Les start-up de l’économie collaborative, entre exploitation et illégalité

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Les start-up de l’économie collaborative, entre exploitation et illégalité

Défendu par plusieurs candidats dont Macron, les start-up de l’économie collaborative semblent davantage relever de la bulle spéculative que d’un nouveau modèle de développement. Hier soir encore ce dernier appelait par un sophisme à une plus grande libéralisation de l’économie.

Pourtant cet été la start-up Take It Easy, une entreprise de livraison de plats gastronomiques à domicile, s’est retrouvée en redressement judiciaire. Plus récemment, c’est la plateforme Heetch dont l’activité a été jugée illégale. Colosse au pied d’argile? Un peu … A travers ces exemples c’est un modèle de croissance boule de neige : tout en force et en rapidité. Et ce au mépris de formes de travail satisfaisantes.

Un modèle fondé sur l’exploitation

Les livreurs sont des auto-entrepreneurs, sans cotisations sociales ou contrôle du droit du travail. L’essor de ces starts-up est aussi souvent à la limite de la législation, comme le prouve les déboires juridiques entre Uber et les licenciés de taxis. Ces entreprises jouent au poker et en faisant “tapis” systématiquement. L’objectif est de mobiliser sur une courte période de développement un important capital financier afin d’assurer la croissance et la communication nécessaires à une situation de monopole sur le marché.

Cette croissance prime sur la rentabilité immédiat, qui elle est un pari financier. Dans l’exemple de Take It Easy, c’est l’échec d’une nouvelle levée de fonds qui a vu son existence profondément remise en cause. Les investisseurs n’ont pas été séduits par l’entreprise, concurrencée fortement par l’hégémonie rapace de Deliveroo, structure similaire de gastronomie à domicile. Dans le cas d’Uber, le monopole s’est construit, bien que quelques concurrents subsistent aux Etats-Unis. Idem pour Airbnb ou BlaBlaCar.

En réaction, comme on l’a vu sur le plan de la mobilisation corporatiste avec les taxis, un phénomène tout aussi exponentiel que la croissance de ces starts-up pourrait, à condition d’être structuré sous forme d’organisation coopérative, voir le jour : le regroupement de livreurs indépendants de plusieurs services pour négocier leurs conditions de travail face aux plateformes.

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Un modèle du tout ou rien au mépris des lois

Mais derrière ce mythe d’un développement révolutionnaire d’une économie capitaliste liftée par “l’ubérisation” de l’économie, la jungle concurrentielle laisse en fin de compte de nombreux laissés pour compte. Des livreurs aux restaurateurs, en passant par les salariés de Take It Easy par exemple, aucuns n’ont été payés depuis cet été.

Plus récemment dans le cas de Heetch, c’est une décision judiciaire qui a mit fin à son activité. La plateforme mettait en relation des chauffeurs non professionnels et des fêtards la nuit en Ile-de-France.  Depuis le jugement contre Uber POP, il était clair que l’activité était illégal. Pourtant Heetch a continué à faire fonctionner son application, engrangeant des profits sur la période. Et surtout incitant des travailleurs à l’illégalité.

Le discours du patronat habille l’instabilité et la précarité qui lui est liée en liberté et en modernité. Le CDI et le collectif de travail sont dénigrés, attaqués par des lois comme la loi Travail ou la loi dite Macron. Ce discours cherche à saper toute possibilité de projection ou de sécurité. C’est la mise en avant de l’auto-entrepreneur “malin”, le self made man qui navigue dans les débris du capitalisme frappé par la crise historique qui couve maintenant depuis bientôt 10 ans. De l’art du recyclage!

Plus globalement, c’est le modèle économique de ces structures qui interrogent. Profitant de flou juridique ou même carrément dans l’illégalité, elles font ainsi pression sur la législation. Non rentable, financé par des capitalistes, elles mettent dans l’illégalité des centaines de travailleurs pour espérer faire bouger les cadres et faire des profits. En attendant ceux qui prennent les risque légaux et financiers les plus élevés sont les travailleurs de ces structures.

Ces starts-up a croissance folle, ultra concurrentielles et à la législation floue sapent les conditions de travail tout en favorisant la constitution de nouvelles bulles financières.
Le CDI comme horizon dans le monde du travail n’est pas une relique has-been, mais la clé de voûte d’un système avantageux aux travailleurs, dans leur formation, leur évolution, leur rémunération ainsi que leurs droits sociaux.


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