Agression russe : l’épineuse question des sanctions

publié le dans
Agression russe : l’épineuse question des sanctions

Comment amener Poutine à un cessez-le-feu et un retrait de son armée, sans pénaliser les peuples ?

Depuis le 24 février 2022, une offensive russe se déchaîne en Ukraine. En violation totale du droit international, la Russie a décidé d’envahir le territoire ukrainien, afin d’en chasser le gouvernement et de le remplacer par un autre plus favorable à ses intérêts. Les raisons de l’intervention russe sont multiples et complexes. Mais cette violation unilatérale du droit international appelle à une réaction de la communauté internationale.

Des voix s’élèvent en France et en Occident réclamant le renforcement des sanctions contre la Russie. Plusieurs mesures fortes, comme l’exclusion des banques russes du système Swift, la saisie des biens des oligarques, ou encore le boycott des produits venant de Russie sont mis sur la table. Pour les défenseurs de ces mesures, seules des sanctions massives seront à même de faire plier Vladimir Poutine. Cependant, la question des sanctions économiques contre un pays ne respectant pas le droit international reste un sujet controversé.

Quelle efficacité ?

C’est d’abord l’efficacité des sanctions en général qui est contestée. Peut-on citer un régime qui se soit effondré du fait des sanctions économiques à son encontre ? Ni l’Irak, ni Cuba, ni la Corée du Nord, ni l’Iran, ni la Syrie, ni le Venezuela n’ont vu leur régime s’effondrer du fait des mesures économiques à leur encontre. Ces dernières ont au contraire eu tendance à souder les populations derrière leurs dirigeants. 

Dans le cas de la Russie, on peut légitimement s’interroger sur l’impact réel des sanctions européennes. Le pays a, en effet, mis en place un système Swift alternatif avec la Chine pour briser le monopole occidental sur les transactions financières. La construction d’un second gazoduc reliant la Chine et la Russie, capable de transporter 50 milliards de mètres cubes de gaz par an, a été annoncée le 2 mars. Ce deuxième gazoduc a clairement pour objectif de pouvoir contourner le boycott européen. L’État russe a également fait des réserves considérables d’or afin d’accroître sa résilience.

Quel ciblage ?

De plus, les sanctions risquent d’affecter davantage certains pays européens que la Russie. On peut songer à la Pologne et à l’Allemagne, très dépendantes du gaz russe, ou encore à plusieurs banques allemandes qui se voient pénalisées par l’exclusion des banques russes du système Swift. Les travailleurs européens risquent enfin de voir leur facture de gaz augmenter de manière dramatique.

Des sanctions économiques massives ont malgré tout des conséquences sur l’économie et la société russe. Quand bien même cette dernière a développé une certaine résilience. Mais les conséquences économiques et sociales sont principalement supportées par les classes populaires russes. En Iran, les sanctions américaines ont considérablement dégradé les conditions de vie des travailleurs iraniens. On se souvient également des sanctions imposées contre l’Irak de Saddam Hussein, qui ont provoqué la mort de 500 000 enfants irakiens. Avons-nous véritablement envie d’imposer la même chose aux Russes ?

Enfin, les sanctions massives contre un État renforcent les logiques de blocs. Plus nous sanctionnons les Russes, plus nous les poussons à constituer un bloc hermétique aux côtés des Chinois et des Iraniens. On se souvient que cette logique de blocs est une des causes du déclenchement de la Première Guerre mondiale.

Vers un retour de la diplomatie ?

Si des sanctions économiques doivent être prises contre la Russie, il est important que ces dernières soient ciblées, afin d’affecter le moins possible les classes populaires. Cibler les oligarques semble en revanche être une idée intéressante. L’oligarchie étant l’un des piliers du régime russe, des saisies de leurs villas, de leurs yachts, voire la fermeture de certains de leurs comptes bancaires, permettent de faire pression sur Vladimir Poutine en épargnant les travailleurs russes.

Il est également important d’insister qu’en déclenchant cette guerre, Vladimir Poutine s’est mis dans une situation délicate. Occuper un pays étranger, même pour une armée aussi puissante que l’armée russe, est coûteux en hommes et en matériel. La forte résistance de l’armée ukrainienne donne déjà une idée du degré de rejet de l’invasion russe par les Ukrainiens. Il semble également que les populations russophones de Kharkiv et de Marioupol aient considéré cette invasion comme une trahison de la Russie. L’armée russe risque donc de s’enliser en territoires ukrainiens pour plusieurs années.

Je conclurais toutefois en insistant sur la nécessité d’un retour de la diplomatie. Si des sanctions ciblées peuvent faire mal au pouvoir russe, seuls un cessez-le-feu et le retour du dialogue permettront d’obtenir une paix juste et durable en Ukraine et en Europe. Quelle place pour l’Ukraine entre l’Union européenne et la Russie ? Comment réconcilier les populations du Donbass avec celles de l’ouest de l’Ukraine ? Quelle sécurité collective mettre en place en Europe ? Voilà les questions auxquelles nos gouvernants doivent apporter une réponse si nous voulons le retour de la paix en Europe.


Édition hebdomadaire

Mêmes rubriques