La difficile émancipation des femmes des quartiers populaires 

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La difficile émancipation des femmes des quartiers populaires 

Que ce soit dans le domaine de l’emploi, du logement, de l’accès à la culture ou aux infrastructures publiques, les femmes des quartiers populaires subissent une double peine. Régulièrement invisibilisées ou instrumentalisées, elles évoluent dans un milieu dominé par la précarité et le patriarcat, et laissé tombé par l’État. 

En 1925, elles sont pourtant les premières à être élues maires de banlieues parisiennes, à l’initiative du PCF, alors même qu’elles n’ont pas le droit de vote. Souvent en premier rang des luttes sociales dans un milieu qui leur est hostile, qu’en est-il de leur situation aujourd’hui ? 

Des facteurs compliquant l’insertion dans la vie active 

Malgré leur meilleure réussite scolaire, six femmes sur dix sont sans emploi dans les banlieues, contre quatre sur dix dans les villes environnantes. Cependant, sur les quatre femmes sur dix qui travaillent, 40 % le font en temps partiel. Pour la moitié d’entre elles, ce temps partiel est subi, faute d’avoir trouvé un emploi à temps plein. Pour les autres, la charge mentale et la garde des enfants pèsent également lourd dans la balance. Un quart des familles des quartiers prioritaires sont monoparentales, et dans 9 cas sur 10, ce sont les femmes qui assument la garde des enfants. Cette situation isole les femmes et ne leur permet pas d’envisager une vie en dehors du quartier. 

Par et pour les hommes 

La difficulté pour ces femmes de s’émanciper s’inscrit aussi dans l’urbanisme et les infrastructures. On estime que 75 % des budgets publics consacrés aux loisirs sont alloués à des activités plutôt genrées au masculin, excluant dès le plus jeune âge les femmes de l’espace public, comme les terrains de sport. Malgré une politique de « gender budgeting » menée depuis les années 2010 pour faire face à cette problématique, la situation peine à évoluer. 

La forte occupation de l’espace public par les hommes a poussé les femmes à s’organiser afin d’intégrer les lieux de socialisation difficile d’accès. Depuis plus de dix ans, le collectif « Place aux Femmes » se réapproprie les terrasses de cafés en groupe dans la ville d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis. C’est un exemple d’organisation autonome réussie permettant une émancipation et une socialisation. 

L’absence de services publics pour assurer la sécurité des femmes 

La difficulté pour les femmes de s’émanciper économiquement les rend plus vulnérables aux violences sexistes. Pourtant, les services publics assurant leur protection sont souvent absents. C’est souvent par les manifestations ou les événements médiatiques que les femmes victimes réussissent à obtenir une voix. 

Certaines mairies, comme celle de Nanterre (Hauts-de-Seine), montrent l’exemple, avec l’ouverture de La Maison des Femmes, un espace dédié à la prévention et l’accompagnement des femmes victimes de violence. 

En bref, l’émancipation des femmes des quartiers populaires est un enjeu social, économique, culturel qui mérite des projets ambitieux de la part des institutions publiques, mais ce manquement n’empêche pas les femmes de s’organiser entre elles pour réclamer leurs droits. 


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