CNR : une « nouvelle méthode » pour plus de présidentialisme

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CNR : une « nouvelle méthode » pour plus de présidentialisme

Lancé par le gouvernement début septembre, le Conseil National de la Refondation prétend renouveler la démocratie alors qu’il poursuit la présidentialisation de la vie politique française.

Emmanuel Macron tente de se déguiser en héraut du dialogue social, tout en contournant le parlement et en refusant la négociation avec les corps intermédiaires (syndicats, associations…) pour imposer des politiques antisociales et impopulaires. Affaibli depuis que la majorité présidentielle est relative à l’Assemblée nationale, le président cherche un moyen de légitimer son exercice personnel du pouvoir.

Une « nouvelle méthode » pour reléguer le parlement

Sous couvert de « nouvelle méthode », Emmanuel Macron s’apprête à ressortir les mêmes vieilles recettes de la Ve République : votes bloqués, adoption de lois sans vote (art. 49-3), dissolution de l’Assemblée, etc. Tout au long de son premier mandat, le président s’est montré incapable de négocier avec les syndicats, comme en ont témoigné les durs mouvements sociaux des cinq dernières années. Sur la réforme des retraites, il promet une concertation tout en annonçant qu’il ne bougera pas sur la retraite à 65 ans.

Au même moment où tous les sondages montrent qu’une écrasante majorité de Français est opposée au recul de l’âge légal de départ à la retraite, le président de la République menace l’Assemblée nationale de dissolution si elle venait à refuser l’adoption du projet de loi. Comme souvent, il se complaît dans la démonstration de force présidentielle, plutôt que de construire la loi avec les parlementaires. Vu comment les représentants de la Nation sont traités par Emmanuel Macron, fort est à parier que les « concertations » ne débouchent pas sur de réelles concessions.

Selon le gouvernement, « le Conseil National de la Refondation vise à intégrer davantage les citoyens et les grands acteurs de notre société sur les grandes transitions de notre pays à venir. » Dans cet objectif affiché, il prévoit des consultations et des concertations. À aucun moment il n’est vraiment prévu de faire participer les citoyens aux décisions ni même de tenir compte de leur opposition à la politique gouvernementale.

Présidentialisme et abstention citoyenne

La « nouvelle méthode » d’Emmanuel Macron lui permet de mettre en scène un lien direct avec les citoyens, en faisant l’économie de la nécessité de convaincre une majorité de parlementaires ou les organisations représentant les salariés. 

Derrière cette mise en scène présidentialiste, pointe une disqualification du parlement et des syndicats : Macron veut « trouver de manière intelligente, tous ensemble, les bonnes solutions, loin des postures, des conservatismes, loin des débats qui sont parfois caricaturaux ». Le président s’en remet virtuellement au peuple pour esquiver les contre-pouvoirs.

En se montrant prêt à gouverner contre l’avis du parlement, Emmanuel Macron met en cause le rôle de cette institution qui est d’écrire la loi et contrôler l’action de l’exécutif. Facile après ça de verser des larmes de crocodile lorsque la participation aux élections diminue d’année en année. À force de rendre les élus inutiles ou de décrier leur opposition et leur inefficacité, il n’y a rien de bien étonnant à ce que leur rôle perde son sens aux yeux des citoyens. Si l’Assemblée était dissoute, quelle serait la conséquence sur l’abstention ?

Le Conseil National de la Refondation prévoit de traiter le thème de la jeunesse. Il déclare : « Nos jeunes sont l’avenir de notre pays. Leur formation, leur insertion, leurs niveaux et modes de vie, leurs espoirs et leurs angoisses doivent faire l’objet d’une attention spécifique. » Comment va-t-il concerter sur ce sujet alors que les organisations de jeunesse sont fermement opposées à la casse de l’assurance chômage, à la précarisation des jeunes sur le marché du travail ou encore à la sélection dans l’enseignement ?

Espérons que le gouvernement ait compris que réprimer violemment les mobilisations de la jeunesse ne facilite pas la « concertation » et la co construction.


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