Retraite à 64 ans : les arguments contre la réforme

publié le dans
Retraite à 64 ans : les arguments contre la réforme

La Première ministre a présenté mardi soir une réforme des retraites qui s’annonce très impopulaire et antisociale. 

Le projet de loi reporte l’âge légal de départ en retraite à 64 ans et accélère l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une pension à taux plein. Unanimement opposés, les syndicats de salariés appellent à la grève le 19 janvier.

Alors que le gouvernement s’affaire à défendre ce nouveau recul, il est important de démêler les mensonges et les contradictions auxquelles il s’abandonne.

Vers la baisse des pensions

« Près de deux millions de petites retraites vont être augmentées », nous dit-on. Il s’agit d’une revalorisation des pensions minimales à 85 % du SMIC net (1200 euros brut). Ainsi, le gouvernement se félicite de permettre à des gens qui ont travaillé toute leur vie de vivre avec moins de 1200 euros par mois, c’est-à-dire en dessous du salaire minimum. Drôle de récompense !

De plus, ces 1200 euros ne concernent que les retraités ayant une carrière complète (42 ans aujourd’hui, 43 demain selon le projet). Celles et ceux qui ont eu une carrière hachée partiront avec moins. « La “garantie” d’un minimum de pension à 1 200 € n’est qu’un leurre, car elle ne serait effective que pour les carrières complètes », dénonce la CGT.

La première conséquence de la réforme sera de baisser le niveau moyen des pensions. 

En vérité, on observe dans tous les pays voisins où l’on part plus tard à la retraite que le taux de pauvreté des retraités est plus élevé qu’en France (Eurostat). C’est dû au fait que les travailleurs et travailleuses ne parviennent pas à compléter leur carrière avant l’âge où ils ne sont plus en capacité de travailler. Quel triste projet de société !

Aujourd’hui, un salarié peut partir à la retraite à 62 ans, mais s’il lui manque des trimestres de cotisation, une décote vient réduire sa pension. Cela pousse déjà les salariés à travailler plus longtemps afin d’obtenir une pension complète, en particulier les femmes qui ont plus souvent des carrières hachées. C’est pourquoi on parle d’âge légal et d’âge moyen de départ : l’âge moyen est plus élevé que l’âge légal.

Travailler (beaucoup) plus longtemps

Si la réforme est appliquée, il faudra travailler au moins jusqu’à 64 ans (sauf exception) et sans aucune garantie d’avoir une pension complète. En effet, la décote pour cause de trimestres manquants ne cesse de s’appliquer qu’à 67 ans ! 

Comme tout le monde ne pourra pas travailler jusqu’à entre 64 et 67 ans, une baisse des pensions sera induite par l’effet de la décote. Pour les autres, il faudra pousser peut-être jusqu’à 67 ans pour avoir une retraite à taux plein.

Pour les jeunes, il est clair qu’on nous promet de travailler jusqu’à 67 ans, tant les stages, les services civiques, les contrats précaires retardent l’obtention d’un emploi stable (27 ans en moyenne d’après le CESE).

L’application de la réforme se ferait très rapidement. Elle demande un trimestre cotisé supplémentaire par génération. Dès le mois de septembre, les personnes nées en 1961 ne pourront partir qu’à 62 ans et trois mois. Toutes celles et tous ceux qui ont moins de 56 ans aujourd’hui devront attendre la retraite jusqu’à leurs 64 ans. Ils n’auront pas nécessairement une pension complète à cet âge, car, dès 2027, il faudrait 43 annuités de cotisation.

Pour ceux et celles ayant eu une carrière longue, la réforme est également injuste. Certes, si l’on a travaillé avant 18 ans, un départ à 60 ans est envisageable (avant 20 ans, un départ à 62 ans). Mais, si l’on commence à travailler à 20 ans, il faudra travailler 44 ans, une année de plus que tout le monde. 

De plus, les régimes spéciaux seront supprimés pour les nouveaux embauchés, au détriment des conquêtes sociales avantageuses obtenues dans plusieurs métiers, généralement en raison de conditions de travail particulièrement dures. Des droits en mois pour les jeunes.

Pas de nouvelles recettes

Se féliciter de la « concertation » est un mensonge tant l’unanimité des syndicats contre la réforme est connue de tous. Bruno Le Maire a tenté de vanter le « compromis ». 

« Avec le compromis que nous proposons, nous garantissons l’équilibre financier du régime des retraites, mais en échange, nous acceptons tous de travailler plus longtemps ». Compromis, il n’y a pas, car le gouvernement a refusé d’envisager de nouvelles recettes pour mieux financer le système des retraites.

Pourtant, il est possible de ne pas reculer l’âge de départ en retraite en utilisant plusieurs leviers de financement. En effet, la Sécurité sociale est privée de 75 milliards d’euros par an à cause des exonérations de cotisations, compensées par le budget de la nation. Au lieu de subventionner ainsi avec de l’argent public les profits capitalistes, il conviendrait de les faire davantage contribuer.

Les inégalités salariales femmes-hommes, la politique de primes et la stagnation des salaires représentent aussi d’énormes manques à gagner pour les caisses de la Sécurité sociale. En augmentant les salaires, il y aurait un surcroît de cotisations.

C’est uniquement à cause du présupposé d’absence de nouvelles recettes que le gouvernement peut tenter de convaincre du bien-fondé de sa réforme. « Ce sont des pompiers pyromanes. Ils ont vidé les caisses et ils disent maintenant qu’il n’y a plus d’argent ! », a dénoncé Léon Deffontaines, secrétaire général du MJCF sur BFMTV. 

Rendez-vous le 19 janvier

La contestation monte, avec un front uni des syndicats, des meetings unitaires organisés par les forces politiques de gauche, des sondages défavorables à la réforme, des propositions pour financer une retraite à 60 ans à taux plein.

« Nous sommes prêts à faire encore évoluer notre projet », déclare Elisabeth Borne.

C’est bien qu’ils s’y préparent, 67 % des Français sont opposés au report de l’âge légal, selon un sondage Elabe. Leur dernière réforme des retraites a été abandonnée suite à une mobilisation massive des salariés fin 2019. Dans les sondages, une large majorité des actifs soutient la grève à venir. 

« Nous voulons aller jusqu’au bout », dit Olivier Véran. Alors, mettez vous d’accord, et un conseil : jetez le projet de loi à la poubelle.


Édition hebdomadaire