Municipales : grandes manœuvres et peu de débats

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Municipales : grandes manœuvres et peu de débats

Les élections municipales approchent à grands pas. Les différentes formations politiques se préparent pour le scrutin alors que dans plusieurs villes, le flou sur les candidatures donne un air de « drôle de guerre » à cette campagne. 

Scrutins locaux pour lecture nationale

Faire un tour d’horizon des élections municipales est toujours un exercice compliqué. Ces élections sont constituées d’une multitude de scrutins locaux dont l’interprétation nécessite souvent une fine lecture de leurs dynamiques propres. Cependant, ce serait une erreur de considérer ces élections comme étant uniquement les sommes d’affrontements municipaux, sur lesquels la politique nationale n’aurait pas prise et qui ne pourraient pas faire l’objet d’une analyse plus large.

Ces élections occupent de plus une place importante dans le paysage français. Héritage révolutionnaire, les communes sont des institutions qui bénéficient d’une certaine sympathie de leurs administrés. Pour les différentes forces politiques, les communes sont également une marque d’un ancrage local et parfois un laboratoire permettant d’expérimenter des solutions politiques promues nationalement. Cette échéance était donc attendue particulièrement depuis 2017 puisque sur les quatre forces arrivées en tête du premier tour de la présidentielle, une seule pouvait prétendre disposer d’un réel réseau d’élus municipaux. 

Le match LREM-RN n’aura pas lieu

Le parti présidentiel a depuis de longs mois ces élections en tête. Ce scrutin représente un moyen de se doter d’une base sociale qui lui a cruellement manqué lors de la crise des gilets jaunes. Alors que la plupart des députés élus en 2017 peinent toujours à exister, ce scrutin est perçu comme un moyen de trouver des relais de la politique gouvernementale sur le terrain, avec pour optique principale la réélection d’Emmanuel Macron en 2022. Ne partant avec aucune mairie, si on met de côté les maires qui ont rallié le chef de l’État, ces élections étaient imperdables. À force de vendre des gains conséquents dans les grandes villes, les victoires manquées seront désormais perçues comme des défaites. L’absence de structure vertébrale au parti multiplie les frustrations et les candidatures dissidentes. Les deux plus grandes villes de France voient ainsi la majorité présidentielle avancée en ordre dispersé. À Paris, le duel Villani, Griveaux défraye la chronique depuis plusieurs mois dans l’indifférence assumée du président. À Marseille, la parole présidentielle est également attendue alors que la désignation de la tête de liste a encore une fois été repoussée. Un député LREM a déjà officialisé sa candidature et annoncée qu’il ne se rangerait pas derrière le choix de son parti. 

Le RN est dans une situation différente, il a conquis en 2014 une poignée de mairies dont il a fait la vitrine de ses ambitions locales. Comme la LREM, le RN cherche dans ces villes les relais qui lui manquent pour être autre chose qu’un vote contestataire. Le parti d’extrême droite cherche également dans ces municipalités à multiplier les décisions polémiques et affiche une gestion particulièrement brutale. La xénophobie du parti de Marine Le Pen s’y déploie s’accompagnant également d’une chasse à toutes les entreprises de solidarité. À Hénin-Beaumont et Hayange, les antennes du secours populaire sont persécutées par les mairies RN. Si par rapport à la première vague de mairie FN à la fin des années 90, la gestion semble moins calamiteuse, le parti d’extrême droite reste freiné dans ses ambitions par son manque de militants et son caractère repoussoir. Largement arrivé en tête dans de nombreuses communes aux élections européennes, il n’est pas toujours certain de pouvoir y présenter des listes faute de candidats. La difficulté à trouver des figures locales conduit le parti à multiplier les investitures de très jeunes têtes de liste ayant souvent moins de 30 ans. Une stratégie assumée afin de transformer une faiblesse en atout. Il devrait cependant pouvoir facilement enregistrer des gains lors de ce scrutin dans des villes moyennes, plusieurs grandes villes sont également dans son viseur comme Perpignan, Toulon ou encore Marseille. 

Les affrontements entre LREM et RN devraient être limités. Les deux partis ne ciblant pas vraiment les mêmes territoires. Une curieuse répartition géographique entre deux partis qui cherchent chacun à polariser le débat politique entre leurs deux formations. 

À droite, recomposition douloureuse

La droite ne s’est jamais vraiment remise du naufrage de la candidature de François Fillon en 2017. Le scrutin européen a été une nouvelle démonstration de la faiblesse historique de la famille politique qui a le plus gouverné le pays depuis 1958. Du tiraillement entre libéraux et conservateurs, il ne reste finalement plus grand-chose. Les libéraux n’hésitent plus à afficher leur soutien à la majorité présidentielle qui le leur rend bien. À Toulouse, le maire a reçu le soutien de LREM. À Bordeaux, véritable bastion de la droite depuis 1945, le maire sortant ne demande pas l’étiquette LR. À Paris, la candidature de Rachida Dati ne semble pas pouvoir réellement décoller tandis que des maires d’arrondissement n’hésitent pas à ouvertement faire des appels du pied aux macronistes. À Amiens, ville symbolique, la maire sortante (UDI allié avec LR) a reçu le soutien du président de la République. Idem à Angers où Christophe Béchu repartira avec l’étiquette LREM.

À Marseille, la candidate désignée devra faire face à la candidature dissidente d’un sénateur. Le patron de LR Christian Jacob n’est pas parvenu à éviter les divisions. À Nice, l’unité de la droite devrait être préservée. À Béziers ce n’est pas le cas, malgré une candidature LR, une partie des troupes devraient soutenir le maire sortant d’extrême droite Robert Ménard. C’est l’autre chantier de recomposition qui affaiblit LR. Si les libéraux se rapprochent de LREM, les conservateurs affichent de plus en plus ouvertement des volontés d’alliance avec l’extrême droite. À Roubaix, ville conquise en 2014, le responsable local a été exclu par LR pour s’être allié avec plusieurs conseillers municipaux RN. 

La gauche atomisée cherche à se regrouper

La gauche ne semble pas avoir vraiment tiré les leçons des européennes. À une contre-performance globale des listes de gauche, s’était ajouté leur division qui avait conduit à marginaliser la plupart des partis de gauche. Le même scénario semble devoir se reproduire pour les élections municipales. Le parti socialiste reste la principale force à gauche, détenant une majorité des grandes villes avec Paris, Lille, Nantes ou encore Rennes. Fortement déstabilisés par le quinquennat Hollande, beaucoup de maires sortants n’afficheront pas leur étiquette partisane. Les listes se résument alors à l’identité de l’édile qui la conduit. Plusieurs villes ont été perdues à gauche par changement d’étiquette de la majorité, le cas le plus emblématique est Lyon où Gérard Collomb devrait récupérer les rennes désormais pour le compte de la République en Marche. 

EELV est sorti renforcé du scrutin européen et affiche ses ambitions dans beaucoup d’endroits comme à Rennes, Nantes ou Paris. Le parti écologiste n’hésite pas d’ailleurs à jouer la division à gauche comme c’est le cas à Marseille ou Le Havre ouvrant des boulevards à la droite. La France insoumise affiche nettement moins d’ambition sur les élections municipales depuis les élections européennes. Le parti de Jean-Luc Mélenchon tout en affichant officiellement une volonté de monter des listes de rassemblement citoyen, joue cavalier seul la plupart du temps tout en participant à l’union parfois. Génération. s revient le plus souvent à ses origines socialistes avec des alliances le PS, c’est le cas à Paris ou à Nantes. À Toulouse, l’ancien maire PS depuis passé à Génération. s a annoncé son intention de se représenter, fragmentant un peu plus une gauche déjà très divisée.

Le Parti communiste a pour ambition de rassembler le plus largement possible autour de revendications concrètes pour les municipalités. C’est ainsi qu’il a lancé des appels aux rassemblements partout en France. Forte de ses 600 mairies, le PCF a vocation à conduire ces listes de rassemblements et garde pour ambition d’une part de conserver ses villes et même d’aller en conquérir des nouvelles, d’une autre de faire élire un maximum d’élus communistes. Le parti de la place du Colonel Fabien se pose ainsi en figure d’une unité. Bien que le dépassement des clivages semble parfois impossible, il démontre le contraire dans un certain nombre de villes notamment celles de moins de 20 000 habitants comme c’est le cas par exemple à Bonneuil sur Marne (94), Moulins (03) ou encore dans le bassin minier. Cependant, les numéros d’équilibristes entre les alliances déjà nouées et les alliances nouvelles rendent parfois la tâche difficile et la volonté, toute bonne est-elle, ne façonne pas toujours la réalité. Si le salut de la gauche passe par son union, le chemin vers celle-ci reste à trouver dans beaucoup d’endroits.   

Des différences programmatiques à chercher dans les détails

Une fois fait le tour des principales forces politiques du pays, il est difficile d’identifier les grandes tendances des affrontements programmatiques. Les débats restent le plus souvent bien faibles et les candidats, pourtant pas dénués d’imagination, peinent à se démarquer les uns des autres. Exception faite de l’extrême droite qui entend mener ses politiques d’exclusions à tous les niveaux, difficile de trouver des affrontements sur le fond entre les différentes listes qui s’avèrent pourtant nombreuses.

La nécessité de repenser les villes pour permettre des déplacements sans voitures semble désormais faire consensus. Même la droite qui faisait campagne en 2014 contre les transports en commun et pour la gratuité du stationnement semble s’être désormais verdie. L’austérité imposée a mis fin à beaucoup de grands chantiers urbains qui pouvaient être le cœur des affrontements. Le développement des réseaux de transports est désormais largement partagé et fait généralement l’objet d’un soutien transpartisan. La volonté d’associer davantage les citoyens à la prise de décision regroupe également largement par delà les étiquettes. 

Pourtant les différences demeurent et ce serait un tort de penser qu’une gestion de droite équivaut une gestion de gauche. Sur les solidarités, la politique de logement, l’offre de service public ou encore la protection des salariés (notamment via le travail le dimanche), les municipalités de gauche ont des arguments pour elles. Il faudra pour les faire entendre toutefois assumer cette approche et l’opposer à la droite et LREM. Une combativité qui demande d’assumer le caractère politique d’une gestion municipale et sortir des logiques citoyenniste et de bonnes gestions. 


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