Une fausse crise migratoire pour une vraie crise d’humanité

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Une fausse crise migratoire pour une vraie crise d’humanité

Le mélodrame européen qui se joue actuellement ne fait suite à aucune situation nouvelle. Le nombre de traversées de la Méditerranée est en baisse, tout comme le nombre d’arrivées sur le territoire de l’Union Européenne, pourtant les politiques se durcissent.

L’absence de crise migratoire

Après le pic d’arrivées de réfugiés, notamment syriens en 2015, le nombre d’arrivées sur le territoire de l’Union Européenne n’a fait que baisser. En premier lieu avec les accords noués avec la Turquie, cette dernière en échange d’un soutien financier, décourage les départs depuis son territoire vers celui de l’UE. En second lieu avec des accords semblables, mais encore plus douteux moralement, avec les milices libyennes dont il est connu qu’elles pratiquent l’esclavage…

Selon les chiffres donnés par Frontex, l’agence de l’Union Européenne chargée des frontières extérieures, et repris par le Figaro, si en 2015 1,82 millions de passages illégaux avaient été comptabilisés, il n’y en avait plus que 204 734 en 2017 et les prévisions pour cette année font état de deux fois moins. La crise migratoire n’existe donc pas.

Une crise politique bien réelle

Les élections en Italie, en Allemagne, en Hongrie, en Autriche ou encore en France, ont en revanche vu, avec des configurations, des système politiques, et des histoires différentes, la montée de forces politiques ouvertement xénophobes. En Autriche et en Italie ces forces politiques sont même au gouvernement, tandis qu’en Hongrie, celà fait déjà quelques années qu’elles gouvernent.

Les règles européennes régissant les migrations sont particulièrement hypocrites. Le règlement de Dublin dans sa troisième version, impose aux candidats à l’asile de déposer leur demande dans le premier pays visité, ce qui de facto, ne fait reposer le devoir d’accueil que sur l’Espagne, l’Italie et la Grèce. L’Italie particulièrement exposée, demande une refonte de ces règles pour ne plus à avoir à assumer seule les arrivées sur ses côtes. Demande d’autant renforcée que la France bloque sa frontière aux migrants en transit.

C’est dans ce contexte que l’Italie a décidé de fermer ses ports aux bateaux qui portent secour aux migrants naufragés, en violation de toutes les règles internationales.

Si l’Allemagne avait en 2015 accepté un très grand nombre de demandes d’asile, la situation politique nouvelle avec le renouveau d’une extrême droite xénophobe a changé la donne. L’allié bavarois de Merkel, la CSU, qui craint pour sa majorité locale, exige un durcissement de la politique allemande, en bloquant notamment les arrivées de migrants “en transit”.

Si des divisions existent sur la méthode, il y a aujourd’hui un consensus au sein des pays membres de l’Union Européenne pour fermer les frontières extérieures aux candidats à l’asile. Aucun pays ne souhaitant s’engager à s’occuper particulièrement des migrants qui arrivent, chacun se renvoit la balle, et c’est dans ce concours d’inhumanité que se trouve la crise politique actuelle.

La honteuse position de la France

La France est elle sur une ligne dure depuis des années, en 2015, elle est très loin d’avoir pris sa part. Les différentes réformes sur l’immigration s’accumulent sans qu’aucune ne règle l’hypocrisie qui les fonde. En France, il est possible pour un candidat à l’asile de voir sa demande déboutée, tout en reconnaissant qu’il ne peut pas être expulsé vers son pays d’origine. Les différentes lois ont également conduit à criminaliser le migrant en toute inhumanité.

La ministre des affaires européennes Nathalie Loiseau, s’est même humiliée en cherchant à défendre la proposition française au niveau européen à propos des “centres” dans lesquels les bateaux de secours devraient pouvoir déposer les migrants secourus, la ministre a déclaré :

« Il ne s’agira pas de centres fermés, mais de centres d’où les migrants ne pourront pas sortir ».

La France porte également une application stricte du règlement de Dublin, les “dublinés”  sont régulièrement expulsés vers le pays d’arrivée, dans lequel ils ne formulent pourtant bien souvent pas de demande d’asile, ou en ont été déboutés. Sans même s’embarrasser de respecter le droit, la France a ainsi fermé ses frontières italiennes et espagnoles et procède à des refus d’entrée sur le territoire parfois en toute illégalité. Des refus de rentrée sur le territoire en forte augmentation et rendus possibles suite à la fermeture des frontières décidés après les attentats de novembre 2015. La France assume également le rôle inverse en retenant sur son territoire des migrants qui souhaitent se rendre à Calais, sans être à même de proposer une alternative humaine aux candidats à la traversée.

Si Emmanuel Macron, prétend au niveau de l’Union européenne incarner l’opposition aux gouvernements italiens et autrichiens, sa politique comme sa proposition de centres fermés ne l’éloigne pas tant que ça de ces derniers.

L’absurde et la tragédie

Ces politiques contre une crise migratoire qui n’existe pas, ne conduisent qu’à alimenter les discours les plus xénophobes. Ces mêmes discours que ces politiques prétendent désamorcer. En réalité, si la figure du migrant subit un tel rejet, c’est parce qu’elle est stigmatisée par de multiples lois qui tendent à le criminaliser.

Qu’importe que la majorité de l’immigration en France soit légale, qu’importe les tragédies auxquels conduisent ces politiques, le gouvernement ne semble avoir qu’une seule boussole. Alimenter toujours et encore les discours les plus haineux. Les cadavres révélés par la fonte des neiges dans les Alpes, ou ceux qui viennent s’échouer sur les plages de Méditerranée ne semblent pas atteindre nos dirigeants politiques.

Aujourd’hui, les politiques migratoires européennes, ne sont que tragédies et absurdités. L’indignité et l’inhumanité ont remplacé l’égalité et la fraternité. La liberté n’est invoquée que sous forme de privation, comme en témoigne la hausse impressionnante de détentions de mineurs, accompagnés ou isolés. Aujourd’hui ce n’est pas une crise migratoire à laquelle la France est confrontée mais une crise d’humanité.


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