Plan étudiant : la sélection à l’entrée de l’université

publié le dans
Plan étudiant : la sélection à l’entrée de l’université

Hier le gouvernement annonçait un “plan étudiant” pour “amener chacun vers la réussite”. Loin de là, c’est en réalité une sélection à l’entrée de l’université à peine maquillée que le gouvernement va mettre en place.

L’austérité et l’échec scolaire comme excuse à la sélection

L’annonce gouvernementale s’est faite en présence du premier ministre, du ministre de l’éducation nationale, et de la ministre de l’enseignement supérieur. Ce déploiement de ministres vient souligner l’importance accordé au sujet par le gouvernement.

Les situations absurdes provoquées par l’utilisation de l’algorithme APB en juin et juillet derniers ont profondément marqué les esprits. Plus encore, l’illégalité du tirage au sort et le refus du gouvernement d’accorder les moyens nécessaires au fonctionnement de l’enseignement supérieur, ont provoqué un blocage.

Ce blocage est uniquement dû aux refus des gouvernements successifs d’investir et illustre cruellement la dette grise que constitue l’austérité pour les jeunes. Si les investissements non effectués ne pèsent pas sur le budget de l’Etat ils pèsent sur les droits des jeunes.

Le choix du gouvernement d’aller vers une sélection à l’entrée de l’université est également justifié par ce dernier sous le prétexte de la réussite étudiante. Il est pourtant permis de se demander en quoi refuser l’accès à une formation favorise-t-il la réussite d’un étudiant qui finalement n’aura jamais eu la possibilité d’essayer.

Une sélection déguisée mais une sélection tout de même

Ni le mot “sélection” ni le mot “prérequis” n’apparaissent dans la communication du gouvernement. Pourtant c’est bien cela que le gouvernement va mettre en place. Son projet donne également d’importants pouvoirs d’influence et de décisions aux professeurs dont l’orientation n’est pas la mission.

Aux conseils de classe du premier trimestre de terminale, les professeurs pourront faire des suggestions d’orientations aux élèves. Officiellement, c’est pour combattre l’autocensure des élèves qui se restreindraient dans leurs choix d’orientation. On ne peut que craindre l’inverse, où l’élève confronté à une proposition de ses professeurs n’ose pas s’en détacher.

Crainte d’autant plus fondée, qu’au deuxième trimestre ce seront ces mêmes professeurs qui auront à rendre un avis sur les voeux d’orientation de l’élève. Ces avis risquent d’être extrêmement déterminants étant donné que les facs qui devront effectuer une sélection n’auront surement pas les moyens d’aller voir au-delà de ces avis.

Dès qu’une fac sera confrontée à une demande trop forte par rapport au nombre de places, elle aura la possibilité de choisir ses élèves. C’est ainsi qu’intervient la sélection. Cette sélection se fera en fonction d'”attendus” (qui ne sont pas des prérequis donc…) définis par chaque fac sous l’égide d’un cadre national.

La fac pourra donc répondre favorablement à la demande d’inscription, la soumettre à des conditions d’un parcours spécifique qui peut aller jusqu’à une année de cours supplémentaire, ou refuser l’inscription. Il s’agit donc bien de la mise en place d’une sélection.

La sélection pour continuer l’austérité

Les plusieurs dizaines de milliers de lycéens n’ayant pas été affectés l’été dernier et tous ceux n’ayant pas eu la filière de leur choix ne sont pas victimes du tirage au sort. Ils sont victimes d’un sous-investissement massif qui dure depuis des années dans l’enseignement supérieur.

Le boom de naissances des années 2000 ainsi que la plus grande proportion de jeunes continuant leurs études dans l’enseignement supérieur étaient largement prévisibles. Ces deux éléments auraient dû conduire à un fort investissement dans l’université publique que ce soit en termes de locaux ou de personnels. Les politiques austéritaires ont conduit à faire strictement l’inverse.

Aujourd’hui les besoins sont estimés à une augmentation du budget de l’enseignement supérieur de deux milliards par an pour assurer son fonctionnement. Le gouvernement a annoncé hier 500 millions sur cinq ans. 100 millions par an contre 2 milliards, c’est 20 fois moins que nécessaire.

Il est déjà assuré que le nombre de filières incapables de répondre aux demandes d’inscriptions va exploser dans les prochaines années. Elles auront désormais la possibilité de sélectionner leurs étudiants pour y remédier. Pour les étudiants recalés de l’enseignement public, il ne restera qu’une seule alternative : l’enseignement privé qui de fait exclut les étudiants issus des couches populaires.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques