Économie, autonomie, mérite : quel avenir pour l’enseignement en France ?

Économie, autonomie, mérite : quel avenir pour l’enseignement en France ?

Depuis plusieurs mois, de nombreuses organisations de jeunesse – et parmi elles le MJCF ainsi que des syndicats lycéens et étudiants – tirent la sonnette d’alarme quant au projet éducatif d’Emmanuel Macron.

En effet, si on se tient à ses promesses de campagnes et aux déclarations de son premier ministre Édouard Philippe, il y a de quoi sérieusement s’inquiéter. Il n’est pas question de favoriser la réussite – celle des lycéens, des étudiants ou des professeurs dans l’exercice de leur métier – mais bien d’instaurer dès l’enseignement secondaire une réelle course au mérite.

Vers une université sélective

Quand Édouard Philippe réagit à l’annonce des 87 000 bacheliers sans affectation pour la rentrée, il y a dans ses propos une idéologie pleinement assumée : ce n’est pas tant le nombre de sans-fac qui pose problème mais bien que, parmi eux :

« les plus méritants se retrouvent [également] exclus par un tirage au sort des filières universitaires »

Dès lors, nous est promise pour la rentrée 2018 une mise à jour de la plateforme en ligne d’admissions post-bac (APB). Seulement derrière l’abandon légitime du tirage au sort, le gouvernement souhaite mettre en place des prérequis pour chaque licence. Purement indicatifs ou sélection déguisée, le doute est volontairement maintenu.

Cette mesure nommée « contrat de réussite avec les étudiants » serait aussi, d’après Édouard Philippe, une réponse au taux d’échec élevé en licence (60 % des étudiants ne vont pas au bout des trois ans nécessaires pour l’obtention du diplôme).

70 % des étudiants n’ont pas accès aux bourses (dont le montant maximum reste bien en deçà du seuil de pauvreté), le salariat étudiant est donc la première cause d’échec à l’université et il n’y a que 340 000 places en résidences étudiantes (publiques et privées confondues) pour 2,6 millions d’étudiant.e.s en France. Malgré ce constat, il n’est pas question pour le gouvernement d’allouer les moyens nécessaires à l’éducation nationale et à l’ESR. Au contraire, tous les budgets de tous les ministères, sauf ceux de la défense et des armées, ont été revus à la baisse.

L’enseignement secondaire en prend évidemment un coup

Déjà bien affaibli par son manque de professeurs, de conseillers d’orientations, d’infirmiers et d’assistants de service social, plusieurs réformes sont à l’ordre du jour et toutes répondent à une conception libérale de l’éducation. L’actuel gouvernement plaide par exemple pour un resserrement des liens entre les lycées professionnels et le monde de l’entreprise. Il s’agit d’une réelle menace pour le programme scolaire de ces lycéens dont les connaissances générales et la pluralité des enseignements seraient réduites au profit de stages toujours non rémunérés.

Cette transformation du paysage éducatif passe aussi par la volonté d’autonomiser les établissements scolaires en termes de recrutements et de pédagogie. Seulement, cette autonomie que les universités subissent déjà depuis plusieurs années est dangereuse.  Sans moyens supplémentaires, elle ne peut qu’empirer les disparités territoriales déjà existantes. Plus qu’aujourd’hui, la distinction bons/mauvais lycées subsisterait et les parents d’élèves seraient susceptibles d’entretenir cette hiérarchie en préférant tel lycée à tel autre selon les offres pédagogiques et les options annoncées.

Le gouvernement envisage également que les lycées professionnels soient contraints de publier chaque année leurs résultats et leurs débouchés.

Ces deux dernières mesures promettent donc une mise en concurrence des établissements.

Un nouveau bac pour 2021 ?

Enfin, la réforme du baccalauréat a été annoncée comme la grande réforme éducative de ce quinquennat. Trop coûteux, trop lourd… mais l’alternative avancée est une fausse bonne idée. Ce nouveau bac ne proposerait que quatre matières à l’examen final tandis que les autres seraient validées uniquement par contrôle continu.

Ce mode d’évaluation peut paraître plus représentatif de l’implication et du travail des lycéens mais également plus sain pour leur gestion personnelle de l’effort et du stress. Cela n’est pas vrai. Pour un examen national, l’élève ne doit pas dépendre uniquement de l’appréciation de son professeur et de la façon dont le contrôle des connaissances est effectué dans son lycée plutôt que dans un autre. C’est une remise en cause l’égalité de traitement entre les candidats.

Aujourd’hui, afin d’assurer une réelle objectivité dans la correction des copies du bac, plusieurs étapes sont essentielles avant l’attribution définitive des notes (commissions d’entente avant la correction, harmonisation des notes, jury, etc). Avec la validation de matières par contrôle continu, ces dispositifs ne seraient plus effectifs. On ne peut pas comparer ce qui est le résultat d’une année de devoirs et d’évaluations sur table, puisque d’un.e professeur.e à un.e autre, il n’y aura jamais deux sujets identiques.

Emmanuel Macron affirme tout de même faire confiance et s’en remettre exclusivement au jugement des professeurs. Dans ce cas-là, espérons-le, peut-être que les professeur.e.s du secondaire et les lycéens seront sollicités, le moment venu, pour donner leur avis sur cette réforme.

Une chose est sûre, syndicats de professeurs comme syndicats de lycéens s’accordent sur la nécessité de revoir le format du bac. En revanche, ils craignent une dévalorisation du diplôme et pour le SNES-FSU notamment, une réforme qui répondrait plus largement aux préconisations des instituts libéraux Terra Nova et Montaigne.


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