Contentieux climatique : un espoir contre l’inaction, selon l’ONU

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Contentieux climatique : un espoir contre l’inaction, selon l’ONU

Le 28 juillet 2022, les Nations unies consacraient le “droit universel à un environnement sain”. Un an plus tard, le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) dévoile les chiffres relatifs au contentieux climatique : il aurait plus que doublé en cinq ans.

Entre 2017 et 2022, le nombre d’affaires liées au changement climatique est passé de 884 à 2 180. Près de 70 % de ce total est concentré aux États-Unis (1 552), et les pays en développement y contribuent à hauteur de 17 % (Nigeria, Kenya, Ouganda, Pakistan, Philippines, Pérou…).

L’ONU continue de déplorer l’inaction des États

Pour Inger Andersen, la directrice exécutive du Pnue, “les politiques climatiques sont loin d’être à la hauteur pour maintenir l’augmentation des températures mondiales en dessous du seuil de 1,5°C d’augmentation, alors que des phénomènes météorologiques extrêmes ainsi qu’une chaleur torride touchent déjà notre planète”.

Une partie des plaintes sont effectivement tournées contre les États, dont l’inaction, voire la complicité face à l’urgence, ont pu être sanctionnées par les tribunaux. Le rapport onusien mentionne à ce titre “l’Affaire du siècle” s’agissant de la France, ainsi que des décisions épinglant le Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Australie pour leur soutien à des projets d’extraction fossile.

Les entreprises ne restent toutefois pas impunies. Principalement tournées vers les groupes pétroliers, les actions citoyennes ont provoqué la condamnation de Shell aux Pays-Bas et des “Carbon Major” aux Philippines. Décisions inédites en ce qu’elles contraignent à la fois les entreprises à réduire leurs émissions de CO2, mais surtout en ce qu’elles les soumettent à l’Accord de Paris pour le climat.

Quand les citoyens prennent leurs problèmes à bras-le-corps

Michael Gerrard, directeur de la faculté du Sabin Center qui a publié le rapport, déclare ainsi que “l’écart se creuse de manière inquiétante entre le niveau de réduction des gaz à effet de serre que le monde doit atteindre […] et les mesures que les gouvernements prennent effectivement pour réduire les émissions. Cette situation conduira inévitablement un plus grand nombre de personnes à recourir aux tribunaux.”

Les effets du changement climatique sont d’ores et déjà connus. Réchauffement insoutenable de l’atmosphère et des océans, incendies et inondations, déplacements de populations… Les peuples les plus vulnérables sont les premiers touchés, et sur eux repose la responsabilité d’agir pour éviter le pire.

Malgré les moyens extraordinaires dont disposent les États et les multinationales pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, rien n’est fait, sans surprise, pour réellement redresser la situation. Il apparaît encore (et de plus en plus) nécessaire à la société civile de saisir elle-même la justice pour combler ces failles. L’étude révélée par le Pnue cite à ce titre les actions intentées pour réparer les préjudices subis par de très jeunes enfants, à l’image de fillettes de 7 et 9 ans au Pakistan et en Inde.

Un pansement sur une jambe de bois

La multiplication du contentieux climatique reste prometteuse quand les réponses apportées par le juge sont à la hauteur des problèmes pointés. À toutes les échelles, l’accumulation de décisions ne fera qu’affiner la jurisprudence en droit de l’environnement, formant un domaine juridique de plus en plus défini.

Mais quel est le pouvoir d’un juge face à un État qui n’investit pas dans ses services publics, dans la transition énergétique, dans la préservation de la biodiversité ? Les grandes puissances, dotées de PIB que l’on compte en milliers de milliards, ne sont pas effrayées par les astreintes de quelques millions prononcées pour chaque mois de retard dans l’application des sanctions. Cette dernière reste la grande inconnue du contentieux climatique.

Tout ne serait donc question que de volonté politique ? Étonnant. La classe dirigeante actuelle, servile aux intérêts du capital, se nourrit de la crise climatique pour garantir des profits toujours plus confortables. Les capitalistes n’admettent les solutions de transition qu’au moment où ils peuvent en tirer des bénéfices satisfaisants. Le vieil ordre n’est jamais inquiété.

Les actions en justice ne sont donc qu’un aspect, au demeurant utile, dans la lutte contre le changement climatique. Tout militant soucieux de la cause environnementale doit avoir à cœur de s’organiser pour remettre en cause le modèle productif actuel. À l’heure où António Guterres acte le remplacement de “l’ère du réchauffement climatique” par “l’ère de l’ébullition mondiale”, à nous d’acter la fin d’un capitalisme pourrissant et la transition indispensable vers une société plus juste et respectueuse de la planète.


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