États est contraire à la Charte. Cela correspond à ce que serait une bande armée dans un pays, c’est donc totalement illégal.

Mais l’ONU a même donné des pouvoirs à l’OTAN ce qui montre que la bataille elle vise à nous confisquer l’ONU, on se fait confisquer les Etats qui, au lieu de nous représenter, représentent les puissances financières.

AG : Quel est alors selon vous la première étape pour mettre fin à cette confiscation et pour forcer les Etats à respecter le droit international ?

RW : Il n’y a qu’une seule alternative : la bataille politique. Il faut exercer le pouvoir citoyen, chez nous. Je me bats pour le pouvoir citoyen et je combats la notion de citoyen du monde, de citoyenneté internationale. Cela reviendrait à dire qu’il y a un gouvernement mondial.

En réalité il y a une compétence internationale de la citoyenneté nationale. Nous, notre rôle, c’est de nous battre pour que l’Etat respecte et fasse respecter le droit international.

 


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