Les moins de 26 ans sont aussi touchées par les violences conjugales

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Les moins de 26 ans sont aussi touchées par les violences conjugales

L’association “en avant toutes” a publié ce 11 octobre (journée internationale des filles) une enquête sur les violences conjugales chez les moins de 26 ans. C’est une première en France où cette catégorie, pourtant plus touchée par les violences, n’est pas étudiée. 

“En avant toutes” a créé le site commentonsaime.fr, celui-ci comporte un tchat où de façon anonyme les filles et femmes peuvent poser des questions à des répondantes formées dans la lutte contre les violences. Le choix d’un outil numérique voulait répondre à plusieurs enjeux : d’abord, les jeunes femmes sont des habituées du numérique. Un tchat permet aussi d’être présent sur l’ensemble du territoire, même sur les lieux les plus reculés. L’autre raison c’est que cette catégorie de population va moins au contact des permanences associatives “classiques”. C’est d’ailleurs l’un des premiers constat de cette enquête. Les jeunes ont l’impression que ces structures ne s’adressent pas à elles. Cette impression est renforcée par des campagnes de communications institutionnelles qui établit un portrait de “la victime” erronée : elle serait forcément une femme de plus de 30ans, mariée et avec des traces laissées par des violences physiques. Un portrait loin de correspondre aux jeunes femmes et filles qui s’adressent au tchat. 

Si les victimes de violences qui contactent l’association sont majoritairement majeures, pour près de la moitié d’entre elles les violences ont commencées avant leur 18 ans. La plus jeune victime recensée ayant 13 ans au moment de sa prise de contact. Des violences qui n’attendent donc pas le mariage mais ont lieu dès la cour du collège, dès les premières relations. Ce constat est d’autant plus grave qu’avoir subi des violences augmente le risque d’en subir de nouveau (sans être une fatalité), ainsi une partie des jeunes filles sans expériences dans la vie affective vont identifier ces violences comme la “normalité”. Victimes aussi d’une société qui romantise les violences, cet aspect est visible dans l’enquête notamment à travers les causes invoqués par l’auteur des violences : la “jalousie” est évoquée dans 24% des cas. Il est d’autant plus dur d’identifier les limites quand “la jalousie” est toujours vue collectivement comme “une preuve d’amour”. 

L’identification aux campagnes d’informations institutionnelle est d’autant plus difficile que celle-ci se concentrent sur les violences physiques, malgré quelques améliorations. Or, les jeunes subissent majoritairement des violences psychologiques pour 69% de celles qui ont contactées l’association. Viennent ensuite les violences verbales à 50% qui vont de la dépréciation aux insultes. Puis les violences sexuelles à 47% : plus la victime est jeune plus le taux est haut. Ces deux premiers types de violences sont peu présentes dans les campagnes institutionnelles, quant aux violences sexuelles dans le couple (tandis que dans presque la moitié des cas l’agresseur est un conjoint ou ex conjoint) elles sont totalement occultées. Les cyber-violences sont elle subies dans 20% des cas : géolocalisation, surveiller le téléphone etc. Il ne s’agit pas d’une nouvelle forme de violences c’est la continuation de la violence psychologique avec de nouveaux outils. 

La violence physique (déclarée à 33%) fait généralement suite à l’imposition des types de violences précédemment citées. En effet si la jeunesse des victimes demande des réponses adaptées, le système d’emprise qu’elles subissent est le même que leurs aînées. Les jeunes femmes témoignent de plusieurs mois où la personne violente va être un “prince charmant” puis l’installation de violences psychologiques et verbales qui vont réduire la confiance en elles des victimes et leur faire couper les liens avec les personnes qui pourraient les aider. Ainsi lorsque les violences sexuelles et physiques se produisent la victime est déjà “piégée”. Les moments de déclenchement de la violence sont ainsi les mêmes que pour les femmes de plus de 26 ans : la mise en ménage et la grossesse. 

L’un des éléments identifié par l’enquête pouvant renforcer l’emprise est la surreprésentation des différences d’âges dans le couple dans 70% la victime est plus jeune que l’auteur. Les jeunes femmes qui contactent l’association témoignent de l’utilisation de leur âge comme moyen de pression “j’ai plus d’expérience que toi je sais mieux”. 

Surtout, la jeunesse des victimes les contraint à une forte dépendance financière, ce constat est plus vrai encore pour les victimes dans une relation avec une différence d’âge. “En avant toutes” constate qu’une majorité des jeunes qui écrivent au tchat ont très peu voire aucune ressource. Elles sont toujours dépendantes de leurs parents lorsque c’est possible, des bourses, de jobs peu rémunérés et l’accès au RSA est quasi impossible avant 25 ans. Cette fragilité économique va d’autant plus les fragiliser si elles veulent quitter le foyer et/ou l’auteur des violences. Mais aussi dans l’accès au soins médicaux et psychologiques. 

Ces données et premières préconisations seront accompagnés d’un second volet à sortir en 2021. Alors que le Grenelle contre les violences conjugales a permis certaines avancées très peu peuvent répondre à ce que subissent ces jeunes femmes. Elles ne sont pas concernées par le divorce, une majorité ne subit pas de violences physiques et ont donc peu de chances d’être éligibles à leur protection par bracelet électronique par exemple etc. Une nouvelle communication plus proche de la multiplicité des profils peut être une première étape. Surtout, il faut éviter que ces violences puissent avoir lieu d’une part en garantissant l’indépendance économique des femmes, même jeunes, et en menant une politique de prévention ambitieuse au plus près des jeunes : dans les salles de classes. Les jeunes doivent être capables d’identifier une relation violente et avoir les clés pour construire des relations épanouissantes avant le début de leur conjugalité. 

*L’utilisation du féminin générique est due à une extrême majorité de femmes victimes (97%). Les d’hommes sont majoritairement victimes d’autres hommes. Les minorités de femmes commettant des violences les font subir à d’autres femmes. 


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