Aux origines du conflit syrien

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Aux origines du conflit syrien

Alors que la sortie du conflit ne semble pas se profiler, il est intéressant de se pencher sur les origines de ce conflit. Comment les aspirations populaires et légitimes du peuple syrien ont été brisées par les logiques impérialistes.

Aux origines de la Syrie

Il y a un siècle, les accords Sykes-Picot redessinaient le Moyen-Orient, le 16 mai 1916, Britanniques et Français signaient les accords se  partageant les restes de l’Empire ottoman.  Ces nouvelles frontières ne tenaient pas compte des populations locales. La Grande-Bretagne  souhaitait assurer son contrôle sur les régions pétrolières d’Irak tout en sécurisant la route des Indes, la France,  voulait quant à elle renforcer sa présence  en Méditerranée et en contrôler les côtes.

Les frontières syriennes sont créées après la Première guerre mondiale, au lendemain des accords de San Remo en 1920, qui découlent des accords de sykes-picot. La Syrie reste alors sous mandat français jusqu’en 1946. Lorsque le pays retrouve sa souveraineté, il est le théâtre de plusieurs coups d’état en alternance avec des périodes démocratiques.

En 1970, Hafez Al-Assad, père de Bachar Al-Assad, conquiert le pouvoir par la force,  et élimine ses adversaires politiques, il met alors en place un régime autoritaire  et dirige le pays par la terreur pendant près de 30 ans. En février 1982, il massacre par dizaines de milliers les  habitants de la ville de Hama suite à un soulèvement. Les opposants politiques seront pendant toute la durée du règne d’Hafez Al-Assad systématiquement arrêtés, torturés ( ce fut notamment le cas de ligue communiste de Ryad Turk )et des dizaines de milliers ont disparu.

À sa mort en 2000, la constitution syrienne est changée afin que son fils, Bachar lui succède. Si dans un premier temps Bachar Al-Assad ouvre le pays à des réformes démocratiques, et surtout économiques en procédant à une libéralisation, après un an au pouvoir il rétablit un système autoritaire. Avant 2011, le pays comptait 23 millions d’habitants sur une superficie de 185 000 km².

Terreau de la révolution

En 2011, une minorité de syrien profite de la richesse du pays.  Bachar Al-Assad  s’appuie sur son clan familial qui profite de son pouvoir pour avoir le contrôle total de l’économie du pays, et un très fort réseau de clientélisme. Le régime Syrien était tyrannique. Pendant ce temps le peuple syrien, vivait dans la pauvreté et était confronté à un régime autoritaire.

Par ailleurs de 2006 et 2011, la Syrie subit malheureusement une période de sécheresse extrêmement importante, amplifiée par la gestion catastrophique de l’eau par le régime de Damas[1]. La sécheresse a alors provoqué une montée des prix et poussé 1,5 millions de personnes en exode vers les villes qui s’installèrent en situation de grande précarité renforçant les tensions. L’ensemble de ces éléments rendait la situation propice à une révolte.

Au début de l’année 2011, le monde arabe est parcouru par des soulèvements populaires contre les pouvoirs autoritaires. En Syrie, de nombreux appels à manifester sont lancés sur les réseaux sociaux dès février 2011. Mais le pays vit sous état d’urgence, en vigueur depuis 1963, et la puissance des services de renseignement et de sécurité du pouvoir empêchent toute possibilité de rassemblement. Par ailleurs les sunnites majoritaires en Syrie, écartés du pouvoir subissaient une forme de ségrégation depuis quatre décennies de dictature du clan Al-Assad, qui eux sont alaouites.

Germe et Genèse de la révolution

En mars 2011, quinze enfants,  écrivent sur les murs de Deraa une grande ville du sud du pays « Le peuple veut la chute du régime” , un  slogan crié dans toutes les rues arabes à cette période  « Jay alek eil ed-dor ya doctor » (« Ton tour arrive, docteur »)[2]. Ces enfants seront alors arrêtés et torturés par le régime.

A la suite de cet événement, les  manifestations se développent à travers le pays, notamment après les prières du vendredi[3]. Des centaines de milliers de manifestants pacifiques se soulèvent pour demander la démocratie et la fin de la corruption. Les manifestations deviennent quasiment quotidiennes, elles sont lourdement réprimées. Bachar Al-Assad fait tirer l’armée sur la foule pacifique. Dans les premiers mois 9000 syriens meurent lors des manifestations et des répressions qui en suivent. Parallèlement Bachar Al-Assad fait organiser des fausses manifestations de soutien au régime, dans lequel il oblige les fonctionnaires et les services de sécurité à manifester et à brandir des portraits de lui et faisant diffuser à l’étranger ces images de propagande.[4]

Petit à petit des manifestants vont s’armer et la violence va prendre le pas, mais les premiers manifestants qui sont descendus dans la rue vont se voir voler leur révolution, au profit de groupes soutenus par plusieurs puissances impérialistes.

Militarisation et enlisement du conflit

Le 26 juillet 2011, le colonel Riyad Al-Assaad, fonde l’Armée syrienne libre (ASL), sous cette bannière, il souhaite combattre la répression et renverser le régime de Damas, c’est le début de la lutte armée.

Pendant l’été 2012, l’ASL, conquiert les quartiers populaires d’Alep, capitale économique du pays. Les zones qui passent sous contrôle de l’ASL sont alors administrées par les populations locales et celles-ci mettent en place des « Conseils civils » pour administrer ces territoires. A ce moment-là de la révolution l’ASL représentait encore les espoirs des premiers révolutionnaires.

La répression s’adapte alors et les villes contrôlées par l’ASL sont lourdement bombardées.  A partir du printemps 2013, le conflit s’enlise alors plus que jamais. Et l’ASL va alors perdre du terrain sur d’autres forces armées. Les pays du Golfe vont armer directement des rebelles syriens. Des combattants du Hezzbollah vont combattre à côté de l’Armée de Bachar Al-Assad.

Les groupes djihadistes vont monter en puissance et prendre le contrôle d’une grande partie de la rébellion, loin des premières aspirations de la révolution.

Dès 2011 Bachar Al-Assad a fait un pari cynique et effroyable : attiser les groupes djihadistes en Syrie, pour qu’il est le contrôle de la rébellion et ne laisser que le choix aux organisations internationales de choisir entre le chaos djihadiste ou lui…

Il a donc soufflé sur les braises en libérant de ses prisons des centaines d’islamistes radicaux ce qui a permis  l’émergence, et le développement rapide de groupes djihadistes qui ont pris le contrôle de la rébellion.

Par ailleurs les fonds provenant des pays du Golfe ont contribué à cette radicalisation de la rébellion. L’ASL qui disposait de peu de moyens est dépassée par ces brigades djihadistes qui elles pouvaient s’armer lourdement et rétribuer leurs combattants.

Cette militarisation du conflit a provoqué une situation d’une énorme complexité. Six ans plus tard, le conflit a déjà fait, d’après l’ONU, 310 000 morts, des centaines de milliers de blessés et douze millions de réfugiés.  Si le qualificatif guerre mondiale n’est pas utilisé, reste que ce sont bien l’ensemble des puissances impérialistes dans le monde qui s’affronte sur le terrain Syrien.

Lire aussi : Syrie : Vers une partition ?

Les récents propos d’Emanuel Macron pourraient en tout cas laisser croire que Bachar Al-Assad est en passe de réussir son sombre pari.

[1] Les ressources hydrauliques ont chuté de moitié entre 2002 et 2008, le régime finançait des cultures extrêmement consommatrice d’eau et des techniques d’irrigation inefficaces

[2] Docteur est le surnom donné à Bachar el Assad, qui est ohptalmologue de profession.

[3] Il est traditionnel dans le monde arabe de manifester après la prière du vendredi à la mosquée.

[4] L’émission de France télévision « Un Œil sur la Planète », le 18 février 2016 reprenait ainsi sans aucune critique des images de propagande de bachar al-Assad, monté de toute piece.

 


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