Une bonne rentrée pour La Vie Scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir

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Une bonne rentrée pour La Vie Scolaire de Grand Corps Malade et Mehdi Idir

A la veille de la rentrée scolaire, Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade et Mehdi Idir nous ont livrés leur deuxième réalisation cinématographique en commun après Patients, sorti en 2017. 

Si le film précédent était ouvertement inspiré de l’histoire de Grand Corps Malade, cette fois-ci c’est davantage de l’histoire de son compère, également réalisateur de plusieurs de ses clips, que le film est tiré.

Pour réaliser au mieux ce deuxième projet, les deux dionysiens ont choisi de renforcer leur authenticité et sincérité habituelle en tournant le film dans un environnement qu’ils connaissent bien puisque c’est au collège, et dans le quartier des Francs-Moisins qu’ils ont posé leurs caméras.

Au-delà même du lieu et du décor, le casting regorge de jeunes de ce quartier, pour certains véritables révélations, appuyés par des noms plus familiers comme celui d’Alban Ivanov ou bien sûr de la comédienne Zita Hanrot.

Des clichés, plutôt évités

Pour être tout à fait honnête, aller voir un film de Grand Corps malade c’est un peu comme écouter un de ses morceaux. On sait qu’on s’expose à une bonne petite dose de clichés, arrosée d’un filet de sentimentalisme, mais qu’au fond, il faut lui reconnaître une véritable entièreté et une vraie qualité d’écriture.

Force est de constater que certains passages sont un peu trop grossis ou caricaturaux. Si c’est assumé concernant le prof d’EPS par exemple, ou pour le prof de musique en partie, il est presque gênant dans certaines scènes, comme le passage où les jeunes s’échangent des « vannes » racistes depuis la fenêtre.

Dans la liste des regrets, on note également quelques « grosses ficelles » qui donnent – au choix – une impression de bâclé ou une volonté de se concentrer sur le reste. On peut penser au parcours de la CPE, venue d’Ardèche, pleine d’ambition qui débarque dans un lycée de banlieue où elle y découvre les codes mais aussi la solitude et l’éloignement de ses proches et les difficultés du système. On peut penser la même chose du profil de son compagnon et de son histoire, peu développés et peut-être à juste titre, si le but était de rester centré sur le personnage de Samia et non sur celui d’une petite frappe dont l’aspect louche et manipulateur se ressent vite.

Et sans spoiler, il faut admettre que la fin, bien que soumise à plusieurs interprétations, nous préserve d’un classique happy-end redouté.

Bref, c’est grossier mais ça ne gâche pas l’ensemble.

Car en réalité l’ensemble est bon. Il est bon car il repose sur une articulation parfaite entre l’histoire fil rouge qui lie Yanis et Samia et la complémentarité de tous les personnages secondaires qui viennent étoffer avec justesse le tableau.

Des personnages réussis et bien incarnés

Yanis, parfaitement incarné par Liam Pierron, ne rêve pas d’être footballeur ou rappeur. Il ne rêve pas non plus d’être astronaute, plombier, banquier ou architecte.  C’est juste un jeune qui va voir son père au parloir dès qu’il peut et qui se retrouve confronté à des problèmes de son âge, mais pas que. Il y a dans le personnage de Yanis, l’insouciance et l’approche adolescente d’une partie de la vie, mais il y a aussi d’autres choses. Des problèmes de grands dans une tête d’ado. Le rôle qu’il joue pour sa mère, sa sœur, son meilleur ami Fodé, plus vieux que lui… Et des choix qui s’imposent, dont le principal, celui d’une orientation qu’on est obligé de choisir à la fin du collège et qui du coup, pousse à se demander à quoi on sert ? Pourquoi on est ici ? Pour accomplir quoi ? Comment se réaliser, tout simplement.

Projeté de manière prématurée dans ce carrefour de décisions à prendre, comme tous les jeunes de son âge, Yanis tente de le gérer mêlant une certaine maturité, un œil vif sur les dysfonctionnements d’un système scolaire qui ne lui laisse pas l’espace qu’il mérite et un œil méfiant sur les solutions moins conventionnelles pour s’en sortir. Au milieu, une dose mesurée de rêve l’anime encore. Son année scolaire se déroule donc au milieu de tous ces soucis et le spectateur ne peut que s’y prendre.

Samia, elle, est une CPE fraîchement diplômée, symbole de ces jeunes qui chaque année, par détermination, vocation ou parfois naïveté arrivent dans l’éducation nationale avec des ambitions très hautes pour chacune et chacun de leurs élèves. On y découvre à travers son personnage la réalité de métiers difficiles, rendus encore plus compliqués par le manque de moyens et d’ambition politique, d’autant plus dans des territoires comme celui choisi pour le film.

On y découvre aussi la réalité de ces métiers prenants, parfois au détriment de la vie personnelle, de la santé, et de ses propres aspirations à être utile.

Bien évidemment, on n’y voit pas tout et parfois les choses sont embellies, du moins bien racontées. Il faut pourtant reconnaître le talent des deux compères dyonisiens pour avoir réussi à jouer sur tous ces tableaux.

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Un film qui sent le vécu

Le film offre aussi un tableau drôle et humain de la réalité d’une vie scolaire et d’une équipe de surveillants. Rire de tout pour ne pas se laisser miner, s’attacher mais pas trop, définir la frontière alors qu’on est un adulte pas comme les autres dans le collège, être solidaire et en équipe pour s’épauler dans les galères, dans et en dehors du collège… Autant d’aspects mis en avant dans lesquels se retrouveront un bon nombre de personnes ayant déjà exercé la fonction. Avec une mention spéciale au personnage de Moussa qui – malgré la présence d’Alban Ivanov (pas toujours mis en valeur) au casting – a su incarner ce rôle à la perfection.

De manière générale, l’ensemble des personnages sont réussis, de Messaoud le prof de maths, droit et cynique à Issa le cancre qui s’accroche et en passant par le prof de musique un peu spécial qui arrive à cerner et approfondir la passion d’un élève, et pour finir le désormais culte Farid le mytho, les ingrédients sont là et la recette prend.

Enfin les plusieurs images en parallèle entre la vie des jeunes et celles des « adultes » qui les encadrent sont également bienvenues pour rajouter au message. Tout comme le plan final qui en dit long sur les  inégalités…

Une belle réussite pour Grand Corps Malade et Mehdi Idir qu’on espère retrouver vite à l’écran.


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