“Marée populaire” du 26 mai : entretien avec Pierre Laurent

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“Marée populaire” du 26 mai : entretien avec Pierre Laurent

A quelques jours de la “marée populaire” appelée par plus de 50 organisations et qui aura lieu samedi dans tout le pays, nous avons rencontré Pierre Laurent, Secrétaire national du Parti Communiste Français acteur moteur de cette initiative.

Avant-Garde : Samedi prochain aura lieu la marée populaire a l’appel de plus de 50 organisations politiques, syndicales, associatives. Le PCF y prend une part importante depuis le départ, quelle sont les ambitions que vous placez en cette journée ?

Pierre Laurent : L’objectif que l’on doit donner à cette marée populaire c’est d’aider chaque mobilisation déjà engagée à grossir, d’aider les différentes mobilisations à s’épauler les unes et les autres pour faire grandir le rapport de force face à Macron. On voit bien que les différents mouvements engagés, chez les cheminots, dans les services publics, dans la jeunesse, dans certains secteurs du privé, durent. Devant l’absence de réponse du gouvernement il y a une volonté de continuer à exprimer le mécontentement social, mais devant un pouvoir si arrogant, si méprisant, si autoritaire, chacune et chacun a besoin de faire rentrer dans la lutte, dans son secteur un plus grand nombre de forces.

Donc le signal unitaire, envoyé par cette initiative, un signal d’unité et de respect de chacune et chacun dans son rôle respectif, doit permettre d’amplifier cette mobilisation qui, pour faire reculer Macron, doit être encore plus forte.

A-G : D’autres tentatives de ce type ont déjà eu lieu, dans ce quinquennat, mais aussi dans le précédent. N’avez-vous pas peur que cette initiative fédère uniquement ceux qui sont déjà dans le combat ?

PL : Effectivement ce risque existe. Pour ne pas que le 26 mai ne s’adresse qu’à la partie déjà mobilisée du pays, il faut que l’objectif soit d’envoyer un signal d’entrée dans l’action pour des gens qui n’y sont pas encore ou de manière épisodique. Ce qui est nouveau pour le 26 mai c’est que chacune des organisations politiques, syndicales, associatives, chacune dans leur domaine continuent à faire progresser les fronts unitaires mais que dans le même temps elles unissent leurs forces.

Cette unité n’est pas guidée par un abandon des rôles de chacune des organisations mais bien par le contexte politique. Nous avons un pouvoir autoritaire qui non seulement n’écoute personne dans le pays, mais qui n’écoute même plus le parlement voir sa propre majorité comme en démontre les débats autour de la loi Asile-immigration. Il y a une volonté de concentrer de façon extrême les pouvoirs dans les mains du président de la république. Dans cette situation, pour le faire sortir de ses rails, la pression doit être extrêmement forte et elle doit s’inscrire dans la durée. C’est à cela je l’espère qu’aidera le 26 mai.

A-G : Cela fait un an qu’ Emmanuel Macron est au pouvoir. Nous avons connu, beaucoup d’attaques mais peu de victoires du camp progressiste. Pensez-vous que l’absence d’alternative politique palpable est un frein ? En quoi le 26 peut-il redonner de l’espoir, peut-il faire renaître l’idée d’alternative?

PL : C’est sûr que l’absence d’alternative, en tout cas tel que c’est perçu par des millions de gens pèse très négativement sur la situation. Cette absence d’alternative était déjà une des raisons majeures de la victoire d’Emmanuel Macron qui a été en grande partie une victoire par défaut devant l’incapacité de la gauche sociale et politique d’aborder de manière unie les batailles électorales du printemps 2017. Cette absence d’alternative peut continuer à aider Emmanuel Macron. C’est d’ailleurs pour ça qu’il essaye d’aller le plus vite possible pour en profiter et pour la conforter en anesthésiant les résistances qui peuvent grandir.

Construire une alternative c’est unir des forces, mais les unir sur des objectifs qui soient de plus en plus clairs. On voit bien que le seul rejet de ce pouvoir, ou d’un autre, ne suffira pas à faire alternative et on voit même, en Italie, comment cette volonté “dégagiste” peut aussi déboucher sur le contraire d’objectifs progressistes. Donc dans l’effort d’unité que nous construisons, il faut avancer des propositions précises. Des revendications simples déjà ! Pour les fonctionnaires, l’augmentation des effectifs, des augmentations de salaires, un moratoire sur les restructurations hospitalières concernant les luttes de la santé par exemple. Pour les cheminots, il faut des garanties sur leur statut, l’arrêt des fermetures de lignes de proximité, la reprise de la dette pour pouvoir faire de l’investissement public… il faut marquer le maximum de points pour donner confiance au mouvement populaire.

En même temps, nous devons porter le fer sur ce qui fait le cœur de la politique gouvernementale pour proposer des alternatives à cela. Par exemple, nous voulons la reprise de la dette mais nous voulons que cela soit le secteur financier qui paye car c’est à lui de payer l’addition. Nous voulons des augmentations de salaires, elles doivent être financées par la baisse des dividendes des actionnaires et la lutte contre l’évasion fiscale. Nous voulons des services publics de qualité dans tous les territoires donc il faut en finir avec les privatisations de tout ! En fait dans chaque circonstance nous avançons des propositions pour faire avancer des logiques de solidarité et de justice contre les logiques de marchandisation de la société. C’est de cette manière que, de manière positive et conquérante, le mouvement populaire peut être uni.

A-G : Cette date du 26, est-ce un coup d’essai ? Y aura t il des suites ?

PL : L’après 26 dépendra de ce qu’est la mobilisation, de son ampleur. Si samedi, nous arrivons à hausser le niveau du rapport de force, à donner aux luttes un caractère offensif, la manière dont s’est construite cette démarche unitaire peut avoir des suites. A condition que samedi, tout le monde soit respecté, que les principes qui ont vécu dans la construction de cette démarche demeurent. Je pense qu’il ne faut pas brûler les étapes. Chaque échéance doit être utilisée à plein pour ce qu’elle est.

Il nous reste encore quelques jours pour réussir cette journée. Une journée d’action, un samedi, n’est pas un but en soi. C’est un moyen pour hausser le niveau de la mobilisation, donc réussissons cette étape partout en France et cela donnera des idées partout dans les territoires pour construire des mobilisations durables, pertinentes. Il faut continuer à enraciner le mouvement populaire au plus près des revendications des salariés, des jeunes, c’est ça le gage de la réussite dans la durée face à Macron.


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