Le référendum d’initiative partagée, comment ça marche ?

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Le référendum d’initiative partagée, comment ça marche ?

La privatisation des aéroports de Paris (ADP) est contestée depuis plusieurs mois notamment par la CGT, le PCF, mais aussi la FI et le PS. Plus récemment, c’est devenu une revendication des gilets jaunes et la droite parlementaire s’y est (opportunément ?) mise également. Aujourd’hui, un référendum sur la question semble possible. Explications.

Le référendum d’initiative partagée, créé en 2008, possible depuis 2015

En 2008, un président de la République élu un an auparavant, avait décidé de marquer la constitution française de son passage. Nicolas Sarkozy avait pu mener à terme une révision constitutionnelle, Benalla était à l’époque trop jeune pour aller taper des manifestants un premier mai au nom de l’Elysée. Cette révision a notamment limité à deux le nombre de mandats consécutifs d’un président de la République, permis à celui-ci de s’exprimer devant le Parlement réuni en congrès. Le défenseur des droits est créé par cette révision, tout comme la question prioritaire de constitutionnalité qui permet à un justiciable de contester la constitutionnalité d’une loi dans un litige si celle-ci n’a pas été contrôlé a priori. Le rôle du Parlement est modifié, officiellement pour être renforcé, les langues régionales mentionnées et divers points de procédure législative modifiés. Enfin, l’article 11 est modifié pour faire de la place au référendum d’initiative partagée.

En décembre 2013, cinq ans plus tard et un nouveau président de la République. Les lois nécessaires à sa mise en œuvre sont adoptées et le décret qui va bien paraît lui un an en plus tard en décembre 2014 et entre en vigueur en février 2015. Près de 7 ans après la révision constitutionnelle qui l’a créé le référendum d’initiative partagé voit le jour. Encore quatre ans plus tard, pour la première fois la première condition à sa tenue est réunie.

Le référendum d’initiative partagée, une procédure difficile

Les conditions de mises en œuvre du référendum d’initiative partagée sont très dures à réunir. Il ne s’agit pas d’un référendum d’initiative populaire ou citoyenne. Non seulement un nombre conséquent de parlementaires doivent s’en saisir, mais en plus l’initiative leur appartient forcément. Pour commencer la procédure, il faut qu’un cinquième des parlementaires en fassent la demande. Aujourd’hui, on compte 925 parlementaires, 577 députés et 348 sénateurs, il en faut donc 185 d’entre eux pour débuter la procédure.

La proposition de loi ainsi soumise doit être contrôlée par le Conseil constitutionnel, outre les contrôles constitutionnels habituels, les sages vérifient le nombre de parlementaires à l’origine de la saisie, ainsi que la proposition n’a pas pour objet l’abrogation d’une loi promulguée depuis moins d’un an et ne porte pas sur un même sujet qu’une autre proposition de loi rejetée par référendum depuis moins de 2 ans. Enfin, la proposition de loi ne doit pas diminuer les ressources de l’Etat ou augmenter ses dépenses.

Une fois ces contrôles effectués, le ministère de l’Intérieur à la tâche d’organiser la collecte de signatures. Il faut en effet qu’un dixième du corps électoral signe une pétition pour que la proposition de loi soit examinée par les assemblées. Aujourd’hui, il faut donc réunir 4,7 millions de signatures, le délai est fixé à 9 mois pour cette collecte. Le nombre est énorme, mais pas impossible, en 1950 l’Appel de Stockholm contre l’arme nucléaire avait recueilli une quinzaine de millions de signatures en France lors d’une campagne menée par les militants communistes. Même une fois les signatures réunies, le référendum n’est pas garantie !

Si l’Assemblée nationale et le Sénat examinent la proposition de loi, le référendum ne peut être lancé quand bien même ces dernières la rejetteraient. Si dans un délai de six mois au moins une des chambres n’a pas examiné la proposition de loi, le président de la République doit la soumettre au référendum.

Une première saisie du référendum d’initiative partagée

Le nombre important de parlementaires requis n’a fait qu’aucune proposition de loi n’a jamais été soumise à cette procédure. La saisie par 248 parlementaires, communistes, républicains, socialistes et insoumis le 10 avril dernier est une première. Le 9 mai, le Conseil constitutionnel a déclaré la proposition de loi visant à faire d’ADP un service public conforme à la constitution et aux conditions du référendum d’initiative partagée. C’est donc désormais au ministère de l’Intérieur d’organiser la collecte des signatures. Une possibilité qui ne devrait être ouverte qu’après le scrutin européen. L’organisation de cette collecte est déjà en soit une immense défaite pour l’exécutif.

Pendant 9 mois, il y a fort à parier que la totalité de l’opposition sera unie dans cette collecte de signature et que le sujet occupera un bout important de l’actualité. Le mouvement des gilets jaunes n’a pas uniquement repris l’opposition à la privatisation d’ADP, il a également fortement porté le référendum d’initiative citoyenne. Pour l’exécutif, la période est donc la pire pour faire face à cette initiative. Il paraît très probable que le nombre de signatures requis soit atteint dans le délai de 9 mois voire avant.

Le Sénat, où la droite est majoritaire, ne devrait a priori pas examinée la proposition de loi pour forcer la tenue d’un référendum qui au plus tôt pourrait avoir lieu vers octobre 2020. D’ici là, le projet de privatisation d’ADP bien que voté (mais pas promulgué) devrait être mis en sommeil. Aujourd’hui la majorité présidentielle qui a longtemp fustigé le travail parlementaire se retrouve bien à la peine pour tenter d’expliquer que l’initiative est une atteinte… à la démocratie parlementaire. À l’inverse Fabien Gay, sénateur communiste de la Seine-Saint-Denis rappelait dans nos colonnes le scandale de la privatisation d’ADP et déclarait que “c’est le peuple qui doit avoir le dernier mot”.


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