Quand les quartiers sont privés d’infrastructures culturelles et émancipatrices

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Quand les quartiers sont privés d’infrastructures culturelles et émancipatrices

La culture est garante de l’émancipation humaine. Elle permet de grandir intellectuellement, mais aussi de créer du commun. Comment accepter, dès lors, qu’une part non-négligeable de la population, et parmi les plus pauvres, soit tant éloignée des lieux propices à la propagation de cette dite culture ? 

Les habitants des quartiers dits populaires sont souvent bien loin des cinémas, des théâtres, des bibliothèques, des musées… Ces infrastructures sont concentrées en métropoles et en centres-villes.

Les quartiers populaires, éloignés de la culture et des loisirs

Lorsque les “grands ensembles”, inspirés des préceptes de l’architecture moderne, commencent à être construits après la guerre, ils ont d’abord vocation à loger les couches moyennes de la population française. Celles-ci sont attirées par l’accès à l’eau, à l’électricité et la proximité avec les métropoles où se regroupent les emplois.

Davantage d’infrastructures, y compris culturelles, étaient alors implantées dans les quartiers.

Cependant, parallèlement à la paupérisation de ces cités, investies massivement par la classe ouvrière, les infrastructures culturelles se sont très nettement amoindries.

Par exemple, au Val Fourré à Mantes-la-Jolie, souvent considéré comme “la plus grande cité d’Europe”, l’une des plus populaires de l’ouest-parisien, proche du site de production automobile PSA de Poissy, cela fait plusieurs décennies que le théâtre Olivier Hussenot, ou encore le cinéma du Chaplin sont abandonnés, laissés péricliter par les différents responsables politiques locaux. Il ne reste aujourd’hui qu’une piscine, une patinoire et quelques terrains de football au sein du quartier.

La défection des différentes infrastructures culturelles dans les quartiers populaires n’est pas anodine, mais révèle une logique des plus mortifères du capitalisme : la culture doit être investie par les riches, la classe dominante, d’où l’accumulation des infrastructures en centres-villes. Les quartiers populaires ne seraient alors plus que d’immenses dortoirs où logeraient des milliers de travailleurs, de la simple main d’œuvre pour le patronat, main d’œuvre qui n’aurait nul besoin de s’émanciper par la culture et le loisir.

L’enjeu culturel de réinvestir les quartiers populaires

Le libre accès à la culture est un droit fondamental, qui devrait être accessible à toutes et à tous. Aucune inégalité sociale ne saurait justifier l’injustice de la disparité géographique des infrastructures culturelles.

C’est en réalité un devoir républicain que de garantir la possibilité d’émancipation par le biais de la culture et du loisir, d’autant plus auprès des plus pauvres, qui y sont pourtant aujourd’hui plus éloignés.

Les quartiers populaires, où se concentrent pauvreté et insalubrité, qui sont trop souvent gangrénés par la délinquance et le crime organisé, ont un besoin fondamental de culture, d’émancipation, de rêves, d’espoirs, de bonheur, mais également de conscientisation sociale. Cela passera par l’implantation d’infrastructures, bien au-delà des simples centres-villes.

Contre-culture urbaine et populaire

Malgré cet éloignement de la culture traditionnelle, la jeunesse des quartiers populaires a su développer ses propres codes, ses propres arts (notamment picturaux pour le street-art et musicaux pour le rap), dans le but de pouvoir façonner des liens, de créer du commun.

Si le rap est aujourd’hui écouté dans toutes les sphères de la société, c’est bien l’exclusion culturelle de toute une partie de la population qui a grandement participé à la pousser à mettre sur pied sa propre contre-culture, revendicative, authentiquement populaire, exposant la pauvreté comme la violence des quartiers.

Le rap attise toujours aujourd’hui les foudres d’une part des médias dominants, pour sa violence et sa vulgarité. Il n’est pourtant, du moins à son origine, qu’un simple reflet de la réalité, un témoignage de ce qu’est la vie en quartiers populaires. 

L’engagement communiste pour faciliter l’accès à la culture

De nombreux acteurs associatifs et politiques se sont engagés dans le but de garantir l’accès à la culture au sein des quartiers populaires. 

C’est notamment le cas du Parti communiste français, qui, enraciné depuis toujours dans énormément de villes populaires, notamment en banlieue parisienne, a lutté et continue de lutter pour implanter ou conserver les infrastructures culturelles, tout en garantissant des prix accessibles pour ces activités.

Dans son rapport présenté au Comité central du PCF le 16 octobre 1936, Paul Vaillant-Couturier affirma que “les communistes se proposent la construction d’un monde où la culture aura la place dominante”. Ce sont les mairies communistes, et particulièrement celles de la “ceinture rouge” qui servirent de laboratoires.

L’un des grands noms de cet engagement du PCF pour l’accessibilité de la culture est celui de Jack Ralite. Né en 1928 et décédé en 2017, ancien journaliste chargé des pages « Culture » du quotidien l’Humanité, Jack Ralite a été député, ministre, conseiller régional d’Île-de-France et sénateur communiste. Il fut également maire de la commune séquano-dionysienne d’Aubervilliers de 1984 à 2003.

On trouve toujours aujourd’hui à Aubervilliers le célèbre théâtre de la Commune, centre dramatique mondialement connu, le cinéma Le Studio, quatre médiathèques, un théâtre équestre, un centre d’arts plastiques, un conservatoire de musique, de théâtre et de danse…

Les mairies communistes facilitèrent et facilitent toujours également l’accès au sport et aux loisirs. D’une part, en implantant des infrastructures au cœur des quartiers populaires, mais d’une autre en limitant les coûts d’accès aux différentes activités, et en organisant de multiples initiatives. 

C’est le cas des célèbres journées à la mer au cours desquelles les militants emmènent des enfants des quartiers populaires en vacances à la plage, alors que beaucoup d’entre eux n’ont pas les moyens de partir.


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