Revenu universel d’activité, l’autre attaque contre la solidarité

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Revenu universel d’activité, l’autre attaque contre la solidarité

Après une réforme de l’assurance chômage au détriment des chômeurs, la baisse des APL et la réforme des retraites, le gouvernement planche sur une nouvelle attaque contre la solidarité nationale.

Le Revenu universel d’activité ?

Le revenu universel d’activité (RUA) est le nom donné par le gouvernement à son projet de fusion de différentes aides sociales. C’est la traduction politique au fameux « pognon de dingue » dénoncé par le président de la République. Le nom est toutefois trompeur, car il s’agira bien d’un revenu, il n’aura rien d’universel et ne concernera pas uniquement des personnes occupant ou en recherche d’une « activité ».

Pour l’instant, le flou persiste sur le contour exact de cette nouvelle aide sociale. Ce qui est certain c’est que le revenu de solidarité active (RSA) y sera fondu, tout comme la prime d’activité. L’allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droit serait également intégrée ainsi que l’allocation adulte handicapée. Pour les aides aux logements, c’est pour l’instant l’inconnu. Le minimum vieillesse y serait inclus sans qu’on sache quelle articulation il y aura avec la pension minimum pour carrière complète prévue par la réforme des retraites.

Les jeunes devraient y avoir droit, le secrétaire d’État à la jeunesse Gabriel Attal poussant en ce sens. Les bourses étudiantes n’y seraient toutefois pas intégrées.

Une aide sociale pour les gouverner toutes

Le gouvernement défend son projet en pointant du doigt la complexité des différentes aides actuelles. Ces dernières, fruits de lois différentes, aux temporalités et objectifs divers, manquent d’une certaine cohérence. Les conditions pour y prétendre se recoupent parfois, les montants peuvent être proches, les modes de calculs variés, etc. Autant d’éléments qui conduisent à rendre peu lisibles ces différents dispositifs. Ces dispositifs sont pour certains marqués par un fort taux de non-recours qui nuisent fortement à leur efficacité. De plus, ces différents dispositifs visant des publics particuliers, il existe toujours des situations où des individus se retrouvent exclus de la solidarité nationale, car ne correspondant à aucune situation prévue. C’est notamment le cas des jeunes, ni en emploi ni en formation, pour lesquels il n’existe pas d’aides sociales.

À travers leur fusion, l’exécutif vise donc à uniformiser le mode de calcul, notamment pour faire correspondre davantage ces aides aux revenus constatés les plus récents. L’ambition serait également d’éviter les situations de cumuls trop favorables, ou encore de contraindre les bénéficiaires à un accompagnement vers l’emploi. Ces aides seraient également conditionnées aux revenus du ménage. Intégrant la prime d’activité, ce revenu baisserait en cas de reprise d’un emploi sans disparaitre immédiatement et pourrait donc continuer à être perçu en complément d’un salaire.

Malgré la volonté d’un système plus lisible, le gouvernement ne semble pas pour l’instant proposer un système automatique où l’aide serait versée même sans être demandée.

Les problèmes posés

Le premier problème posé par une telle approche est la différence entre les différents publics ciblés. Les besoins d’un jeune déscolarisé, d’un adulte handicapé, d’un chômeur en fin de droit ou d’un retraité ne sont pas les mêmes. Pour les adultes handicapés, un grand nombre sont exclus du marché de l’emploi du fait du peu de postes adaptés ou d’un handicap trop important. Pour ces derniers, l’allocation adulte handicapé, n’est pas une aide transitoire vers une autre situation. La fusion dans le futur RUA n’a donc que peu de sens. D’une manière différente, le retraité n’a pas non plus vocation à aller vers l’emploi. Tant en termes de condition d’accès que de parcours d’accompagnement, il sera probablement impossible d’appliquer les mêmes règles à un jeune déscolarisé qu’à un chômeur en fin de droit.

Certaines aides se caractérisent par une volonté des pouvoirs publics de répondre à un besoin très spécifique. Le cas le plus emblématique est les aides aux logements. Ces dernières ont pour objectifs de venir au secours des locataires les plus modestes. C’est aujourd’hui l’aide sociale qui a le plus grand nombre de bénéficiaires. Elle a déjà subi plusieurs attaques depuis le début du quinquennat, une baisse de 5 €, une désindexation suivie d’un changement de la méthode de calcul. Son intégration à un RUA soulève d’importantes inquiétudes sur son maintien à son niveau actuel. Les conditions d’accès pourraient également se trouver durcies et privées des milliers d’allocataires actuels.

Le gouvernement promet que son projet ne sera pas l’occasion d’une baisse budgétaire et se ferait à moyens constants. Pourtant, la plus grande visibilité doit permettre de toucher davantage de bénéficiaires. Les jeunes devraient également pouvoir en bénéficier alors qu’ils en sont actuellement partiellement exclus. L’exécutif continue d’ignorer les différents acteurs associatifs de lutte contre la pauvreté et s’est contenté d’une concertation en ligne essentiellement composée de questions fermées et orientées.

Le projet de loi est attendu pour la seconde moitié de l’année 2020 et risque d’être l’occasion de découvrir une nouvelle attaque contre la solidarité nationale.


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