Une tradition française : l’accueil et le droit du sol

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Le droit du sol — jus soli — est empreint d’histoire, empreint de luttes, de contradictions, de pas en avant et de reculades. 

Sujet aussi sensible que compliqué, mêlé de luttes politiques et sociales, ancré dans les rapports de forces des différentes époques de notre pays. Les débats relevant de la nationalité puis de la citoyenneté ont très vite été déterminants.

De quoi parle-t-on ?

Si la nationalité fait office de lien juridique (entre autres choses) entre un Homme et un État, elle est aussi le reflet d’intérêts et de rapports de forces.

Dans la vaste période qu’est le moyen-âge, le droit du sol est en vigueur pour des raisons structurelles. Les individus sont des sujets de celui qui possède la terre où ils naissent. 

C’est par la question de l’héritage que vient la notion de conditionnalité du statut de Français. 

Alors qu’au début du XVIe siècle il est nécessaire d’être né d’un parent français, sur le sol français et d’y habiter, très vite, ces conditions se suffisent à elles-mêmes bien que non simultanément réunies. C’est en 1515 que l’on note ce tournant majeur, avec l’élargissement du Royaume au sortir de la bataille de Marignan. François Ier, par sa volonté d’unification et d’affirmation du pouvoir royal, introduit ce droit du sol.

« À la veille de la Révolution, le jus sanguinis (droit du sang) et le jus soli se combinent avec le domicile : est Français celui qui, né de parents étrangers, manifeste son intention de se fixer définitivement dans le royaume ; est Français celui qui, né hors de France de parents français, revient dans le royaume pour s’y installer définitivement. »

La Révolution

Avec la Révolution, la notion de nationalité se combine rapidement à la notion de citoyenneté. Autrefois régnicoles (habitant naturels du Royaume), les individus deviennent des nationaux, par conséquent habitants d’un royaume, d’un État, mais aussi d’une nation. L’œuvre révolutionnaire fait des Français des citoyens, non plus des sujets.  

Précédent la 1re République, la Monarchie constitutionnelle fait du Roi de France le Roi des Français. Il s’agit alors de s’accorder sur cette notion de Français. Le 24 décembre 1789 apparaît un décret qui déclare les non-catholiques admissibles à tous les emplois civils et militaires.

Il faut souligner l’important précédent qu’a constitué la Révolution française et la naissance de la République en cette matière. Précédent qui devrait renforcer aujourd’hui la France dans sa tradition d’accueil. L’article 4 de la constitution de 1793 stipule :

« Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; — Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année – Y vit de son travail – Ou acquiert une propriété – Ou épouse une Française – Ou adopte un enfant – Ou nourrit un vieillard — ; — Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité – Est admis à l’exercice des Droits de citoyen français. » 

Concept apparu dans la France monarchique et moyenâgeuse pour des intérêts bien particuliers, repris par les premiers Républicains comme idéal du vivre-ensemble avec l’intérêt général pour dénominatif commun.

Cette question n’a jamais pu être mise sous le tapis. C’est y compris le cas pour le gouvernement actuel, qui, par la voix de Gérald Darmanin, semble d’ores-et-déjà se placer dans le camp des reculades et non des avancées en cette matière.


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