Pour Fabien Roussel, “Il faut sortir de cette logique de jobs, de boulots précaires qui ne garantissent rien du tout, si ce n’est la précarité et la galère”

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Pour Fabien Roussel, “Il faut sortir de cette logique de jobs, de boulots précaires qui ne garantissent rien du tout, si ce n’est la précarité et la galère”

Avant-Garde a rencontré Fabien Roussel, candidat communiste à la présidence de la République, qui veut lutter contre la précarité de la jeunesse et en faire une priorité.

Le PCF a été absent lors des deux derniers scrutins présidentiels, pourquoi te présentes-tu à l’élection présidentielle de 2022 ?  

C’est un choix collectif largement débattu, partagé, avec une décision qui a été prise collectivement le 9 mai dernier. C’est la crise du capitalisme, la crise sanitaire, la crise écologique qui poussent à proposer une candidature du parti communiste français à l’élection présidentielle, pour proposer un projet de société qui nous permettent de sortir des logiques financières, de rentabilité, qui existent actuellement. L’urgence sociale, l’urgence économique, sanitaire, appellent des réponses fortes et rapides et imposent de reprendre rapidement le pouvoir sur l’argent pour le mettre au service de ces urgences. C’est le sens de la candidature que nous allons défendre lors de cette élection et des élections législatives.

Pourquoi vouloir faire de la jeunesse une priorité pour 2022 ? 

Les priorités de cette candidature comme je l’ai annoncé, c’est le monde du travail et la jeunesse. La jeunesse, c’est elle qui souffre déjà beaucoup depuis plusieurs années, mais dont les difficultés ont été aggravées pendant cette pandémie. La crise sanitaire et le mépris affiché du gouvernement ont montré que la jeunesse souffre fortement. Il y a donc des mesures fortes à prendre et je souhaite que la jeunesse devienne une grande cause nationale rapidement et pendant plusieurs années. Il faut mettre fin aux logiques d’austérité qui ont conduit à baisser la dépense publique, à baisser le budget de l’État. Au contraire, il faut augmenter la dépense publique pour le mettre au service de la jeunesse. C’est en ayant la jeunesse la mieux formée, la plus respectée, quelles que soient ses origines, son milieu familial, que nous arriverons aussi à répondre aux défis de notre pays.

Cette année encore, des milliers de candidats n’ont pas eu d’affectations sur Parcoursup ? Que penses-tu de la sélection à l’entrée de l’université? Quelles sont tes ambitions pour l’éducation ? 

C’est une des propositions que nous mettons en débat à travers ce pacte pour la jeunesse : revoir complètement le système éducatif français, qui privilégie de plus en plus la sélection et rompt l’égalité entre les jeunes. Nous voulons doubler le budget de l’éducation nationale comme celui de l’enseignement supérieur. Le budget de l’éducation nationale devra augmenter de 45% en 5 ans et celui de l’enseignement supérieur de 40%. Pour d’une part construire des universités, construire des écoles, des collèges et des lycées, et d’autre part embaucher des professeurs, des universitaires, afin de créer de meilleures conditions d’enseignement avec des classes allégées en nombre. Ce que nous proposons, c’est aussi d’allonger le temps passé à l’école, de l’uniformiser, pour créer les conditions que tout se passe à l’école, y compris les devoirs.

Au dernier trimestre 2020, 21.4% des jeunes actifs étaient au chômage, comment comptes-tu lutter contre ce fléau ? 

Il faut sortir de cette logique de jobs, de miettes qu’on distribue aux jeunes, de boulots précaires qui garantissent rien du tout si ce n’est la précarité et la galère. Il faut aujourd’hui un vrai revenu étudiant pour chacun lui permettant de faire ses études sans être obligé de travailler et s’il travaille, c’est son choix. 

Et ensuite concernant l’accès au travail et la formation : plus que des jobs les jeunes demandent de pouvoir travailler dans la profession pour laquelle ils ont étudié, obtenu des diplômes, ils demandent à être rémunérés, payés, en fonction de ces diplômes. C’est bien plus qu’un job, ils demandent à être respectés. C’est tout l’enjeu de ce pacte pour la jeunesse qui doit aller de pair avec un vaste projet de création d’emplois dans le pays, que ce soit dans le service public avec un plan de recrutement et de formation, ou que ce soit dans l’industrie qui doit être relocalisée. Il y a 1 million d’emplois à créer dans l’industrie pour répondre à nos besoins. Et il y a tous ces secteurs, comme celui de l’environnement où il y a de nombreux emplois à créer pour répondre au défi climatique. 

Les services civiques, ce n’est même pas 600 euros par mois. Il faut sortir de ces solutions qui maintiennent sous le seuil de pauvreté des jeunes sans jamais garantir l’autonomie, l’indépendance, la dignité. Il y a l’impossibilité pour eux de pouvoir fonder une famille, acheter une maison, avoir des enfants, emprunter. La seule solution, c’est de sécuriser leur parcours professionnel et ça va de pair avec des grandes réformes sociales.

Il y a des réformes importantes à mettre en œuvre telles que la retraite à 60 ans ou la réduction du temps de travail qui permettront de créer des emplois dans de nombreux secteurs, dans le public comme dans le privé. C’est en engageant ces grandes réformes, la réindustrialisation, le développement des services publics, que nous pourrons en l’espace de quelques années garantir à chaque jeune l’accès à un emploi correspondant à ses diplômes et avec le salaire correspondant. Ce ne sont pas des mesurettes, c’est un vrai projet de société !

Dans tes discours, tu parles de la construction de maison de la jeunesse partout sur le territoire, en quoi consisteront-elles ? 

Cette proposition s’inspire de ce que les élus communistes mettent en œuvre dans leur propre municipalité pour répondre à cette aspiration de la jeunesse de pouvoir s’occuper d’elle-même. C’est aussi une volonté des organisations de jeunesse que j’ai rencontré et qui demandent à bénéficier d’un véritable statut social, leur garantissant des droits liés à l’accès aux transports, au logement, à la culture, aux sports. Pour faire vivre ses droits, il faut y mettre les moyens, mais il faut aussi que les jeunes les construisent et qu’ils les fassent vivre. C’est pour ça que nous avons proposé cette maison de la jeunesse qui pourrait être animée, envahie, par les jeunes, leurs représentants, leurs organisations, avec les élus locaux, avec les représentants de l’État, pour véritablement garantir un statut social pour chaque jeune. Ce serait le lieu où un jeune dès 18 ans pourrait se rendre pour faire valoir ses droits et les faire vivre. C’est une institution nouvelle, c’est un changement profond. Et c’est une proposition que nous mettons en débat, qui doit être approfondie, enrichie, par les jeunes et les organisations eux-mêmes. Ce pacte doit être construit par les jeunes durant toute cette campagne. L’objectif, c’est que des centaines de milliers de jeunes s’en emparent pour le rendre incontournable dans le futur mandat quel que soit le président, quel que soit le gouvernement. 

Comment développer l’accès à la culture et au sport ?

C’est une question à travailler avec les intéressés eux-mêmes, parce que le débat est vif entre le pass culture tel que le propose le gouvernement (qui donne un chèque à utiliser, y compris en achetant sur Amazon des livres, et venir grossir le capital de Jeff Bezos qui n’en a pas besoin) et permettre la gratuité pour tous les jeunes, sans pass, dans les musées, dans les expositions ; avoir accès à des tarifs réduits dans les festivals, s’inscrire dans des activités sportives avec des licences dont le montant serait fixé en fonction du quotient familial… Ces propositions là je souhaite véritablement les mettre en débat avec les organisations de jeunesse pour qu’elles disent ce qu’elles veulent véritablement et j’entends que les débats sont contradictoires entre la volonté d’avoir un chèque et pouvoir en faire ce que l’on veut, et d’autres espaces de liberté pour se cultiver, faire du sport. Que le débat s’ouvre !

Comment comptes-tu construire ce pacte avec la jeunesse ? 

Dans les prochaines semaines, je proposerai à tous les jeunes de France, aux organisations de jeunesse, de s’emparer de ces propositions et de les mettre en débat, d’organiser des rencontres, des discussions entre jeunes, mais aussi avec eux des enseignants, des associations et des syndicats pour enrichir ses propositions et les faire grandir. Plus que ça je pense que cette campagne ne doit pas être qu’un temps de campagne électorale, ça doit être aussi un temps de luttes et il faut profiter pleinement de cette campagne pour faire grandir des revendications très fortes, telles que le revenu étudiant pour qu’il soit mis en place même avant l’échéance présidentielle et législative. Il y a des urgences auxquelles il faut répondre maintenant, donc cette campagne est un temps de lutte pour faire grandir des revendications et les inscrire dans la réalité.


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