SNCF : le gouvernement attaque les cheminots

publié le dans
SNCF : le gouvernement attaque les cheminots

L’ouverture à la concurrence du transport par rail, décidée à l’échelle de l’Union Européenne, sert de prétexte au gouvernement pour s’attaquer aux droits des travailleurs du rail. Le gouvernement a annoncé ce matin le recours à des ordonnances pour mener sa réforme.

Une charge du premier ministre contre la SNCF

Le premier ministre ne s’est pas embarrassé de grandes phrases ou de circonvolutions pour présenter sa réforme. D’emblée, Edouard Philippe a directement attaqué le coût supposé de la SNCF pour les finances publiques. L’idée a probablement été choisie avec soin, et grâce aux communicants de la République En Marche, elle revenait déjà régulièrement dans les médias ces derniers jours. La formule choisie par le chef du gouvernement pour la faire passer est terriblement efficace.

“Les français qu’ils prennent ou non le train, payent de plus en plus cher pour un service qui marche de moins en moins bien.”

Après la comparaison improbable entre la retraite d’un agriculteur et le statut de cheminot faite au salon de l’agriculture par Emmanuel Macron, son acolyte lui s’est lancé, à grand renfort de chiffres, dans la dénonciation des investissements dans les lignes à grande vitesse (LGV)  au détriment des “trajets du quotidien”.

Un réquisitoire absurde tant l’un n’exclut pas l’autre. Préférez-vous manger correctement tous les jours ou aller au restaurant ?

L’austérité étant une des boussoles de ce gouvernement, qui voit dans chaque euro de dépense publique des occasions de profits manquées pour leurs amis, Edouard Philippe a poussé le vice de la comparaison jusqu’à mettre en balance la subvention publique au rail par rapport aux budgets de la police et de la gendarmerie réunis…

Finalement, le chef de gouvernement arrivé à la fin de son réquisitoire contre l’entreprise publique ferroviaire, citant le rapport Spinetta, a souligné le différentiel de coût du transport par rail en France comparé à ailleurs en Europe. Un coût moyen qui donc tient aussi pour beaucoup au sens donné à l’infrastructure ferroviaire. Les pays ayant fait le choix d’une offre ferroviaire a minima avec le choix d’abandonner les lignes les moins rentables sera toujours inférieur. Un coût moyen qui ne tient pas compte non plus des normes de sécurité, de respect de l’environnement et surtout des conditions de travail.

Une réforme sous forme de pacte pour l’ouverture à la concurrence

Le chef du gouvernement se défend de faire de l’austérité et explique qu’il s’agit de sauver une entreprise qui serait au bord du gouffre. Pour expliquer comment un monopole public de la sixième puissance économique mondiale pourrait faire faillite, Edouard Philippe, peu inventif pour le coup, invoque la dette de la SNCF. Il se permet même de dénoncer les intérêts versés aux banques sur cette dette.

La réforme, pompeusement appelée “Nouveau Pacte Ferroviaire” comporte plusieurs points.

Le premier porte sur la forme juridique de la SNCF. Actuellement divisée en trois établissements publics, un pour le réseau, un pour les trains et un troisième pour chapeauter les deux autres. Le premier ministre a déclaré vouloir passer à une forme de société à capital public, qui selon lui est l’inverse d’une privatisation puisque les titres détenus par l’Etat sont incessibles. Du côté de la CGT cheminot le son de cloche est différent :

“En clair, le Gouvernement s’offre la possibilité d’ouvrir le capital et de privatiser la SNCF à court terme. C’est le scenario qui a été appliqué à Air France, EDF/GDF…”

Le deuxième point est la suppression du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés. Ces derniers seront donc soumis au droit commun afin que la SNCF soit compétitive vis à vis de ses futurs concurrents. A défaut d’avoir pu percevoir à quoi pouvait bien servir l’ouverture à la concurrence pour les usagers on commence déjà à voir ses effets sur les travailleurs.

Le troisième point est une restructuration de la SNCF, pour que celle-ci aille “au-delà des attentes des français”. Après avoir appelé dans la première partie de son discours à un recentrage des investissements sur les trajets du quotidien, on peine à voir la logique de cette restructuration. Edouard Philippe invite la SNCF à se “moderniser”, s’engager davantage dans le numérique pour devenir un “vrai opérateur de la mobilité du XXIe siècle”.

“Je demande donc à la direction de la SNCF de présenter avant l’été un projet stratégique d’entreprise, pour aligner ses coûts sur les standards européens, améliorer la polyvalence des métiers, mieux organiser le travail, former aux métiers de demain, renforcer la productivité industrielle, moderniser le dialogue social et mieux intégrer toutes les mobilités.”

Un dernier point sur la dette de la SNCF, la reprise attendue de cette dernière par l’Etat n’aura pas lieu en totalité. Le chef du gouvernement n’est pas rentré dans les détails se contentant d’avancer la fin du quinquennat comme échéance pour une action qui reste à déterminer. Ce qui ressemble fort à laisser couler, reproche qu’il faisait pourtant à ses prédécesseurs en ouverture de son discours. Cette dette qui impose une réforme urgente, n’est donc finalement pas considérée par cette réforme.

Sur la méthode, le gouvernement revient sur les ordonnances. Le désamour manifeste de l’exécutif pour les débats parlementaires et la volonté d’enterrer rapidement le débat pour éviter un conflit social ont une fois de plus tranché. A ce sujet le premier ministre s’est même permis de dénoncer les gens qui voudraient rentrer dans le débat “idéologique”.

La plupart des syndicats de cheminots ont appelé à une mobilisation le 22 mars qui coïnciderait avec la journée lancée par les syndicats de la fonction publique. La CFDT a de son côté lancé un appel à la grève le 12 mars.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques