Sahara occidental : les étudiants veulent la paix et de véritables négociations

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Sahara occidental : les étudiants veulent la paix et de véritables négociations

La semaine dernière, Moulay Emhamed Brahim, secrétaire général de la Ligue des étudiants sahraouis UESARIO, était de visite à Paris. Dans cet entretien, accompagné de Brahim Mohamed-Sadel et Rachid Lehbib, président et vice-président de la Ligue en France, il présente la situation actuelle et les défis de la lutte pour l’autodétermination.

Pouvez-vous nous présenter l’UESARIO ?

L’UESARIO est une organisation de masse, politique et culturelle, qui joue un rôle important dans la lutte du peuple sahraoui pour l’autodétermination. Au plan intérieur, elle a pour objectif de former politiquement les futurs cadres de l’État sahraoui que sont les étudiants, en leur transmettant le projet et les objectifs du Front Polisario. Au plan international, les étudiants qui suivent un cursus à l’étranger sont les ambassadeurs des souffrances et des luttes de leur peuple, qu’ils diffusent par le biais de journaux et d’activités culturelles.

Le moment actuel est très important. Le 10 mai dernier, nous avons célébré les 45 ans de la fondation du Front Polisario, ce qui a été l’occasion de réaliser une évaluation de notre stratégie. Au début de la lutte, nous souffrions d’une absence complète de cadres et de spécialistes ; aujourd’hui ils sont des milliers à être formés ou en formation. Pour l’UESARIO, c’est donc un succès incontestable.

Néanmoins, les dangers sont nombreux dans l’Afrique du Nord et le Sahel, du fait des activités de groupes terroristes et de trafiquants de drogue (le Maroc est l’un des principaux producteurs de haschich au monde). Nous payons également le prix de la situation en Libye, au Mali ou en Mauritanie.

En 1984, l’admission de la RASD dans l’Organisation de l’unité africaine (devenue Union africain – UA) avait provoqué le départ du Maroc. Quels ont été les changements apportés par la réintégration de celui-ci en janvier 2017 ?

Le retour du Maroc dans l’UA a été précédé d’un grand débat, car même si la majorité des pays africains soutient la RASD, d’autres – notamment francophones – penchent plutôt du côté du royaume. Au final, pour pouvoir revenir dans l’UA, le Maroc a dû accepter la Charte de l’organisation. Celle-ci pose notamment deux principes : la reconnaissance de 55 États-membres et le respect des frontières issues post-indépendances. Or au moment des indépendances, Maroc et Sahara occidental étaient bel et bien deux entités séparées.

Bien sûr, depuis la réintégration, il y a eu un certain nombre de problèmes, le Maroc cherchant à faire avancer ses intérêts. Mais elle a surtout permis de reprendre un dialogue plus direct et l’UA a sensiblement augmenté son implication dans la recherche d’une solution diplomatique, avec notamment la nomination de l’ancien président mozambicain Joaquim Chissano comme envoyé spécial pour le Sahara occidental.

Qu’en est-il du rôle de l’Union européenne ?

La récente décision de la Cour de justice de l’UE de janvier dernier, d’invalider l’accord de pêche avec le Maroc pour « le Sahara-Occidental et les eaux adjacentes à celui-ci », car violant le droit à l’autodétermination, est une victoire pour nous. Elle réaffirme en effet que le territoire du Sahara occidental est différent de celui du Maroc, et met en évidence l’exploitation de nos ressources naturelles par des puissances étrangères au détriment de la population sahraouie, que le Front Polisatio dénonce depuis des années.

Néanmoins, certains pays comme la France, l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni cherchent à bloquer la décision de la CJUE, à la contourner en affirmant que ces accords seraient bénéfiques à la population des territoires sahraouis occupés. Sur la base de cet argument, ils promeuvent des négociations avec la « société civile ».

Le problème est que le Maroc mène depuis des années une politique de peuplement pour modifier la structure de la population des territoires occupés : aujourd’hui, 60 % des citoyens de ces régions sont d’origine marocaine. C’est pourquoi nous affirmons que les discussions doivent être menées avec le Front Polisario, représentant légitime du peuple sahraoui, et non avec une société civile forgée par les autorités marocaines.

Pour nous, la France est un grand pays, mais elle est malheureusement un obstacle à la paix du fait de son soutien inconditionnel au Maroc. Ceci provoque une grande frustration parmi le peuple sahraoui, qui attend des pressions de la communauté internationale pour faire évoluer la situation.

Face aux pressions pour relancer la guerre, les étudiants sahraouis veulent la paix et de véritables négociations, acceptables par les deux parties


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