Dans le cadre d’une série d’entretiens avec des étudiantes candidates aux élections au Parlement européen, nous avons rencontré Naomi Stocker. Elle est étudiante à la VUB, à Bruxelles, militante à COMAC, et candidate sur la liste du PTB (Parti du Travail de Belgique).
Merci de nous accorder cet entretien. Pourrais-tu te présenter et nous expliquer comment en es-tu venue à devenir candidate pour les élections au Parlement européen ?
Je m’appelle Naomi Stocker. J’ai 21 ans et j’étudie les sciences sociales à la VUB à Bruxelles (Vrije Universiteit Brussel). J’ai commencé à m’engager dès ma première année à l’université en 2015. Je me suis engagée parce qu’il y a tellement d’injustices qu’il faut changer. L’Europe est une Europe de la concurrence et de l’inégalité qui met les pays les uns contre les autres. C’est une Europe de l’austérité, de la libéralisation et du dumping social. Le nombre de travailleurs pauvre en Europe augmente alors que les Commissaires européens gagnent jusqu’à 30.000€ par an et que nous n’avons encore jamais produit autant de richesses qu’aujourd’hui. Il est temps d’avoir une Europe sociale, solidaire et égale. En Europe nous avons besoin d’une gauche qui pique, contre l’Europe de fric !
Quelles revendications veux-tu porter durant la campagne ? Quelle programme porte le PTB pour les étudiant.e.s ?
L’Europe impose de plus en plus ses directives aux pays membre. En Belgique, 80% des lois sont imposées ou inspirées par l’Union Européenne. Chaque pays doit pouvoir bloquer certaines directives si elles ne contribuent pas au progrès social et environnemental dans le pays. C’est le principe de non-regression. Les libertés économiques ne peuvent pas primer sur les droits sociaux. Nous sommes contre une Europe avec des parlementaires qui gagnent jusqu’à 13.000€ par an ou des commissaires qui gagne de 20.000€ à 30.000€ par an. Avec de telles sommes d’argent, les eurocrates ont perdu tout lien avec la réalité des travailleurs sur le terrain. Il faut avoir un plafond de 10.000€ brut par mois qui ne doit pas être franchi.
Pour les jeunes étudiant.e.s, il est important de mettre un terme à la privatisation des universités et de revoir fondamentalement le processus de Bologne. L’université doit être de qualité et accessible à tous et toutes. L’enseignement ne peut pas être un instrument de bénéfices économiques et du privé. Il faut arrêter la concurrence entre les institutions, mais bénéficier d’une collaboration solidaire.
La vague de libération de la parole s’est pleinement exprimée sur les universités en Belgiqe. Quelles luttes féministes portes-tu en tant que femme et étudiante ?
En tant que femme étudiante, le combat contre les agressions sexuelles sur les universités est important pour moi. On voit que cela pose un grand problème encore sur les campus et dans la vie étudiante, en général. L’année passée encore, une femme a été violée sur notre campus. Les institutions n’ayant pas pris cela aux sérieux, il n’y a pas eu de suivi. Il y a eu plusieurs campagnes contre les viols et les agressions sur le campus dans lesquelles nous nous sommes pleinement investi.e.s. Ces campagnes ont été une réussite car elles ont ouvert un nouveau débat sur les campus, auparavant tabou. Il faut continuer cette lutte et cette sensibilisation pour qu’il n’y ait plus aucune femme qui se sente mal à l’aise parce qu’un professeur fait des blagues inappropriées. Il faut en finir avec les pratiques qui affichent ces idées patriarcales comme l’élection de ‘pute de l’année’ ou les femmes sont à moitié nues sur les affiches.
Un mouvement se développe autour des grèves climatiques partout en Europe. Les universités belges ont été particulièrement mobilisées. Quelle action pour un changement climatique au Parlement Européen ?
Tout d’abord, il faut augmenter les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, à moins de 60%, d’ici 2030. Pour 2050, l’Union Européenne doit atteindre la neutralité carbone totale. On ne peut plus attendre. Comme Greta Thunberg l’a dit au Parlement Européen : -“Notre maison est en train de brulée et je veux que vous agissiez comme si votre maison est en feu.” On ne peut plus se permettre de diminuer nos ambitions, le rapport du GIEC nous l’a démontré.
Pour y arriver nous avons besoin de mettre des normes d’émission contraignantes sur les entreprises et mettre un terme au système européen d’échange de quotas d’émission (ETS). Cent entreprises sont responsables de 71% des émissions. Nous devons donc fonctionner selon le principe que les plus gros pollueurs sont ceux qui payent le plus. Nous devons donc aussi nous opposer aux taxes carbones qui ne feront pas changer les choses et contribueront qu’à faire payer les consommateurs.
L’abstention touche beaucoup les jeunes. Comment les convaincre d’aller voter en mai ?
Cela ne m’étonne pas que beaucoup de jeunes ne veulent plus aller voter. Beaucoup de jeunes ne se sentent pas représenté.e.s par les partis traditionnels. En plus de cela, l’Union Européenne fonctionne de manière absolument pas démocratique : nous avons seulement le droit d’aller voter tous les 5 ans pour envoyer des députés au parlement Européen. Et celui-ci n’a même pas le droit de faire des propositions *de loi ! C’est la commission qui écrit les lois alors que les commissaires n’ont jamais été élus par la population. Ne nous faisons donc pas d’illusion, ce n’est pas via les institutions européennes que nous allons faire le changement. C’est via la mobilisation sur le terrain. Le meilleur exemple, ce sont les salarié.e.s de Ryanair qui ont fait une grève européenne contre les conditions de travail indignes… Et ils ont obtenu des victoires dans plusieurs pays européens. Par contre, aller voter en mai permet d’envoyer des députés au Parlement européen pour être le mégaphone de ces mouvements et pour informer la population de ce qui se passe derrière les portes fermées du Parlement. Des parlementaires de combat qui soutiennent, s’opposent aux lobbys et construisent un contre-pouvoir.
Quelle stratégie pour la gauche au niveau européen ? Comment œuvrer à une conscience européenne des travailleurs et des travailleuses ?
Nous devons surtout sensibiliser la population, organiser les gens et se mobiliser. Sensibiliser en informant les gens de ce qui se passe dans le Parlement. Il faut surtout se mobiliser sur le terrain pour imposer le changement. Il faut se mobiliser dans nos pays, mais aussi faire le lien entre les différents pays. Nous voyons que de plus en plus de mouvement sont en train de se former au niveau européen : les jeunes du mouvement climatique, les travailleurs et travailleuses de Ryanair ou encore les gilets jaunes. Les rapports de force doivent changer pour une Europe des gens. Contre une Europe de la concurrence, il faut être solidaire entre peuples pour une vague de résistance à travers l’Europe et faire trembler l’establishment.