Plan eau : « Pour éviter les tensions et les conflits, la solidarité, la coopération et la planification »

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Plan eau : « Pour éviter les tensions et les conflits, la solidarité, la coopération et la planification »

Face aux effets destructeurs du changement climatique et à la raréfaction manifeste de ce que nous nommons aujourd’hui l’« or bleu », Robin Salecroix, militant communiste et vice-président de la métropole de Nantes, chargé des questions de l’eau et de la grande précarité, explique les lignes de son mandat d’élu entamé en 2020.

Pourquoi avoir voulu prendre en charge les dossiers concernant l’eau et quels ont été les obstacles que tu as pu rencontrer durant ce début de mandat ?

Robin Salecroix : Personnellement, je parlerais davantage de défis que d’obstacles. D’abord, la majorité nantaise rassemblant socialistes, écologistes et communistes avait à cœur de maintenir un service public de l’eau efficace et proche de la population, surtout face aux attaques menées contre lui par les politiques néo-libérales.

Un autre défi tenait à la nature même de la métropole nantaise. En effet, notre ville est d’abord une ville estuarienne où les enjeux propres à l’eau sont particulièrement importants pour les populations comme pour les activités économiques. 

Notre action devait donc tendre à la sauvegarde d’une ressource menacée à la fois par le réchauffement climatique, mais aussi par la pression démographique réelle qui existe sur notre territoire. À ces deux défis répondait aussi pour nous une exigence sociale, celle de permettre l’égal accès de tous aux ressources en eau.

Finalement, que les communistes prennent en charge la question de l’eau a été dans la continuité des mandats précédents où notre travail aux côtés de la présidente de la métropole a créé une vraie confiance.

À l’heure du changement climatique et de la raréfaction des ressources en eau, quels sont les outils des collectivités territoriales pour s’engager et travailler sur la question ?

Les collectivités territoriales ont un rôle central, car elles planifient l’action locale sur le territoire. Leur premier outil est le budget. J’ai ainsi obtenu le doublement du budget d’investissement alloué aux politiques de l’eau qui est passé de 200 millions d’euros à 400 sur la durée du mandat ainsi qu’un renforcement des effectifs. Ce budget nous permet de réfléchir et de développer des moyens. D’une part d’économiser l’eau et d’autre part de la rendre accessible au plus grand nombre. 

En France, les taux de rendement des circuits d’eau potable sont de l’ordre de 70 à 79 %. Autrement dit, presque un cinquième de l’eau potable retourne à la nature sans passer par le consommateur. L’action des collectivités doit aussi être de permettre la mise en place de systèmes hydroéconomes, car la situation ne nous évitera pas de totalement revoir la manière dont nous consommons notre eau. Et les municipalités et métropoles sont aussi concernées par cette nécessité de l’économie, par exemple en construisant avec les techniciens les mutations nécessaires de leurs services publics comme l’illustre par exemple la mise en place de nouveaux modèles de nettoyage des rues qui se fait souvent à grandes eaux après l’accueil d’événements. 

Les élus locaux, assistés des équipes techniques, ont aussi une lourde responsabilité, celle de sensibiliser les citoyens à un usage économe de l’eau. Elle n’est pas une ressource infinie ! Ce travail doit être un effort quotidien de notre part.

Emmanuel Macron a annoncé le 30 mars dernier un vaste chantier qu’il a lui-même appelé « plan  eau » afin de faire face aux futures sécheresses et encadrer la consommation de l’eau. Ce plan a-t-il tout pour être efficace ?

Le projet a au moins un mérite, c’est celui d’exister. Il témoigne bien que la prise de conscience des problématiques liées à l’eau est en train d’infuser jusqu’au sommet de l’État.

Mais les élus locaux, et de tous bords politiques, sont très vigilants face aux annonces faites par le Président. Nous craignons que le « plan eau » ne se transforme rapidement en « plan com’ eau ». 

Le projet ébauché se heurte tout d’abord à un mur d’investissement extrêmement important : Emmanuel Macron propose une enveloppe de plusieurs millions d’euros là où ce sont plusieurs milliards qui sont requis pour faire face efficacement à la crise qui approche. 

Si certaines mesures vont dans le bon sens comme la réduction des ponctions aux agences de l’eau qui cassaient la participation directe de l’impôt des citoyens à leur politique publique de l’eau, les absences et les manquements du projet sont trop nombreux pour être satisfaisants.

Sans oublier que les gouvernements Macron successifs ont mené des politiques mortifères à l’encontre des collectivités territoriales en réduisant drastiquement leurs budgets ou en refusant de les protéger face à la hausse des coûts de l’énergie. Cette hausse a particulièrement handicapé les services de gestion de l’eau, très gourmands en énergie. De plus, en s’attaquant à la fonction publique territoriale, le gouvernement a considérablement affaibli les capacités de recrutement des collectivités qui ont besoin de ces métiers hautement qualifiés et très divers des services de l’eau.

Le gouvernement reste enfermé dans les mantras magiques et les mesures écologiques hors-sol. Il propose par exemple la tarification progressive de l’eau qui repose sur la consommation du foyer. Mais cela conduirait à ce qu’un couple de retraités vivant quatre mois au Portugal paie son eau moins chère qu’un foyer résidant de manière permanente dans les quartiers populaires de notre ville. C’est à côté de la plaque.

Les affrontements entre militants et forces de l’ordre à Sainte-Soline ont défrayé la chronique. Au-delà du projet lui-même des mégabassines, l’eau est-elle en train de devenir en France un motif de violence comme elle l’est dans de nombreux pays de l’hémisphère Sud ?

La raréfaction des ressources en eau est clairement en voie de devenir un sujet de tensions sociales. La première chose à avoir en tête est la nécessité que nous aurons de nous adapter car les décennies à venir seront très difficiles et que l’eau ne coulera plus du robinet comme avant.

Pour éviter les tensions et les conflits, je vois pour ma part trois fondamentaux : la solidarité, la coopération et la planification. 

Ce qu’il nous faut, c’est une gouvernance démocratique de nos services publics qui soit à même de répondre aux exigences de la population. Ensuite, il nous faut développer la coopération entre les différents acteurs, de l’État jusqu’aux élus locaux. En cela, les collectivités territoriales sont des forces de proposition et des forces motrices dans la construction d’une politique de l’eau ambitieuse.

Les communistes défendent le partage des ressources et la mise en commun des richesses du pays. Comment cela se traduirait dans un contre-projet communiste à la hauteur des défis posés par la question de l’eau ?

Dans les territoires, l’enjeu de l’eau est d’abord celui de la justice sociale et de la mise en place d’une politique réellement écologique.

Nous devons travailler avec les petites, moyennes ou grandes entreprises du secteur, mais aussi exercer un contrôle et une régulation sur leur action. Les collectivités territoriales doivent rester décisionnaires sur les politiques définissant la manière dont l’eau est utilisée, consommée, distribuée et recyclée dans nos villes. C’est notre rôle, en tant qu’élus communistes, de s’opposer aux logiques court-termistes qui guident l’action gouvernementale sur le sujet.

Pour tous les Français, la facture d’eau repose sur une part fixe et une part variable indexée à la consommation d’eau. À Nantes, nous avons décidé de baisser la part fixe et d’augmenter la part variable ce qui a permis de créer un bouclier tarifaire face à l’inflation. 

Les petits consommateurs vont payer petit et les gros vont payer gros. Nous avons aussi mis en place, en partenariat avec la CAF, un remboursement de tous les frais d’eau s’élevant au-dessus de 3 % des ressources du foyer. En 2021, ce sont 7 427 foyers qui ont pu bénéficier de la tarification sociale de l’eau, pour un montant total de 472 506 € d’aides versées.

Ce que nous, les communistes, défendons depuis toujours, c’est la création d’un grand service public de l’eau. Il nous faut construire une vraie coopération entre tous les territoires et les acteurs, en particulier au vu de leur grande hétérogénéité. 

On retrouve ainsi des inégalités criantes dans la qualité des réseaux et des services publics selon les territoires. Les territoires d’outre-mer sont par exemple clairement délaissés par les politiques publiques concernant la gestion de l’eau. 

Partout, nous devons travailler au renforcement de nos investissements dans les services de l’eau, à l’appropriation des citoyens de leurs services publics et à la sensibilisation sur la réduction de la consommation des ressources en eau.


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