« Que m’est-il permis d’espérer », un camp de migrants à Paris

publié le dans
« Que m’est-il permis d’espérer », un camp de migrants à Paris

Le 30 mars est sorti le film documentaire Que m’est-il permis d’espérer de Vincent Gaullier et Raphaël Girardot. Presque l’entièreté des séquences sont tournées dans un camp de migrants, à Paris, porte de la Chapelle. C’est l’histoire de réfugiés éthiopiens, maliens, tchèques, afghans, érythréens et de tant d’autres qui passent quelques jours dans le centre de premier accueil où se mêlent humanité et solidarité. Avant de tomber face à la Préfecture et aux dures procédures administratives.

« Tu es Dublin ou normal ? »

C’est tout le « parcours du combattant » que nous suivons au travers de ce documentaire qui est dirigé par l’attente. L’attente d’avoir une place dans le camp, déjà. Le chemin se suit d’une manière précise et organisée : recensement du nom, du prénom, explication des différentes procédures en fonction des situations de chacun et, malgré la barrière de la langue qui se fait ressentir, la communication se fait par l’aide de tous. La visite médicale, aussi, si besoin en est. L’explication des procédures aux réfugiés conditionne toute la suite. 

Concrètement, soit il y a une procédure dite normale, soit il y a une procédure Dublin. Celle-ci signifie pour les réfugiés qui ont laissé leurs empreintes dans un autre pays avant d’arriver en France qu’ils seront transférés vers un centre spécifique et que l’État pourrait les renvoyer dans le pays ou ces empreintes ont été prises. Il y a aussi la procédure accélérée pour celles et ceux qui depuis 120 jours sont sur le territoire, mais n’ont pas encore fait de démarche.

Le documentaire montre tout ce que le camp peut porter d’humanité. Bien que dans l’attente, les réfugiés font connaissance, chacun se découvre, discute de son parcours, de son passé et de ses projets. Les retrouvailles entre compatriotes aussi. On joue aux cartes entre deux rendez-vous, on se parle de son pays d’origine, on s’entraide et régulièrement la question revient « Tu es Dublin ou normal ? ».

« Je ne suis pas un problème, je suis un réfugié »  

Sans naïveté, le film sait raconter la dureté des parcours. Beaucoup ont dû passer par la Libye et tous racontent le traumatisme qu’ils en gardent. C’est notamment le cas de Salomon, Éthiopien d’une cinquantaine d’années. 

« Je n’oublierai jamais, surtout pas la Libye. Je n’ai pas envie d’y penser, ça me stresse de penser à la Libye […] c’est un pays mauvais, les gens sont mauvais ». 

Lui, l’Éthiopien, préparateur en pharmacie, a dû fuir sa ville, car « un soldat peut arriver, tirer sur 4 ou 5 personnes. Personne ne le saura. ». C’est sans sa femme et son garçon qu’il est arrivé en France, ils se sont perdus durant la traversée. Mais c’est pourtant le regard empli d’espoir qu’il répète aimer son pays et vouloir la paix, la paix entre les peuples.

C’est aussi l’enfer du passage à la Préfecture et la frustration, parfois la colère après avoir reçu une froide sentence. Dublin ? Renvoi dans le pays où les empreintes ont été prises. Pour beaucoup, la police italienne s’est chargée de prendre leurs empreintes durant leur traversée avant de leur donner une obligation de quitter le territoire. Absurdités, encore et toujours, et volonté politique.

On ne peut que vous conseiller de voir ce documentaire. Un documentaire émouvant et instructif, tant il est en phase avec la réalité, une réalité que nous connaissons trop peu ou de manière abstraite et générale. C’est une ouverture vers le monde que nous proposent Vincent Gaullier et Raphaël Girardot dans leur manière de filmer. Une réalité faite d’entraide, de colère, de solidarité et de frustration


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques