Qui veut la peau de l’enseignement public ?

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Qui veut la peau de l’enseignement public ?

La réforme du bac et les Épreuves Communes du Contrôle Continu (E3C) qui se sont tenues cette année sont un crash-test pour bon nombre de lycéen.ne.s. 

Retrouvez le témoignage de Thais, lycéenne de Terminale S dans un lycée de Fougères en Ille-et-Vilaine. Ce témoignage a été rédigé à l’occasion d’un débat sur l’Éducation, “Qui veut la peau de l’enseignement public” en présence de Léon Deffontaines, Secrétaire Général du Mouvement des Jeunes Communistes de France.  Un débat organisé il y’a quelques semaines par le MJCF35 à la Fête de l’Avenir du PCF de Rennes Métropole. 

Des réformes éducatives successives. 

Depuis le début du quinquennat, le gouvernement a multiplié les réformes, tant au niveau social qu’au niveau éducatif. Dans l’Education Nationale, plusieurs réformes ont eu lieu  à commencer par celle d’APB, l’ancienne plateforme post-bac qui est devenue Parcoursup. Depuis peu, les lycéen.ne.s sont également impactés par la réforme du Baccalauréat de Blanquer, avec notamment au programme un contrôle continu nommé “les E3C” qui se déroule  dès la classe de Première. 

Cette réforme était soit disant une belle invention bienveillante et plus juste qui aurait permis aux élèves de choisir d’étudier les matières qui leur plaisent. C’est sur, dit comme ça, cette réforme fait rêver des milliers d’élèves mais la réalité en est toute autre. Cette réforme mène les élèves dès leur plus jeune âge à la concurrence, la pression constante et surtout à  l’angoisse.

Moi je me pose des questions sur  les réformes qu’ils construisent, eux qui n’ont jamais enseigné ou qui n’ont jamais été dans une classe sont-elles souhaitables ? Ou même réalisables ?

Les lycéen·ne·s, qui sont concerné.e.s par la  mise en place de la réforme n’ont même pas été consulté.e.s. Les parents, les élèves, les professeur·e·s répondent non à cette réforme qui n’est pas réalisable. Les mobilisations de bon nombre de lycées en France ont eu lieu lors de l’année scolaire 2018-2019, n’ont pas fait changer d’avis le gouvernement et la réforme est toujours en place, pour le malheur des élèves de Première cette année. Parlons-en de cette réforme et de ce qu’elle a engendré. 

Une réforme du bac profondément inégalitaire. 

La réforme du baccalauréat est censée permettre aux élèves de s’épanouir le plus possible en choisissant entre 12 spécialités. Cependant, tous les lycées ne peuvent pas accueillir toutes les spécialités. Certains en accueillent 5 alors que d’autres en accueillent 9. La  réforme c’est cela créer encore plus d’inégalités sociales selon le lieu de vie. Car pour eux, un élève habitant en campagne avec un petit lycée ne peut pas avoir les même choix, la même éducation, la même chance qu’un élève habitant en ville. C’est inacceptable, la réalité de cette réforme n’est pas celle de l’Égalité comme le prétend notre chère devise Liberté, Égalité, Fraternité. 

De plus, ce que le gouvernement ne dit pas aux lycéen·ne·s c’est que le choix de leurs spécialités qui font lors de leur année de Seconde, à 16 ans voir 15 ans est décisif pour leur avenir. Avec cette réforme, les lycéen·ne·s devront savoir très tôt, trop tôt les études supérieures qu’ils veulent faire et parfois même le métier car si leurs spécialités choisies en Seconde ne correspondent pas aux spécialités que demandent les écoles supérieures sur Parcoursup 2 ans plus tard, alors l’école n’acceptera pas l‘élève. 

Comment peut-on demander à des adolescent·e·s de 15 ans de savoir ce qu’ils veulent faire plus tard  alors que même des adultes changent de métiers tous les jours ou que certain.e.s actuellement en Terminale n’en ont aucune idée ?” 

Une réforme du baccalauréat  précipitée 

Parlons-en des élèves de Terminale qui sont la dernière année de l’ancien baccalauréat et qui  normalement ne devraient pas avoir de grands problèmes sauf si bien sûr ils redoublent. La question que se posent l’ensemble des terminales et des professeur·e·s de France en ce moment, comment cela se passe-t-il si un élève redouble ? 

Moi, je suis en terminale scientifique cette année et à ce propos je me pose beaucoup de questions auxquelles les professeur·e·s n’ont pas de réponses car le gouvernement n’a rien dit sur cela, montrant une fois de plus la précipitation de cette réforme. Si on redouble doit-on retourner en première et donc passer 2 années de plus au lycée ? Ou alors redouble-t-on juste notre terminale et dans ce cas là comment fait-on pour le contrôle continu car les épreuves se font en première ? Mais surtout va-t-on réussir à suivre le programme ?  Pour cause, les programmes ont changé donc de nouvelles choses ont été mises en place et des notions que normalement on voyait en terminale sont déjà abordées par les Premières. En plus de cela nos professeur·e·s ne nous rassurent pas car pour eux redoubler cette année est impossible donc, vont-ils donner le baccalauréat à tout le monde et par conséquent nous surnoter pour ne pas redoubler ? On le verra bien au mois de juillet lors des résultats du bac. 

Les lycéen.ne.s de Première, cobayes de la réforme. 

Revenons aux élèves actuellement en Première. Se sont les cobayes de cette réforme, ils et elles   en payent les frais comme lors de la première session des E3C qui s’est déroulée de fin janvier à début février 2020. Pour cause,  les programmes sont flous et aucuns sujets blancs n’a été créés par l’État pour que les professeur·e·s préparent au mieux leurs élèves à ce contrôle continu, alors que les E3C comptent pour 10 % de la note finale dans le baccalauréat. Le gouvernement ne se serait-il pas précipité à mettre en place cette réforme au détriment des lycéen·ne·s ? Bien sûr et les élèves en payent le prix fort.  

Des mobilisations réprimées et des conditions d’examen inacceptables. 

Partout dans le pays des mobilisations ont vu le jour pour empêcher la tenue de ces épreuves. La réponse donnée à été celle de la répression policière ou de la sanction administrative. 

A Rennes, les mouvements contestataires ont été tumultueux à cause de la présence des forces de l’ordre. Aux lycées Victor et Hélène Basch et Bréquigny, les épreuves des E3C ont été reprogrammées à l’improviste devant la stupéfaction des enseignant.e.s. Pour les élèves cela c’est traduit par un stress intense.  La situation est devenue complètement aberrante le jour de l’épreuve quand les élèves ont dû composer avec des CRS qui encerclaient tout le bâtiment. Il est clair que cela permet de mettre les élèves en confiance et les aide beaucoup à se concentrer. 

Les séries technologiques ont quant à elles passé ces épreuves dans des conditions inacceptables.  En effet, les élèves étaient entassés dans un self ainsi que dans un amphi avec une vue plongeante sur toutes les copies aux alentours. Les lycéen.ne.s ont également dû enchaîner les épreuves sans faire de pause. 

A Fougères, au contraire le calme et la bonne humeur étaient présentes, avec un stand de cafés et de gâteaux tenu par les professeur·e·s. L’ensemble des professeur·e·s qui devaient  surveiller les épreuves ont fait grève, eux aussi sont contre cette réforme. Cependant, même si les professeur·e·s étaient en grève, les épreuves ont quand même été maintenues, l’établissement a réquisitionné les agents administratifs pour les faire passer. 

Du côté des élèves, il n’y a pas  eu de boycott des épreuves, pas par défaitisme mais par peur de la sanction administrative. En effet, la semaine d’avant, le proviseur adjoint est passé dans toutes les classes pour avertir les élèves qu’en cas d’absences non justifiées ou non valables ce serait 0. De quoi faire augmenter le stress et l’angoisse chez  les élèves déjà soumis à de fortes inquiétudes dans la mesure où l’entraînement aux épreuves était insuffisant. Pourtant, le lycée, n’aurait jamais mis de 0 aux élèves pour ces épreuve de bac, l’administration ne tolère déjà pas les 0 donnés aux Terminales car cela entache le bulletin scolaire.    

En sortant des épreuves les réactions des élèves étaient mitigées. Certain.e.s étaient heureux·euses du sujet, d’autres dépité·e·s.  Le chapitre sur lequel l’évaluation portait n’avait pas été vue entièrement. Au lycée de Fougères les professeur·e·s se sont mis d’accord pour ne pas mettre des notes en dessous de la moyenne en voyant le désastre de ces E3C. 

Le constat est le même dans  beaucoup d’établissements du reste de la France, les E3C se sont  également très mal déroulées. 

Au lycée Max Linder en Gironde, la mise en place de ces épreuves ont surpris. Prévenir  le soir à 20 h les élèves que l’intégralité des épreuves d’E3C se tiendront le lendemain à 8 h c’est du jamais vu. Le pire c’était le jour des épreuves, les élèves étaient fouillé.e.s et devaient présenter leur convocation et passer entre 2 gendarmes mobiles.

La fin du caractère national du baccalauréat. 

Nous le voyons, la priorité de notre institution est donc de faire passer ces E3C coûte que coûte, y compris par la force et l’intimidation. Ces épreuves viennent créer de fortes inégalités entre lycéennes et lycéens. Où est l’égalité entre une ou un élève passant les E3C sur un sujet abordant des notions non étudiées et une ou un autre les ayants vues en classe ? Où est l’égalité lorsque certains établissements passent ces épreuves dans des conditions satisfaisantes quand d’autres seront entassés dans de petites salles de classes ? Avec les E3C, c’est la fin du caractère national du baccalauréat. 

C’est donc ça, la bienveillance tant prônée par l’éducation nationale, faire angoisser les élèves et les menacer pour qu’au final les professeur·e·s décident de surnoter les élèves parce que la réforme a été faite dans la précipitation.  

Certes une réforme de l’enseignement est nécessaire mais la réforme actuelle n’est pas acceptable. Nous devons continuer à nous battre pour notre avenir et celles des générations futures.


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