Difficultés du nucléaire en été : une bonne raison d’en finir avec nos réacteurs ?

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Difficultés du nucléaire en été : une bonne raison d’en finir avec nos réacteurs ?

“Le nucléaire n’est pas adapté au dérèglement climatique” : si Mathilde Panot n’est pas une pro des sciences, c’est au moins une spécialiste de la tambouille. Poussée dans ses retranchements par Apolline de Malherbe, la cheffe des députés insoumis a affiché son désaccord frontal avec de jeunes militants écologistes qui plaidaient pour l’abandon des positions anti-nucléaires.

En cause, notamment, selon elle : la sécurité et l’efficacité des réacteurs qui ne seraient pas garantis pendant l’été. Dès lors, pas de doute, le nucléaire doit être abandonné, car il ne permettrait pas notre alimentation durable en électricité. Est-ce réellement la bonne conclusion à tirer de ces constats ?

Un constat de départ qui méconnait la réalité du refroidissement nucléaire

Tout le monde le sait, un réacteur nucléaire doit être refroidi pour fonctionner en toute sécurité. Deux systèmes existent pour ce faire : on parle de circuit ouvert ou de circuit fermé.

Dans le circuit ouvert, la centrale est construite de sorte à pouvoir pomper entre 40 et 50 mètres cube d’eau par seconde dans un cours d’eau ou dans la mer. L’eau traverse ensuite le réseau de refroidissement et 97 % de la quantité de départ est restituée avec quelques degrés supplémentaires.

Dans le circuit fermé, la centrale prélève aussi de l’eau dans une source, mais à hauteur de 2 m3/s. Ce sont essentiellement des tours aéroréfrigérantes qui réduisent la température des réacteurs, plus de la moitié de l’eau prélevée étant toutefois rejetée sous forme de vapeur dans l’atmosphère.

Sur 56 réacteurs dans le parc français, 26 sont en circuit ouvert, et 30 en circuit fermé. Autrement dit, plus de la moitié des réacteurs fonctionnent selon un modèle économe en eau prélevée, bien qu’une partie des prélèvements ne soit pas restituée.

Au final, en ne parlant que de la consommation en eau, le nucléaire s’avère être relativement peu gourmand. La préoccupation principale reste donc celle de la température plus élevée des eaux restituées.

Celles-ci s’avèrent être dangereuses pour la biodiversité fluviale et marine dans la mesure où elles risquent de fragiliser à moyen terme les milieux aquatiques. C’est pour cette raison, et tenant compte également des périodes de sécheresse, que les centrales limitent parfois leur activité pour réduire en conséquence leur consommation d’eau.

Là est toute la différence avec l’intermittence attribuée à certaines énergies renouvelables. Concernant le nucléaire, nous parlons bel et bien d’une énergie pilotable : quand les risques sont trop grands, ou les capacités de refroidissement trop basses, la production est diminuée. Certains y voient une critique à adresser au nucléaire, d’autres reconnaitront que ces dispositions ne sont que les conséquences de la sécurisation qu’appelle nécessairement le modèle atomique.

Pour les anti-nucléaires, le court terme avant tout

Le rejet d’eaux à température plus élevée pose donc un problème sérieux. La biodiversité, particulièrement dans les fleuves, risque de reculer en raison d’un habitat moins favorable.

Pour autant, toute proportion gardée, les réacteurs fonctionnant en circuit ouvert fluvial sont au nombre de douze : eux seuls restituent d’immenses quantités d’eau légèrement réchauffée dans un espace plus réduit. La question qui se pose est donc celle de l’adaptation des futurs réacteurs au réchauffement climatique, par leur construction en bord de mer notamment.

La nécessité d’un tel modèle de refroidissement, qui appelle quelques sacrifices, ne peut se comprendre qu’en ayant conscience que le nucléaire est une solution de long terme indispensable à la lutte contre le changement climatique.

L’atome pour atteindre des objectifs ambitieux 

L’atome est un outil essentiel à la décarbonation de la production d’électricité. Augmenter la part d’électricité dans la consommation énergétique totale doit passer par le développement du nucléaire à grande échelle. Alors seulement, la transition énergétique aura des répercussions positives réelles en termes de lutte contre l’augmentation des températures, et donc de lutte pour la préservation de la biodiversité.

Il est ainsi impératif de sortir des vues étriquées du court terme, qui ne s’intéressent qu’aux impacts négatifs directs d’une solution pourtant largement positive à long terme. 

En attendant que le nucléaire soit plus largement développé à l’échelle internationale (l’attente risque d’être encore longue), pallions les réductions de production en été par un investissement considérable dans les énergies renouvelables. Le mix reste la solution réaliste face au dogmatisme de certains politiciens.


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