Malgré des intérêts divergents, la France fait commerce avec la Chine

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Malgré des intérêts divergents, la France fait commerce avec la Chine

Le président chinois Xi Jinping a passé trois jours en France, à l’occasion du 55e anniversaire de la reconnaissance diplomatique de la Chine communiste par la France, premier grand pays occidental à avoir sauter le pas.

Des accords économiques significatifs : Airbus, SNCF

Le président chinois ne s’est pas contenté d’une visite privée de la côte d’Azur ou d’un dîner à l’Elysée. Sa tournée a permis la signature de contrats faramineux, notamment avec Airbus, Bnp Paribas et EDF. La Chine commande 290 Airbus A320 et 10 Airbus A350. En tout, une quinzaine de contrats ont été présentés, évalués à plusieurs dizaines de milliards d’euros. L’industrie française de haute technologie est donc mise à l’honneur, reste à connaitre les conséquences pour les travailleurs et travailleuses français·e·s.

Dans un contexte de guerre commerciale, notamment avec les Etats-Unis, Emmanuel Macron a déclaré que « la coopération rapporte plus que la confrontation, et nous avons plus à gagner à l’ouverture qu’à la fermeture ». Le gouvernement américain, à commencer par le conservateur Mike Pence, veut à tout prix conserver sa prédominance. La croissance rapide de la Chine vers la position de deuxième plus grande économie du monde a bouleversé la stratégie militaire américaine. La flotte américaine est présente en Mer de Chine méridionale et des accords de coopération militaire ont été conclus avec le Japon et les Philippines. Tout est prétexte à un embrasement : le statut de Taiwan, le Tibet ou la dispute des iles.

La France se trouve dans une situation d’entre deux.  Premièrement, la Chine fait concurrence aux intérêts impérialistes français en Afrique. Emmanuel Macron semble également partager une partie des critique de Donald Trump à l’égard de la Chine, comme l’a montré la volonté du Président d’aborder les soupçons d’espionnage qui pèsent sur Huawei.. Tout cela pourrait laisser à penser une attitude de fermeté d’Emmanuel Macron vis à vis de la Chine. Pourtant, le président français ne va pas à la guerre commerciale avec la Chine et préfère temporiser, et même, renforcer les liens commerciaux en profitant de l’absence momentané des Etats-Unis pour gagner des parts de marché.

L’illusion d’un tandem Chine-Europe : une profonde rivalité

La Chine veut construire une « Nouvelle route de la soie » avec la création de corridors économiques qui la connectent à ses partenaires commerciaux européens, arabes et africains. Mardi 26 mars, Xi Jinping s’est donc affiché en compagnie d’Emmanuel Macron, Angela Merkel et Jean-Claude Juncker. Cette image d’unité cache une profonde rivalité, parfois parfaitement affichée. Une note de la Commission Européenne désigne la Chine comme un « concurrent stratégique » et même « un rival direct ».

Cette rivalité tient à la division internationale du travail entre pays du nord et pays du sud. Alors que la production se concentre de plus en plus dans les pays émergents, la prise de décision est manœuvrée par les capitalistes des pays occidentaux. Le secteur du numérique en est un exemple frappant. 3 milliards d’individus sont connectés à Internet,  soit 40% de la population mondiale, majoritairement dans les pays occidentaux.

Cependant, les puissances numériques de demain ne seront pas occidentales. Les dernières statistiques de la Banque Mondiale montre que la Chine comptait 731 millions d’utilisateurs d’Internet en 2016 en hausse de 43 millions par rapport à 2015. Tout laisse à croire que cette tendance s’est accentuée avec l’émergence de géants du net comme Didi, Wechat ou Youku. Des entreprises qui peuvent profiter d’un marché interne largement inaccessible pour ensuite se projeter avec force à l’international.

L’Afrique : point nodal du caractère impérialiste des politiques françaises et chinoises

La consommation de matières premières et la volonté d’expansion amène la Chine à se confronter à d’autres puissances et à exercer des politiques à caractère impérialiste. Les droits syndicaux des travailleurs ont été supprimés après le rachat du port de Pirée par un monopole chinois.  La Chine a mis 60 milliards de dollars pour le développement des Etats africains. Pour comprendre les enjeux de cette exportation de capitaux, on peut se reporter aux théories fondamentales de l’impérialisme. Lénine met en avant, dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), que” l’exportation des capitaux, à la différence de l’exportation des marchandises, prend une importance toute particulière »

La politique chinoise est ainsi une réponse à la Françafrique ou à l’emprise des Etats-Unis en Amérique Latine. La jeunesse est évidemment la plus impacté par la précarisation des conditions de travail due aux délocalisations et la concurrence. Les étudiants sont aussi concernés. A l’image des campus français implantés en Afrique (ESSEI, Paris-Dauphine, ESSEC…), la Chine verrait bien quelques de ses 32 millions d’étudiant·e·s acquérir des compétences sur le continent noir. Inversement, la Chine désire une main d’oeuvre africaine hautement qualifié  pour un coût réduit.

Immense par sa superficie, sa démographique mais aussi par sa culture et sa civilisation, il est complexe de tirer des conclusions sur la société et l’économie chinoise. La langue et éloignement rendent difficile la compréhension des débats internes.

Les idéologues et médias de la classe dominante tentent d’expliquer que la croissance miraculeuse est due à la conversion capitaliste du Parti Communiste Chinois. A partir de 1978, le PCC a pris en oeuvre le programme “réforme et ouverture”, notamment sous l’impulsion de Deng Xiaoping. Pour autant, de larges statistiques du bureau d’études statistiques chinois ou de la banque mondiale montrent que l’envolée économique de la Chine est due aux réformes mis en place lors des quinquennat précédent axées sur les réformes agraires, le développement industriel et l’éducation.


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