A Saint-Denis front unitaire contre la privatisation d’ADP

publié le dans
A Saint-Denis front unitaire contre la privatisation d’ADP

A l’initiative du député communiste Stéphane Peu, les partisans du référendum contre la privatisation d’ADP se sont réunis à la bourse du travail de Saint-Denis mercredi dernier.

Une mobilisation inédite pour une initiative inédite

Malgré l’absence de compteur officiel, le nombre de soutiens recueillis pour un référendum contre la privatisation d’ADP dépasserait les 200 000 selon des décomptes militants. Un résultat encourageant étant donné l’absurde complexité du dépôt de soutien et l’ergonomie ridicule du site internet dédié. Un résultat toutefois encore loin des 4,7 millions nécessaires, une marche extrêmement haute à atteindre.

À l’initiative de Stéphane Peu, député de Seine-Saint-Denis, plusieurs dizaines de parlementaires de tous bords ont donné rendez-vous à la bourse du travail de Saint-Denis afin d’entamer une mobilisation citoyenne autour de cette collecte de soutiens et parvenir au seuil fatidique. Le meeting visait donc à transformer les signataires en ambassadeur de la cause, afin que chacun d’entre eux aille à la recherche de nouveaux soutiens. Le député communiste a salué la large unité derrière cette initiative qui regroupait des parlementaires communistes, socialistes, écologistes, mais aussi insoumis, et même deux parlementaires de droite issu des rangs de LR.

C’est la première fois que la procédure de référendum d’initiative partagé est enclenchée et le gouvernement, considérant la procédure dévoyée, a décidé de tout faire pour la faire échouer. La privatisation d’ADP est un non-sens absolu, permis uniquement par le poids écrasant des députés LREM à l’Assemblée nationale.

Une procédure de démocratie directe dénoncée par LREM

La procédure référendum apparaît donc comme une tentative de contournement de la démocratie représentative, un contournement rendu légitime par la faiblesse des débats. Toutefois, ça reste une interprétation restrictive de la constitution. Le politiste Patrick Weil, co-auteur d’une tribune dans le Monde était présent à Saint-Denis pour justement rappeler que l’article 3 de la constitution prévoit :

“La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.”

Deux formes de démocratie qui ne sont pas hiérarchisées et dont l’opposition n’a pas lieu d’être. Pour l’universitaire en cas de succès de la collecte de soutiens le Parlement sera contraint de proposer le référendum, même si la Constitution prévoit alors une ultime porte de sortie en cas de vote contre la proposition de loi par les deux chambres.

Un argumentaire fourni contre un “non-sens économique”

Olivier Faure, le Premier secrétaire du parti socialiste a pour sa part salué l’assistance d’un “chers amis, chers camarades, chers compagnons” saluant ainsi par ce dernier terme ses alliés de circonstances issus de la droite. Dénonçant le “non-sens économique” de la privatisation envisagée par le gouvernement, il a rappelé l’opposition de nombreux élus de droite en 2006 lors de la privatisation des autoroutes, dont celle de François Bayrou désormais soutien d’Emmanuel Macron et de ses politiques.

L’autre dirigeant de parti présent jeudi soir était Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français. Fortement applaudi, il s’est présenté avec sa casquette de député de la commission des finances pour rappeler en chiffres l’importance d’ADP. Premier groupe mondial dans son domaine, ADP est présent dans 13 pays et 22 aéroport et a reversé en 2018 122 millions d’euros de dividende à l’Etat. Soit quasiment la somme que l’Etat estime pouvoir percevoir du placement des fruits de la vente d’ADP. Pour le député du nord ADP, représente “plus qu’un bijou de famille”.

Gilles Carrez député Les Républicains du Val-de-Marne a lui pris la parole pour fustiger son ancien collègue Bruno Le Maire. Il a notamment rappelé son opposition en 2006 à la privatisation des autoroutes quand l’actuel ministre de l’Économie était alors membre du cabinet du premier ministre De Villepin à la manœuvre. Il a notamment rappelé son opposition en 2006 à la privatisation des autoroutes quand l’actuel ministre de l’Économie était alors membre du cabinet du Premier ministre De Villepin à la manœuvre. Il a par ailleurs souligné que la limitation du trafic à Orly ou le couvre-feu interdisant les vols après 23 h risquent de ne pas survivre à une privatisation.

L’emploi et les conditions de travail mis en avant

Pour Rachid Temal et François Pupponi, sénateur et député du Val-d’Oise ont eux rappelés le rôle d’employeur d’ADP et l’impact économique de la compagnie sur leur territoire. Rappelant les diverses initiatives pour employer les habitants, ils pointent eux aussi le risque de voir ces engagements disparaître dans le cadre d’une privatisation.

Chacun des intervenants a ainsi pris le soin d’apporter des arguments différents en faveur de la tenue du référendum contre la privatisation d’ADP. La salle applaudit chaudement chacune des interventions indépendamment de son étiquette politique. Une unité légèrement écornée par le député insoumis de la Seine-Saint-Denis Eric Coquerel qui (par amour de la provocation ?) a rappelé la position de son parti “ni union nationale ni union de la gauche”. Une position contradictoire avec son propos qui a comparé l’initiative au Front populaire et au Conseil national de la résistance.

Une intervention vite éclipsée par celle du secrétaire du syndicat CGT d’ADP, Daniel Bertone. En lutte depuis des mois contre la privatisation de son outil de travail, le syndicaliste a rappelé que le risque de privatisation pesait sur tous les salariés des entreprises publiques ou semi-publiques. Il a notamment souligné le caractère stratégique d’ADP dont plus de la moitié du trafic est international, ce qui fait de la plateforme aéroportuaire l’une des premières frontières du pays. Il a ensuite énoncé les propositions de son syndicat notamment la mise en place d’un statut national du travailleur aéroportuaire sous les applaudissements nourris de ces camarades venus avec gilets et drapeaux rouges.

Le meeting s’est terminé sur une intervention de Clémentine Autain, députée insoumise de Seine-Saint-Denis qui a appelé une dernière fois à mener le dur travail de recueil de soutien jusque “sur les plages et dans les boîtes de nuit”. Le lendemain matin Gérard Larcher, le président du Sénat déclarait son opposition au référendum sur RTL jetant une ombre sur la possibilité que le référendum ait lieu même en cas de recueil des signatures nécessaires.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques