Pollution de l’air : le juge administratif en croisade contre les manquements de l’État ?

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Pollution de l’air : le juge administratif en croisade contre les manquements de l’État ?

Le 16 juin 2022, le tribunal administratif (TA) de Paris a condamné l’État à verser 2 000€ et 3 000€ aux parents d’enfants ayant souffert de bronchiolites et d’otites répétées. Celles-ci sont affirmées être dues à des seuils élevés de pollution de l’air en région parisienne.

Des jugements historiques

Ces décisions sont inédites en ce qu’elles reconnaissent un lien de causalité entre le préjudice moral et physique subi par les enfants affectés d’une part et la faute de l’État d’autre part. Pour ne pas avoir su maintenir un niveau de pollution de l’air inférieur aux seuils d’alerte moyens, des mesures indemnitaires contre l’État ont été prononcées pour la première fois.

L’action du juge administratif en matière environnementale n’est pas nouvelle. En 2021, dans le cadre de “l’Affaire du siècle”, le même tribunal avait déjà condamné l’État à plusieurs millions d’euros pour ne pas avoir respecté ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effets de serre. Idem en 2022, quand le TA de Paris puis le Conseil d’État ont sanctionné des dépassements de seuils, sans lien avec des préjudices réels subis, pour des astreintes historiques de 20 millions d’euros.

“La boîte de Pandore” n’est pas ouverte

Pour autant, le juge est-il réellement le grand pourfendeur des manquements environnementaux de l’État, qu’il affiche être ? Rappelons utilement que dans le jugement de l’Affaire du siècle, la base de calcul du préjudice écologique demandée par les associations requérantes, en tonnes équivalent CO2, a été divisée par quatre.

De même, les décisions du 16 juin 2023 ont considérablement réduit le montant des demandes indemnitaires des victimes. Les 2 000 et 3 000€ obtenus ne sont rien comparés aux 220 000€ réclamés par les requérants : le juge a passé un grand coup de balai dans les chefs de préjudice invoqués.

Selon les avocats des familles, le tribunal a également suspendu l’indemnisation à deux conditions : le lien direct, classique, entre les maladies et les pics de pollution, et l’insistance du médecin familial à soustraire l’enfant contaminé du milieu toxique par un déménagement. Il ne faudrait donc pas que les enfants soient malades par la “faute” de leurs parents, qui n’auraient pas pris l’initiative de déménager !

À la recherche de solutions, certains voient dans les ZFE une première étape contre la pollution de l’air. Selon le président de l’association “Respire” et le ministre Christophe Béchu, ce dispositif d’exclusion sociale est une première avancée vers la baisse des émissions de particules fines en ville…


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