80ᵉ anniversaire du droit de vote des femmes 

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80ᵉ anniversaire du droit de vote des femmes 

On célébrait cette semaine le 80ᵉ anniversaire du droit de vote des femmes. L’occasion de rappeler que ce droit, qui semble naturel à certains, est le fruit d’un long combat.

En janvier 1944, alors que la Deuxième Guerre mondiale n’est pas encore terminée, l’Assemblée consultative provisoire d’Alger ouvre les débats concernant l’organisation future des pouvoirs publics en France. Le 21 avril 1944, l’article 17 de l’ordonnance du Comité français de la libération nationale accorde enfin le droit de vote aux Françaises. 

Si dans de nombreuses mémoires ce droit de vote a été prononcé par le général de Gaulle au moment de la réorganisation des pouvoirs publics de la France libre et en remerciement des actions menées par les femmes au sein de la Résistance, l’histoire est un peu plus complexe. En réalité, cette victoire est arrachée après plus d’un siècle de lutte acharnée.

Un peu d’histoire

L’une des premières Françaises à se saisir du sujet est Olympe de Gouges, qui exige l’égalité des droits dès 1791 dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Elle écrira “La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune”.

En 1848, le suffrage universel est instauré. “Universel”, mais réservé aux hommes, les femmes en sont encore exclues. Selon le modèle familial de l’époque, l’homme est chef de famille et s’occupe de toutes les obligations extérieures. Il est impensable que la femme, vouée au foyer et aux enfants, puisse avoir un avis différent de celui de son mari.

Si entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, l’action des suffragettes britanniques a beaucoup marqué la mémoire collective, en France, de nouvelles figures féministes élèvent également la voix. En 1848, Jeanne Deroin, ouvrière féministe et socialiste, devient porte-parole de la cause des femmes et fonde avec Désirée Gay le journal La Politique des Femmes qui deviendra L’Opinion des Femmes. Son action la plus remarquée sera sa candidature aux élections législatives du 13 mai 1849. Elle mène campagne en déclarant que “la cause du peuple et la cause des femmes sont intimement liées”. Sans surprise, sa candidature est refusée. De nombreuses caricatures seront produites, se moquant de ces “femmes qui veulent devenir des hommes”. Finalement arrêtée et incarcérée, elle s’exilera en Angleterre après sa détention et continuera de militer.

En 1876, Hubertine Auclert, journaliste, écrivaine et activiste, donne un visage original au féminisme. Elle fonde une association et un journal et intervient dans les mairies pour mettre en garde les femmes contre les articles du Code Civil qui les desservent. Puisque les femmes ne comptent toujours pas en politique, elle refuse de se faire recenser et de payer ses impôts.

Lors de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes, en 1910, la militante allemande Clara Zetkin propose l’instauration d’une “Journée internationale des femmes”. Cette manifestation annuelle doit permettre de militer pour le droit de vote et l’égalité entre les sexes partout dans le monde. Elle deviendra la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

L’immobilisme du Sénat

Une première proposition de loi sur le vote des femmes est déposée en France en 1901, mais le projet n’ira pas plus loin. Après la Première Guerre mondiale, de nombreux pays octroient le droit de vote aux femmes. En 1919, pour la première fois, les députés français votent pour le suffrage féminin. Au total, sous la IIIe République, ils se prononceront six fois en faveur du droit de vote des femmes. Le Sénat, plus conservateur, enterrera systématiquement cette réforme, assurant que ce nouveau corps électoral serait trop dangereux pour la République.

Les initiatives féministes ne s’essoufflent pas pour autant. Dans les années 1920, le Parti communiste français a présenté des femmes en position éligible aux élections municipales parmi lesquelles Marguerite Chapon ou Joséphine Pencalet. Ces élections sont massivement annulées par les préfets et rejetées par le Conseil d’État le 29 janvier 1926. 

À la tête du Front populaire, Léon Blum nomme en 1936 trois femmes sous-secrétaires d’Etat : Cécile Brunschvicg, Irène Joliot-Curie et Suzanne Lacore. Bien qu’aucune d’entre elles ne prit la parole dans l’hémicycle, ces nominations ont une forte portée symbolique.

Une victoire communiste

C’est à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale que les débats s’accélèrent. Alors qu’en janvier 1944, on discute de la future organisation des pouvoirs publics français, le délégué communiste Fernand Grenier avance la question du droit de vote des femmes. L’Assemblée est réticente et dans le projet d’ordonnance du mois de mars, on lit simplement “Les femmes sont élitistes”. Le délégué communiste devra résister et le terme “électrices” sera finalement inscrit dans le texte final proposé le 21 avril. Cette victoire est donc le fruit d’une lente évolution des mœurs et du combat de nombreuses figures féministes et communistes. L’accorder uniquement au général de Gaulle revient à invisibiliser le combat de centaines de femmes. D’ailleurs, deux ans après avoir accordé le droit de vote aux femmes, il nous offrait cette célèbre et méprisante réplique : “Un ministère de la Condition féminine ? Et pourquoi pas un secrétariat au Tricot ?”.

Bien que le droit de vote des femmes ne soit pas menacé en France, nous devons continuer de lutter pour obtenir une réelle parité. Récemment, nous avons connu une Première ministre avec Elisabeth Borne et Yaël Braun-Pivet a été la première femme présidente de l’Assemblée nationale. Néanmoins, sur quatorze ministres, tous les ministères régaliens sont aujourd’hui occupés par des hommes.


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