La première dame ne devrait pas exister

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La première dame ne devrait pas exister

Élu président de la République dimanche, Emmanuel Macron devrait officialiser le statut de première dame de son épouse Brigitte, comme il s’y est engagé. Assurant qu’elle ne serait pas rémunérée, elle disposera comme les autres épouses de présidents, d’un cabinet à l’Élysée et d’un service de sécurité.

Première dame ce n’est pas naturel

Armelle Le Bras-Chopard dans son livre Première dame, second rôle affirme qu’il n’existe aujourd’hui aucun statut officiel, aucune existence politique de la première dame. Celle-ci ne peut pas représenter son mari ou diriger par interim. Elle précise ainsi que c’est ce qui différencie le régime républicain du régime monarchique.

Pourtant, dans une interview donnée à FranceTVInfo sur le 9 mai, elle indique :

« Avec la République, la vie publique et privée se sont clairement définies et séparées. La première dame a un statut privé et elle ne devrait pas avoir un rôle public naturel avant même l’élection. »

« Un rôle public naturel » Mais de quel rôle public naturel parle-t-on ? Ne serait-ce pas là le cœur du problème ?

Si personne ne nie la nécessité d’assurer la sécurité de l’épouse du Président de la République, la question de son rôle public et politique fait débat depuis des décennies. Quel droit de faire un tweet libre (en somme, de s’exprimer…) en contradiction avec les orientations politiques de son époux ?

Quelle légitimité à disposer d’un bureau et de collaborateurs et pour quelles missions si elle ne dispose vraiment pas d’existence politique ? Quelle pertinence à créer un statut officiel de première dame ?

Une première dame qui n’est pas élue

Si nous n’en savons que très peu sur ce futur statut, nous ne pouvons nier que chaque première dame a ainsi contribué à jouer les princesses Lady Di au travers de créations de fondations, d’engagements caritatifs ou de marrainages d’associations.

Quel est le problème ? On élit un Président, pas un couple. Or, tout porte à croire que la réalité d’aujourd’hui, au travers des souplesses juridiques actuelles et des arrangements traditionnels, donne un rôle monarchique à la Première Dame et de ce fait au Président de la République.

Femme de, même du président, n’est pas un mandat, pas une fonction, pas une élection. La France gagnerait à voir disparaître cette mascarade d’un autre temps consistant à accorder à la Première Dame un « rôle public naturel ».

Première dame une vision patriarcale

Essentialiser le rôle d’une femme au travers de la fonction de son époux est réactionnaire. L’empêcher de mener à bien sa propre existence, indépendamment de celle de son époux est réactionnaire. Considérer qu’elle doit s’occuper de charité, d’enfants et de malnutritions ou encore de sujets liés aux femmes est réactionnaire.

Les femmes ont toujours été assommées de prétendues vertus naturelles : la douceur, la discrétion, l’amour des enfants, le goût de la charité, le soin etc… Ces attributions patriarcales se retrouvent dans les fonctions courantes d’une Première Dame actuelle.

Si l’épouse du Président est Première Dame, de qui l’est-elle ? Du Président, du pays ou des femmes de ce pays ? Notre République a vocation à élire des représentants au plus haut niveau de l’État, dans un régime démocratique qui garantit le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple.

Or, s’il existe une Première Dame, cela signifie –t-il que le Président est le Premier Homme ? La verticalité absolue d’une telle représentation révèle l’ambiguïté rétrograde que fait planer ce statut de « femme de Président ».

Le rôle naturel des femmes est brandi comme une arme patriarcale qu’il s’agit encore de déconstruire. La République ne peut s’en servir de la sorte sans contribuer à la pérennité d’un machisme monarchique institutionnalisé.

Le rôle public naturel de Première Dame est une chimère réactionnaire qui survit donc grâce à l’alliance de deux symboles récalcitrants dans notre pays : le monarchisme et le patriarcat, intimement liés dans leurs représentations et hiérarchisations des rôles au sein d’un couple.


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